Homélies et conférences du Père abbé - Dom Damien Debaisieux

A NOEL JOUR JEAN 01,01-18 (5)

Chimay : 25.12.2025

Frères et sœurs, entre collègues, à l’école, chez les commerçants, entre amis, depuis quelques semaines, on échange des vœux. « Bonnes fêtes de Noël ! », s’exclame-t-on. Malgré les difficultés et les deuils, le temps est à la fête ! Et nous, chrétiens, nous avons partagé la fébrilité des préparatifs, décoré nos maisons, pensé à chacun. Nous nous sommes réjouis de la fête qui, souvent, réunira familles, amis et accueillera l’hôte de passage, le voisin isolé. Mais risquons-nous d’être éblouis, fascinés par les illuminations du monde ?

Le prologue de saint Jean, que nous lisons le jour de Noël, nous conduit à l’essentiel. Il ouvre notre cœur et notre intelligence à la parole créatrice. Nous redécouvrons que la lumière qui éclaire le chemin que nous avons choisi d’emprunter ne se confond ni avec les feux qui brillent dans les arbres de nos maisons, ni avec les projecteurs des devantures commerciales, ni avec les scintillements éphémères de nos réussites. Cette lumière est celle qui éclaire les pas du messager de la paix.

Elle éclaire toute personne de bonne volonté qui cherche à s’orienter dans le monde et à participer à la recherche de la paix. Quitter la brillance du monde pour entrer dans la clarté de Dieu n’est donc pas le fruit d’un renoncement volontaire mais celui d’une révélation. C’est parce que Dieu nous éclaire et qu’ainsi il nous révèle ce qu’est la vie en plénitude que nous devenons vivants, appelés à éclairer et non à briller. La fin de l’année peut briller de mille feux, mais osons fêter Noël, accueillir le Prince de la paix avec tous ceux qui cherchent la lumière.

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » (Is 9,1). La fête de Noël a les traits d’un nouveau-né, fragile et sans défense. Pourtant, rien ne sera plus comme avant : Dieu naît dans notre monde, il se fait l’un de nous. Désormais, notre humanité porte son visage. Aujourd’hui, de nouveau, nous vivons un jour de fête, une opportunité pour accueillir Dieu dans notre humanité. Car, « le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1,14).

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1). Voilà l’affirmation surprenante de ce premier verset de l’évangile de Jean, écrit pour renvoyer au récit de la création du monde du premier chapitre du livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). La ressemblance est voulue. Ce que Jean appelle le « Verbe », c’est la parole créatrice de Dieu, les mots d’amour que Dieu utilise pour faire exister le monde et mettre la vie en mouvement : aucunes ténèbres ne résistent au Verbe.

« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1,14). Quand le Verbe de Dieu choisit de se mêler jusqu’au bout à l’histoire des hommes, il devient un être humain. L’image est très concrète. La chair, le corps, c’est ce qui nous limite et permet la vie. La parole de Dieu devient humaine. Quand ce texte a été écrit, Jésus était déjà mort, mais aussi déjà ressuscité. En affirmant que Jésus est le Verbe de Dieu, l’Évangile propose de lire cette naissance et l’histoire qui suivra comme une nouvelle création, un nouveau départ entre Dieu et les hommes.

Quand Dieu devient l’un de nous, il accepte ce qui nous limite et qui, jour après jour, nous pose question. Nos impuissances, nos peurs, nos souffrances et nos douleurs physiques sont liées justement à ce que Dieu assume en naissant à la vie humaine.

À Noël, Dieu s’inscrit dans nos limites. Comme nous, Jésus passera toute sa vie à essayer d’accepter ces contraintes, à les accueillir, à les comprendre, à les offrir, à faire en sorte qu’elles ne le coupent pas des autres. Et il laissera l’amour du Père habiter ces impasses. Ce faisant, il rejoindra ceux pour qui la vie est particulièrement douloureuse et close. Il les rejoindra de l’intérieur, par le sens et les interrogations partagées, en leur communiquant la force d’une vie humaine traversée par Dieu. Le jour de Noël est une invitation à s’incarner, nous aussi, davantage. À faire quelque chose de ces limites en laissant Dieu nous aider à les habiter.

« Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jn 1,9)L’Incarnation du Christ est un mystère immense, qui n’est pas totalement accessible à notre intelligence. Seul le silence et la contemplation peuvent nous en approcher. Comment saisir ce que Dieu avait dans le cœur en venant parmi nous ? Ce que nous en comprenons nous laisse plein de joie et de reconnaissance, et ce qui nous dépasse nous parle peut-être plus encore : l’amour de Dieu est infini, incalculable, insaisissable, il nous transcende. Dieu est à la fois incompréhensible et tout proche, il est le tout-autre et il est aussi l’un de nous. Les personnes qui nous entourent sont aussi un mystère insondable qui pourtant se communique par leurs paroles, leurs gestes, leur présence. En Jésus, ce mystère que révèle sa personne est celui de Dieu lui-même, il se rend accessible sans que nous puissions le saisir totalement.

« La lumière brille dans les ténèbres » (Jn 1,5). L’homme a refusé Dieu, il l’a rejeté pour pouvoir être le maître de sa vie, décider de ce qui lui fait du bien sans prendre en compte son créateur qui lui parle d’amour, de don, de service. L’attitude de Dieu pour faire sortir l’homme de la crise est provocante pour notre manière humaine de penser. Il refuse de balayer d’un revers de main ceux qui se sont trompés, d’anéantir les coupables, de supprimer les structures viciées. Au contraire, il s’y incarne. Il prend sur lui le poids de ses frères et il renouvelle de l’intérieur les situations perverties. Quelle est mon attitude face au mal dans ma vie ou dans la société, dans l’Église ? Suis-je capable de « m’incarner » dans les faiblesses – les miennes ou celles des autres – et aimer là où tout semble perdu ? Dieu nous a aimés dans notre faiblesse au point de s’y incarner ; si nous nous laissons conquérir par Dieu nous apprendrons nous aussi à aimer l’homme dans sa faiblesse.

« Mais le monde ne l’a pas reconnu » (Jn 1,10)Dieu se fait homme en sachant qu’il vient mourir pour nous. Le monde le rejettera mais l’amour vaincra. La présence de Dieu – l’amour – descendra jusqu’à l’endroit le plus éloigné de Dieu : le rejet de Dieu jusqu’à sa mise à mort. Depuis lors, plus rien n’échappe à sa présence. Nous pensons être venus au monde pour vivre ; en revanche, Jésus vient pour mourir. Il ne vient pas pour se ménager, se conserver, s’imposer. Il s’incarne pour se donner, pour offrir sa vie. La vraie question de notre vie est : pour qui est-ce que je veux mourir ? C’est-à-dire :  à qui je veux offrir ma vie, jour après jour ?

Jésus, permets-nous de vivre cette fête de Noël en prenant exemple sur Marie à Bethléem. Que notre cœur soit rempli du mystère que nous célébrons aujourd’hui : Dieu se fait homme ! Amen.

Noël 2025

Frères et sœurs, il y a deux évangiles qui nous parlent de la naissance de Jésus. Matthieu, d’abord, avec l’épisode des mages venus d’Orient, qui mettent en émoi le roi Hérode et tout Jérusalem, ce roi qui, à la nouvelle de la naissance de l’enfant, réunit grands prêtres et scribes, puis fomente le massacre des innocents, et provoque la fuite en Egypte de la sainte famille. Dans cet évangile, la naissance de Jésus vient donc tout bouleverser. Ce point de départ est comme un coup de tonnerre annonçant un orage qui emporte tout sur son passage et qui ne s’achèvera qu’avec la Résurrection du Christ, qui, là encore, comme sa mort, est décrite comme un grand bouleversement avec notamment un tremblement de terre.

