Homélies du Père Jacques Pineault

C AVENT 02 LUC 03, 01-06 (19)

Chimay :08.12.2024


Avent 2

Frères et sœurs, pour comprendre les textes bibliques de ce dimanche, il convient de les situer dans leur contexte historique. Nous avons tout d’abord lu Baruc (Ba 5,1-9) qui appelle son peuple à la joie et à l’espérance. Ce peuple a été déporté en exil et humilié. Mais il va retrouver le bonheur et la liberté. C’est cet appel à l’espérance que nous entendons dans la première lecture : « Quitte ta robe de tristesse et de misère et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours » (Ba 5,1).

L’Évangile de ce jour est une réponse à cette annonce : il nous ramène à une situation bien précise de l’histoire. La naissance de Jésus intervient dans un contexte historique, politique et religieux décrit par Luc. L’évangéliste met au-devant de la scène tous les personnages politiques et religieux du moment : l’empereur romain Tibère, son représentant en Judée Ponce Pilate, Hérode prince de Galilée et d’autres petits rois. Il cite également les autorités religieuses, Anne et Caïphe. Face à ces personnages prestigieux, nous avons un homme tout simple : il s’appelle Jean ; il ne vit pas dans les palais ni dans le temple mais au désert de Judée. C’est là, dans le désert, que la Parole de Dieu est adressée à Jean. Cette histoire croise celle de la Parole de Dieu, qui nous précède, et ne cesse de parler à chaque époque.

« La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie » (Lc 3,2). En nous disant cela, l’évangéliste a quelque chose d’important à nous faire découvrir : au temps de Jean Baptiste, c’était dans le désert que la Parole de Dieu pouvait être le mieux entendue. À la manière de Jean Baptiste, nous sommes tous invités au désert pour entendre ce que Dieu veut nous dire aujourd’hui. C’est ainsi que nous pourrons « préparer le chemin du Seigneur et rendre droits ses sentiers » (Lc 3,4).

En citant le prophète Isaïe, Jean Baptiste rappelle que la parole de Dieu est stable, fidèle, qu’elle vient de loin et nous précède. C’est elle qui travaille le peuple hébreu depuis des siècles et donne le souffle nécessaire pour vivifier le monde. Ce constat est valable aujourd’hui. Dans nos vies, le souffle de Dieu, sa parole, croise la petite et la grande histoire. La présence de Dieu n’est jamais quelque chose d’abstrait, de déconnectée de ce qui nous préoccupe ou qui préoccupe nos contemporains. L’Évangile raconte que la visibilité du Christ dans l’histoire est à cette double condition. D’un côté, s’inscrire dans ce qui fait son temps et son époque et, de l’autre, ne pas douter que la parole de Dieu garde son actualité et son sens. Jean Baptiste écoute et transmet la Parole. Il y trouve l’énergie pour avancer et proclamer qu’un autre avenir est possible pour ce monde. C’est précisément à ce croisement, qu’il fera la rencontre de Jésus.

Bien sûr, il n’est pas question de consulter une agence de voyage pour aller dans le Sud du Sahara ou au désert de Judée. Le désert dont Dieu nous parle, il est en chacun de nous. Il est le lieu du silence en nous. Aller au désert, c’est entrer en nous-mêmes. Nous vivons dans une société où le bruit nous envahit de tous côtés. Et pourtant, le silence est absolument essentiel à notre équilibre. « Nous sommes trop sollicités par ce monde qui va trop vite. Nous ne prenons pas le temps de nous arrêter, de faire silence pour que nous puissions nous poser la question de savoir si la vie que nous menons est bien accrochée à l’essentiel » (Jean-Louis Étienne, médecin explorateur français).

Emportés les uns et les autres dans le tourbillon de la vie, il nous faut faire des moments de silence au désert si nous voulons rester des hommes et des femmes d’intériorité, si nous voulons simplement rester des croyants qui soient humains. Noël, c’est la visite de Dieu dans nos cœurs, mais si nous sommes ailleurs, la visite n’aura pas lieu. Pour l’entendre, il faut que nous l’écoutions. C’est pour cette raison que Jean va au désert. C’est dans le silence que nous commençons à entendre. Dieu ne demande qu’à parler au cœur de chacun.

Ce désert dont parle saint Luc nous renvoie également à celui que nous subissons : le désert de la pandémie que nous avons vécu et qui est toujours d’actualité… le désert terrible de la maladie… le désert brûlant de la mort… le désert glacial de la solitude… le désert aride de l’échec professionnel ou du chômage… le désert de la perte d’un être cher ou de la trahison. Quantité de déserts !

