Homélies du Père Jacques Pineault

C 26 LUC 16, 19-31 (19) Chimay : 28.09.2025

C26 2025Frères et sœurs, la liturgie de ce dimanche nous fait entendre encore une fois la voix du prophète Amos (Am 6,1a.4-7). Le prophète, c’est quelqu’un qui parle de la part de Dieu. Sa mission n’est pas d’enfoncer le pécheur dans son mal mais de l’appeler à se convertir. Aussi Amos se montre implacable envers la société corrompue de son temps. Il dénonce le luxe insolent des classes dirigeantes du pays, luxe qui les rend aveugles sur « le désastre du peuple » (Am 6,6). Il critique d’une manière virulente l’exploitation des pauvres par les riches et les puissants. Quand le droit et la justice sont bafoués, le pays court à sa perte. C’est connu !

Ces paroles très dures sont pourtant celles d’un amour qui ne veut que le bonheur de son peuple. Mais quand on aime, on se met parfois en colère. Dieu ne supporte pas qu’une petite minorité s’enrichisse au détriment des plus pauvres. Si Amos revenait, il dénoncerait tout notre gaspillage qui est une gifle à tous ceux et celles qui n’ont pas de quoi survivre. Dans son encyclique Laudato si’, le pape François nous invitait tous à une véritable conversion à propos du droit et de la justice.

C’est aussi l’appel que nous retrouvons dans l’Évangile de ce dimanche : il nous montre un homme riche qui fait bombance tous les jours. Son péché est d’ignorer le pauvre Lazare couvert d’ulcères devant son portail. Dieu ne peut pas tolérer cette situation dramatique. Il a créé le monde pour que tous les hommes y vivent ensemble et en frères. Il nous invite à partager les biens qu’il a créés en abondance. Il ne supporte pas qu’une infime minorité possède plus de la moitié des richesses globales. Entendons-nous bien : la richesse n’est pas mauvaise en soi. Mais elle peut nous entraîner au péché quand elle nous rend sourds et aveugles à la misère de notre monde. Les nouveaux pauvres sont de plus en plus nombreux dans nos villes mais aussi dans nos campagnes. Ils ont besoin d’une aide matérielle, oui, bien sûr. Mais ils attendent surtout que nous les regardions et que nous leur parlions.

Le péché du riche, c’est qu’il n’a pas vu. Ses richesses lui ont fermé les yeux, bouché les oreilles et fermé le cœur. C’est absolument dramatique parce que c’est son avenir éternel qui est en jeu : il n’y aura pas de séance de rattrapage ; la mort lui aura enlevé toutes les richesses qui l’aveuglaient et lui rendra la vue ; ce jour-là, il ne pourra plus repartir à zéro. L’Évangile nous parle d’un grand abîme entre lui et Lazare ; cet abîme infranchissable, c’est lui, le riche, qui l’a creusé. Cette solitude dans laquelle il se trouve, c’est lui qui l’a organisée. Il s’y est complètement enfermé. Maintenant, personne ne peut rien pour lui. Cet abîme perpétue celui que le riche, dans son aveuglement, avait creusé avant sa mort entre les pauvres et lui.

Ça donne des frissons, mais il nous faut recevoir cet Évangile comme un appel pressant à nous convertir. Le Seigneur compte sur nous pour que nous ouvrions nos yeux, nos oreilles et surtout notre cœur à tous ceux et celles qui souffrent de la précarité, du mépris et de l’exclusion. Nous ne devons pas attendre qu’une apparition vienne nous dire qui est Lazare et où le trouver : il est à notre porte, même s’il habite au bout du monde. Si nous ne le voyons pas, c’est que nous sommes aveugles. Il devient urgent de combler les ravins d’indifférence, de raboter les montagnes de préjugés et d’abattre les murs d’égoïsme.

La grande priorité, c’est de construire des ponts, de tracer des routes et d’aller à la rencontre des autres. Le Christ est là pour nous accompagner, car il sait bien que c’est au-dessus de nos forces personnelles. Sa grande mission a été de réconcilier les hommes avec le Père mais aussi entre eux. Il nous veut unis à lui et entre nous. C’est le grand commandement qu’il nous laisse : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34). Nous n’aurons jamais fini de nous ajuster à son regard d’amour sur les personnes qui nous entourent. C’est pour tous que le Christ a livré son Corps et versé Son sang.

Dans sa lettre à Timothée (1 Tm 6,11-16), saint Paul nous dit avec finesse que nous serons jugés sur nos actes : s’emparer de la vie éternelle, c’est mener le combat de la foi, c’est-à-dire se montrer doux, juste, aimant et persévérant. À travers son disciple Timothée, c’est à chacun de nous qu’il s’adresse. Il nous invite « à garder le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, et irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Tm 6,14).