Saint Bernard 2025

(Si 39,8-14; Ps 118 ; Phi 3,17-4,1; Mt 5,13-19)

Frères et sœurs, pour cette homélie, je m’appuie pour la troisième année consécutive sur le Commentaire du Cantique des Cantiques de saint Bernard. Nous en sommes au sermon 4. S’il vous en souvient, commentant le verset « Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche », Bernard énonce trois baisers : celui des pieds, celui des mains et celui de la bouche, marquant ainsi les étapes d’un progrès spirituel. Au début de notre sermon, il revient sur le baiser des pieds qu’il décrit comme une faveur, celle de ressentir le pardon de Dieu. Et comment ne pas penser ici au lavement des pieds lors de la dernière Cène, moment où Jésus pardonne déjà à ses disciples l’abandon, la trahison, le reniement ? Comment ne pas penser à ce rite que nous vivons ensemble, en communauté, au chapitre, le Jeudi Saint, où celui qui lave comme celui qui est lavé, offre et reçoit le pardon de son frère. Peut-être pouvons nous garder cela en mémoire, en notre cœur, pour vivre au quotidien de ce pardon ; pardon donné, pardon reçu.

Dédicace Scourmont 2025

(2 Ch 5,6-8.10.13-6,2 ; Ps 121 ; 1 P 2,4-9 ; Jn 2,13-22)

Frères et sœurs, ces textes de la liturgie de ce jour, vous et moi, nous les recevons. Mais alors, c’est peu que de dire que cet évangile est dur, frappant, interpelant pour un jour de fête, qui plus est, pour la fête de la communauté que nous formons ensemble. « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce » (17), dit Jésus. Oui, en ce jour de joie, nous sommes comme réprimandés, et donc interrogés sur ce que nous vivons vraiment, chacun et ensemble.

Homélie pour le 17e dimanche "C"

   (Lc 11,1-13)

Juillet 2016

« Seigneur, apprends-nous à prier ». Frères et Sœurs, au début de cette homélie, je serais tenté de vous demander qui vous a appris à prier ? Et comment vous l’avez appris ? Les disciples, eux, demandèrent naturellement à leur maître de leur apprendre. Mais notre maître à nous, c’est également le Seigneur, celui à qui nous devons, nous aussi, demander de nous apprendre à prier. Ainsi, celui que l’on prie est tout autant celui qui nous apprend à prier, nouvelle preuve de son infinie miséricorde à notre égard. Quand on prie, on n’est pas seul, on n’est plus seul ; et Dieu ne veut pas nous laisser seul face à notre prière, face à ce qui jaillit de notre cœur et de celui du monde.

Dédicace Scourmont 2025

(2 Ch 5,6-8.10.13-6,2 ; Ps 121 ; 1 P 2,4-9 ; Jn 2,13-22)

Frères et sœurs, ces textes de la liturgie de ce jour, vous et moi, nous les recevons. Mais alors, c’est peu que de dire que cet évangile est dur, frappant, interpelant pour un jour de fête, qui plus est, pour la fête de la communauté que nous formons ensemble. « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce » (17), dit Jésus. Oui, en ce jour de joie, nous sommes comme réprimandés, et donc interrogés sur ce que nous vivons vraiment, chacun et ensemble.

Homélie pour la célébration du 175ème anniversaire

de la fondation de l'Abbaye de Scourmont

 

(1 R 8,55-61 ; Ps 83 ; 1 Co 1,3-9 ; Lc 1,39-45) 

25 juillet 2025

 

Frères et sœurs, chers frères, célébrer le jubilé de notre monastère, c’est rendre grâce pour ce qui a été donné, et surtout, peut-être, c’est demander que cette grâce poursuive son œuvre en nous pour nous conduire plus loin, plus vrais, plus conformes à Celui qui nous a appelés. Célébrer notre jubilé, c’est donc s’engager à vivre plus profondément notre vie monastique, notre vie fraternelle, loin des faux-semblants.