C’est dans tous ces déserts que les paroles de Jean Baptiste nous rejoignent : « Préparez les chemins du Seigneur… Aplanissez sa route » (Lc 3,4). Pour répondre à l’invitation de Jean Baptiste, il nous faut combler les ravins de notre méfiance, abaisser les montagnes de nos préjugés et de nos aprioris, il nous faut aplanir les sentiers de nos égoïsmes personnels et collectifs et de notre petite tranquillité. Cette conversion à laquelle Jean Baptiste nous appelle, c’est vraiment un changement de toute notre vie.

La mission prophétique qui lui échoit pousse Jean Baptiste à s’approcher du fleuve, où il proclame un baptême que l’on pourrait aussi traduire par une plongée ou un plongeon de conversion. Pour se rendre au fleuve qui coule en bordure du désert et pour s’y plonger, les Juifs de l’époque devaient quitter leurs routes et leurs comportements habituels, et consentir à l’initiative d’un autre ; ce qui suppose qu’ils fassent confiance à ce Jean et à « la Parole de Dieu qui lui fut adressée » (Jr 1,4.11.13 etc.). Pour eux comme pour nous, la conversion commence lorsque nous consentons à sortir de nos ornières pour nous exposer dans la confiance aux appels de l’Esprit, qui nous parle par les prophètes.

Cette conversion pour accéder à une vie meilleure ne peut devenir efficace que si nous l’accueillons librement. Ce n’est pas d’abord un passage du vice à la vertu ; c’est surtout un passage du fatalisme à l’espérance, du doute à la foi, du repli sur soi à l’ouverture ; non pas prier plus, mais prier mieux. L’espérance chrétienne, c’est de croire que Dieu est à l’œuvre. Même quand tout va mal, qu’il est là, qu’il agit dans le cœur des hommes. Nous en avons des signes dans les gestes de dévouement et de solidarité des uns et des autres. À travers eux, c’est Dieu qui se manifeste. Son amour est plus fort que la haine.

Dans l’épître aux Philippiens (Ph 1,4-6.8-11), saint Paul nous dit précisément que ce salut de tous les hommes est réalisé en Jésus-Christ. Ce n’est pas vous qui avez eu l’initiative. C’est d’abord l’œuvre de Dieu : « Celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus » (Ph 1,6) ; et nous y sommes tous associés. Ce qui nous est demandé, ce n’est pas de travailler pour le Seigneur mais de travailler avec le Seigneur. Le principal travail, c’est lui qui le fait dans le cœur de chacun.

Ils sont nombreux dans le monde ceux et celles qui se préparent à fêter Noël. Mais beaucoup vont vivre ce jour en oubliant celui qui devrait être au centre de cette fête. Préparer Noël, c’est d’abord accueillir Jésus qui vient, c’est se mettre à l’écoute de son Esprit Saint, c’est aller au désert pour mieux entendre son appel, c’est vivre un début d’amitié avec lui. Par l’Eucharistie qui nous rassemble chaque dimanche, il vient nous éclairer et nous rendre la vie. Prions-le afin qu’il fasse grandir en nous sa vie en plénitude. « Je suis venu pour qu’ils aient la vie en abondance » (Jn 10,10).

C AVENT 01 LUC 21,25-28.34-36 (18)

Chimay : 01.12.2024

 

Frères et sœurs, en ce jour, premier dimanche de l’Avent, nous commençons notre préparation à la fête de Noël, la célébration de la naissance de Jésus, la venue au monde de notre Sauveur. Pourquoi donc commençons-nous cette période liturgique avec ce passage de l’Évangile de Luc, qui nous parle de la fin des temps ? Quel est le lien avec la fête de Noël ? Dans l’Église, les fêtes liturgiques ne sont pas de simples commémorations d’événements du passé. Il ne s’agit pas seulement de se rappeler. Il s’agit aussi de se rendre compte de la portée que ces événements, en l’occurrence la naissance de Jésus, ont dans notre propre vie.

Et de fait, on distingue trois « venues » de Jésus. La première est celle que nous célébrerons le 25 décembre, sa naissance à Bethléem dans la chair. La deuxième est le retour de Jésus dans la gloire, auquel ce passage de saint Luc fait référence, et la troisième est la venue de Jésus dans le cœur de chaque homme, tout au long de sa vie sur la terre. Ces trois « venues » sont liées les unes aux autres. Si Jésus reviendra dans la gloire, c’est parce qu’il est déjà venu dans l’humilité de la crèche. Il veut aussi venir chaque jour dans notre cœur, pour que nous soyons mieux préparés à le rencontrer lors de son dernier retour.