Ne vous est-il jamais arrivé de détourner le regard d’un pauvre ? ou de détourner vos pas ? … Ne vous est-il jamais arrivé de vous inventer une de ces raisons que l’on invente pour ne pas donner de l’argent à ceux qui nous mendient ? … « Elle va le boire ». « Il va s’acheter de la drogue ». Sans parler de la légende urbaine du mendiant qui a refusé le sandwich qu’on lui tendait. Comme si un pauvre devait toujours manger la nourriture que d’autres choisissent pour lui… Je me souviens d’un responsable de banque alimentaire qui me disait recevoir des riches beaucoup de cans de petits pois verts, mais pas de viande, ni d’œufs, ni de lait, ni de fromage. Que dire alors de ceux qui ne supportent pas de voir la pauvreté à leur porte ? Pas de colporteurs ! Je sais que parfois, on n’en peut plus de voir la souffrance.

Toutes les pauvretés reflètent un manque d’amour. Ça ne veut pas dire que c’est le manque d’amour qui les cause toutes. Tous, nous sommes nés nus et pauvres, et nous serions morts si, par amour, quelqu’un ne nous avait pas nourris et soignés. Il y a une pauvreté naturelle de l’humanité. Et comme le Pape François l’a rappelé : « Un linceul n’a pas de poches » ; nous n’emportons rien dans la mort, sinon l’amour dont notre cœur sera rempli.

La pauvreté est toujours un creuset pour l’amour et c’est parce qu’ils reflètent notre dureté de cœur que nous ne voulons pas voir les pauvres qui nous entourent. A cet égard, ils cristallisent comme un caillou piquant le commandement d’aimer de Dieu. Et c’est d’abord sur celles et ceux que nous pouvons aider mais que nous essayons de ne pas voir, qu’achoppe notre refus de Dieu. La parabole que donne le Christ est très sévère à cet égard. « N’est méritoire que ce qui n’est pas fait en vue d’une récompense » (Sainte Édith Stein).

Sans doute l’avez-vous remarqué, la parabole ne donne pas le nom du riche ; seulement celui du pauvre. Je n’ai pas fait grand-chose d’humain en donnant à un pauvre de quoi manger, si je n’ai même pas pris la peine de demander son nom. Comme Dieu, connaissons-nous le prénom des pauvres sur notre seuil ? Il s’appelait Lazare, ce qui signifie Dieu m’a aidé.

L’Eucharistie qui nous rassemble nous annonce un monde où il n’y aura plus de pauvres. Dans ce monde nouveau, tous, riches et pauvres se retrouveront à la même table ; ils partageront ce qu’ils possèdent. Personne n’y manquera du nécessaire. Tous auront assez pour entrer dans la fête. Le monde que l’Eucharistie annonce, c’est celui-là même que le Christ est venu instaurer. Rendons-lui grâce et prions les uns pour les autres : c’est une aumône que chacun peut faire.

C CROIX GLORIEUSE JEAN 03, 13-17 (1)

Chimay : 14.09.2025

Croix glorieuseFrères et sœurs, dans le livre des Nombres (Nb 21,4-9), entendu en première lecture, Dieu demande à Moïse de fabriquer un serpent d’airain et de le placer sur un mât, pour guérir les Israélites mordus par les serpents. Quiconque le regardait le serpent de bronze était guéri de ses blessures et restait en vie. C’était une image du salut qui nous viendrait du Christ crucifié sur la croix. Que la croix, un instrument de supplice et de mort, soit qualifiée de glorieuse et, plus encore, de croix précieuse et vivifiante a de quoi nous donner à méditer. La croix dans sa nudité peut nous effrayer ! Mais bien mieux que le serpent de bronze, le Christ en croix s’offre à nos regards pour nous guérir de toutes nos fautes. Et qui d’entre nous n’en commet pas ?

Comme ces Israélites, nous sommes marqués par la morsure du péché qui nous fait perdre courage. Notre salut consiste à nous tourner vers le Fils de Dieu, à nous tourner vers la cause de notre salut : le Christ qui meurt sur la croix. Remarquons que c’est son amour jusqu’à la mort qui est vainqueur du péché et non sa souffrance. C’est pourquoi tous les êtres sont appelés à tomber à genoux devant le Christ en croix et à le proclamer « Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,11).

C 20 LUC 12, 49-53 (13)

Chimay : 17.08.2025

C20 2025Frères et sœurs, au premier abord, les lectures bibliques de ce dimanche sont assez déroutantes. C’est une raison suffisante pour les creuser un peu, car lues trop rapidement, nous risquons de mal les interpréter. Pour les comprendre, il faut se rappeler qu’elles nous renvoient à des périodes de persécution. Le prophète Jérémie a beaucoup souffert de la haine de ses adversaires, même dans son village natal, alors qu’il ne faisait qu’annoncer la Parole de Dieu (Jr 38,4-10). On l’a accusé de démoraliser son peuple, alors que le prophète parlait de la part de Dieu. En lui, la Parole était comme un feu que rien ne pouvait arrêter. On a donc cherché à le faire mourir. Car la Parole de Dieu que le prophète Jérémie faisait entendre dérangeait les chefs de l’armée qui cherchaient à le liquider. Comme c’est monnaie courante en bien des pays encore aujourd’hui. Mais par l’intermédiaire d’un étranger (un Éthiopien), Jérémie sera sauvé et retiré de la citerne où il s’enfonçait. C’était un acte de torture.

Aujourd’hui il y a des lois qui empêchent la torture ; c’est comme ça que l’on sait qu’il y en a encore grâce aux dénonciations d’Amnesty International et d’autres organismes semblables. Quand on en est rendu à torturer les autres, on est loin de Dieu. Mais souvenons-nous que le Christ a subi la moquerie et la flagellation de la part des soldats romains. C’était aussi un acte de torture. Il était de la sorte le frère de toutes les personnes qui ont été torturées par les autorités quelconques au cours de l’histoire de l’humanité. Pas nécessaire de dresser la liste de tous les pays où la torture a été manifeste : Russie, Irak, Algérie, Guantanamo, Nicaragua, Honduras, Nigéria et combien d’autres ?

Ce récit de la vie de Jérémie nous renvoie aux mœurs des temps anciens. Mais nous voyons bien qu’aujourd’hui, ce n’est pas mieux. De nombreux chrétiens subissent les pires horreurs à cause de leur foi en Jésus Christ. Mais comme Jérémie et bien d’autres, rien ne peut les détourner de cette foi qui les habite. Ils ont compris que le Christ est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Lui seul a « les paroles de la Vie Éternelle » (Jn 6,68).

La lettre aux Hébreux (Hb 12,1-4) a été adressée elle aussi à des croyants persécutés. Cette lettre leur montre les grands témoins de la foi qu’on trouve tout au long de l’Ancien Testament. Nous sommes portés dans la vie de foi par la foule immense des croyants d’hier et d’aujourd’hui. C’est, nous dit l’auteur de cette lettre, « une foule immense de témoins qui nous entourent » (Hb 12,1). Mais le plus important pour nous, chrétiens, c’est de fixer notre regard sur Jésus « qui est à l’origine et au terme de la foi » (Hb 12,2). Il est le témoin toujours présent, celui qui a dit : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). Il nous précède sur le chemin que nous suivons. Avec lui, nous pouvons être sûrs d’arriver au but. Par son obéissance jusqu’à la mort sur une croix, il nous a obtenu la victoire sur toutes les forces du mal. Grâce à Lui, c’est désormais le triomphe de l’amour. Cette Bonne Nouvelle est un message d’espérance pour les chrétiens persécutés de tous les temps. Encore une fois, c’est l’amour qui triomphe. Le mal ne mène à rien sinon à la destruction occasionnelle.

Dans l’Évangile, saint Luc nous parle du feu que Jésus est venu apporter sur la terre. Le message de Jésus n’apporte pas toujours la paix. Il semble créer la division entre les hommes. Mais il ne s’agit pas d’un feu destructeur. C’est que le feu de l’amour a du mal à prendre sur terre. Ce feu, c’est celui de l’amour passionné qui est en Dieu. Quand saint Luc écrit son Évangile, il mesure les conséquences de l’annonce de la Bonne Nouvelle, aussi bien dans le monde juif que dans le monde païen. Depuis le feu de la Pentecôte, cette annonce est comme une flamme qui se répand à toute vitesse. Les conversions se multiplient. Dans le monde juif, elle paraît détruire l’édifice religieux et provoquer la colère contre les chrétiens. Dans le monde païen, elle est considérée comme une contagion déraisonnable. Dans les deux cas, ça se vérifie par les persécutions qui en sont la conséquence.