La contemplation de Jésus dans la crèche, dans la pauvreté, l’humilité et la simplicité, doit donc nous aider à mieux l’accueillir dans notre vie de tous les jours. Pour accueillir Jésus dans sa vie, il n’y a rien de mieux que de regarder Marie, Joseph, les bergers, les rois mages, et d’imiter leur attitude de silence, de simplicité, de pauvreté, de générosité. D’ailleurs, quelle meilleure manière de se préparer au retour de Jésus dans la gloire que de le rencontrer déjà tous les jours dans notre âme, dans l’intimité de notre cœur ?

Le royaume de Dieu est proche. L’Évangile de ce dimanche, avec lequel nous ouvrons la nouvelle année liturgique, nous annonce le triomphe définitif du Christ. Jésus nous décrit sa seconde venue : une catastrophe telle se produira dans le monde, dans le ciel, sur la terre et dans la mer que les hommes mourront d’effroi et de terreur. Mais Jésus nous rassure : cela est pour les ennemis de la Vérité. Nous, quand nous verrons arriver ces choses, nous saurons que notre salut est proche.

Les premiers versets de l’Évangile que nous avons lus ne doivent pas nous effrayer. Saint Luc les a rédigés dans un style littéraire très particulier qu’on appelle apocalyptique. Le cosmos entier est comme ébranlé par le plus grand des événements qui puisse se produire et qui a changé la destinée de l’humanité : l’Incarnation, la mort et la Résurrection du Fils de Dieu ! Oui, « les puissances des cieux seront ébranlées » (Lc 21,26), car jamais il ne s’est produit quelque chose de semblable. Saint Luc imaginait-il que l’événement Jésus-Christ influencerait le monde entier, au point d’être le point zéro à partir duquel nous calculons le temps ?

Jésus invitait déjà ses disciples à relever la tête, car la Rédemption est proche. Le temps de l’Avent est un temps de préparation ou d’attente. Notre salut vient. Il ne cesse d’ailleurs de venir. Tant que nous sommes sur terre, rien n’est terminé. Le combat n’est pas encore fini. C’est pourquoi Jésus nous invite à nous tenir sur nos gardes. Il nous faut veiller pour être prêts et pour l’accueillir. Rester spirituellement éveillés. Le temps de l’Avent est un temps favorable pour donner un peu plus de temps et d’attention à Dieu

« Veillez et priez » (Lc 21,36). C’est la seule recommandation que Jésus nous fait aujourd’hui. Recommandation tant de fois répétée dans l’Évangile. Saint Paul ajoute : « Qu’il vous établisse fermement dans une sainteté sans reproche devant Dieu notre Père, pour le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les saints » (1Th 3,13). « Il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard » (Ep 1,4). Soyons donc saints et irréprochables devant Dieu notre Père, et nous serons disposés à recevoir le Seigneur Jésus-Christ quand il viendra avec tous ses anges et ses saints. Notre rencontre avec le Seigneur peut survenir n’importe où, à n’importe quel moment et de la manière la plus inattendue. L’important est que, au moment de cette rencontre définitive, nous puissions dire : « Me voici, Seigneur ! Je t’attendais... »

Le cœur qui aime ne se fatigue jamais d’attendre. La prière que nous élevons vers Dieu doit venir du cœur, un cœur qui aime avec passion et constance, avec générosité et la volonté d’accepter n’importe quel sacrifice, un cœur qui aime à demeurer en présence du Christ que nous aimons. L’Avent est un temps d’attente et de préparation. La vigilance et la prière sont les meilleurs moyens de nous préparer, dans la joie et la sérénité, pour accueillir Jésus.

Dans l’attente de ce jour, le Seigneur nous invite à nous redresser, à relever la tête, à nous tenir sur nos gardes, à rester éveillés, à prier en tout temps pour que nos cœurs ne s’alourdissent pas et ainsi pouvoir tenir debout devant le Fils de l’homme. Les préfaces de l’Avent nous invitent aux mêmes attitudes spirituelles : attendre en veillant dans la foi (Préface I), vigilants dans la prière et remplis d’allégresse. Toutes ces attitudes découlent de l’espérance chrétienne qui nous donne en germe le terme de notre attente et nous assure que le Seigneur nous accompagne dans ce temps de l’Église. En attendant le retour glorieux du Christ continuons à prier avec intensité : « Que ton Règne vienne ! » Dans ma vie et dans la vie du monde et œuvrons pour que Jésus soit le roi de tous les cœurs.