Cependant l’incendie allumé par le feu de la Pentecôte est tel que ceux qui deviennent disciples du Christ sont rejetés même par les membres de leur famille. « Chacun a pour ennemi les gens de sa maison ». C’est toujours vrai aujourd’hui. Des gens qui se convertissent au Christ sont obligés de fuir loin de chez eux. En annonçant cela, Jésus parle d’expérience. Lui-même a été rejeté par ses amis d’enfance à Nazareth. On a souvent cherché à le faire mourir. L’annonce du Royaume de Dieu peut nous entraîner à des déchirures douloureuses. Le feu allumé par Jésus conduit ses disciples à des choix radicaux.

Si notre foi se limite à la participation à la messe du dimanche, nous ne prenons pas de gros risques. Il y aura peut-être des moqueries dans certains milieux de travail, de loisir et parfois aussi dans les familles. Mais dans de nombreux pays, ceux qui se convertissent à l’Évangile du Christ sont poursuivis, emprisonnés et mis à mort. Nous en avons tous les jours de très nombreux témoignages. Le Nigéria est le champion compteur dans la persécution des chrétiens de nos jours.    

Tous ces hommes, ces femmes et même ces enfants qui sont morts à cause de leur foi au Christ nous interpellent : Qu’avez-vous fait de votre baptême ? Pourquoi restez-vous installés dans la passivité et la facilité ? Vis à vis de Jésus, il n’y a pas de compromis possible : ou bien on se tourne vers lui et on s’efforce de le suivre, ou bien on regarde vers soi-même, vers son seul profit… et alors le feu s’éteint.

Pour remplir sa mission l’Église a besoin de chrétiens vraiment passionnés de cet amour qui est en Dieu. François Mauriac disait : « Si vous êtes un disciple du Christ, beaucoup se réchaufferont à ce feu. Mais les jours où vous ne brûlerez pas d’amour, d’autres mourront de froid ». Certains ouvrages ne résistent pas au feu de l’Esprit, tels ceux construits avec la paille du paraître, le mensonge du pouvoir, l’injustice de l’avoir ; d’autres sont transfigurés parce que bâtis avec ces pierres précieuses que sont la prière, l’amour, la bienveillance, le partage. Mais le feu de l’Esprit est aussi le feu qui illumine, éveille le désir, rend le cœur brûlant à l’écoute de la Parole de Dieu et permet de la mettre en pratique dans l’amour de Dieu et du prochain. Alors oui, laissons ici-bas nos cœurs s’embraser de cet amour qui est en Dieu pour le communiquer à tous ceux qui nous entourent.

C ASSOMPTION LUC 01, 39-56 (11)

 Assomption 2025

Chimay :15.08.2022 ;

Scourmont : 15.08.2025

Frères et sœurs, la fête de l’Assomption est l’une des mieux célébrées en l’honneur de la Vierge Marie. Ils sont nombreux ceux et celles qui profitent de l’occasion pour se rassembler à Lourdes ou sur d’autres lieux de pèlerinages pour invoquer sa protection. C’est que Marie tient une place toute spéciale. L’Église est comme une grande famille. Dieu est notre Père. Marie y joue un rôle maternel ; elle est la Mère de l’Eglise que l’on fête le lundi de Pentecôte. La fête d’aujourd’hui nous donne aussi l’occasion de réfléchir à ce rôle que Dieu a confié à Marie.

C 21 LUC 13,22-30 (17)

Chimay : 24.082025


Luc 13Frères et sœurs, nous sommes invités ce dimanche à faire un pas de plus sur le chemin de la foi et à changer notre mentalité : par exemple, le vrai Dieu n’est pas le Dieu de quelques-uns ; il est celui qui veut rassembler tous les hommes : c’est cette Bonne Nouvelle que nous trouvons dans le livre du prophète Isaïe (Is 66,18-21) : « Je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire… » (Is 66,18). Ces paroles de réconfort sont adressées à des croyants qui viennent de vivre une longue période d’exil ; ils ont vécu plus de 50 ans en terre étrangère au milieu des païens. Ils découvrent progressivement que Dieu veut rassembler toutes les nations. La dispersion d’Israël en exil parmi les nations avait pour but non pas d’en faire des païens, mais d’en faire le témoin du Dieu qui veut rassembler toutes les nations.

C 19 LUC 12,32-48 (16)

Chimay : 10.08.2025


C19 Frères et sœurs, en ce mois d’août, les lectures bibliques nous invitent à méditer sur l’attente de la venue du Seigneur. Le livre des Lamentations dit qu’il « est bon d’attendre le Seigneur en silence » (Lm 3,26). Nous ne devons jamais oublier qu’il est toujours fidèle à ses promesses. Cette assurance, nous la trouvons tout au long de la Bible. Elle doit être pour chacun de nous source d’espérance et de joie. « Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lc 12,34).