Combien de fois est-il arrivé, dans l’histoire, des désastres tels que partout l’on s’affolait, désemparés par le fracas de la nature en furie ou par celui des armes qui détruisent et tuent... Encore aujourd’hui, bien sûr, l’idée des bombardements ou des tremblements de terre nous fait trembler de terreur. Lorsque la catastrophe s’abat sur un pays, sur une famille, notre réaction est la crainte et le désarroi. La parole de Dieu, pourtant, semble se dresser sur les lieux de toutes nos peurs et, avec une autorité désarçonnante, nous commande, précisément à ce moment-là, de redresser la tête, et de nous relever.

En raison de quoi redresserions-nous la tête ? En raison de quoi nous relèverions-nous lorsque tout menace de s’effondrer ? À cause de la foi seule en la promesse qui nous a été faite : le Christ ressuscité, vainqueur du mal, est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20), et il vient pour accomplir sa promesse de bonheur et de salut. Lui obéirons-nous ? Essaierons-nous, lorsque la tempête fait rage, de jeter l’ancre de notre espérance vers le Dieu fidèle ? Demandons cette grâce à la Mère des croyants, debout au pied de la Croix : afin de croire jusque dans l’échec et le chaos que la rédemption va se lever, qu’elle se lève déjà. « Viens, Seigneur Jésus, fais-nous voir ton amour et donne-nous ton salut » (Ps 84,8).

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B 28 MARC 10,17-30 (8)

Chimay : 13.10.2024

Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous invite à faire de bons choix. Dans la première lecture, nous avons le témoignage de Salomon ; lors de sa prière d’intercession, il a demandé le don nécessaire à un roi : « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner entre le bien et le mal » (1 R 3,9). Salomon demande donc la Sagesse parce qu’elle est ce qu’il y a de plus précieux pour l’homme. Elle l’emporte sur tous les biens de la création. « Tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable » (Sg 7,9).

B 32 MARC 12,38-44 (10)

Chimay : 10.11.2024

Frères et sœurs, les textes de la Parole de Dieu nous parlent aujourd’hui du don de soi. Dans le premier livre des Rois et dans l’Évangile, nous avons entendu le témoignage de deux pauvres veuves, une païenne et une fille d’Israël. Elles ont donné « tout ce qu’elles avaient pour vivre » (Mc 12,44). Ces témoignages nous rejoignent : en ces jours anniversaires de l’armistice, nous pensons à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions vivre dans un pays libre. À leur manière, ces soldats ont tout donné.

B 27 MARC 10,02-16 (10)

Chimay : 06.10.2024

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Frères et sœurs, l’unité des époux réalise le dessein créateur de Dieu qui veut que, par amour, l’homme et la femme ne fassent plus qu’un. Les lectures bibliques de ce dimanche nous adressent à ce sujet un enseignement de la plus haute importance pour la vie familiale et fraternelle. Elles nous donnent l’occasion de nous rappeler des vérités fondamentales qui risquent d’être oubliées dans notre société. L’évangile nous parle de la fidélité dans le mariage et de l’accueil des enfants. Sa lecture est préparée par le récit de la Genèse qui nous dit que l’homme et la femme forment une union inséparable (Gn 2,18-24), et par celui de la lettre aux Hébreux qui nous rappelle que le Christ est resté fidèle jusqu’à la mort (Hb 2,9-11), « par grâce de Dieu et au profit de tous ».

B 32 MARC 12,38-44 (10)

Chimay : 10.11.2024

Frères et sœurs, les textes de la Parole de Dieu nous parlent aujourd’hui du don de soi. Dans le premier livre des Rois et dans l’Évangile, nous avons entendu le témoignage de deux pauvres veuves, une païenne et une fille d’Israël. Elles ont donné « tout ce qu’elles avaient pour vivre » (Mc 12,44). Ces témoignages nous rejoignent : en ces jours anniversaires de l’armistice, nous pensons à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions vivre dans un pays libre. À leur manière, ces soldats ont tout donné.

B 26 MARC 09,38-43.45.47-48 (13)

Chimay : 29.09.2024

          Frères et sœurs, nous sommes invités ce dimanche à accueillir le don de Dieu partout où il se manifeste. Le don de Dieu nous provoque à l’ouverture, à l’inattendu et également à la tolérance ; par exemple lorsque Josué, l’auxiliaire de Moïse, et saint Jean, l’un des Douze, font preuve d’intransigeance : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent » (Mc 9,38) Jésus réplique : « Ne l’en empêchez pas… Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (Mc 9,39-40).