C 19 LUC 12,32-48 (16)
Chimay : 10.08.2025
Frères et sœurs, en ce mois d’août, les lectures bibliques nous invitent à méditer sur l’attente de la venue du Seigneur. Le livre des Lamentations dit qu’il « est bon d’attendre le Seigneur en silence » (Lm 3,26). Nous ne devons jamais oublier qu’il est toujours fidèle à ses promesses. Cette assurance, nous la trouvons tout au long de la Bible. Elle doit être pour chacun de nous source d’espérance et de joie. « Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lc 12,34).
Pour comprendre la lecture du livre de la Sagesse (Sg 18,6-9), il faut se rappeler qu’autrefois, pendant 400 ans, les Hébreux étaient esclaves en Égypte. Dieu les a fait “passer” vers la terre de liberté. La Pâque, c’est précisément ce passage de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie. D’un côté, nous avons le sort des Hébreux : ils sont libérés, ils quittent la terre où ils étaient esclaves. Face à eux, c’est le sort dramatique des Égyptiens et du pharaon : leur violence s’est retournée contre eux ; le pouvoir oppresseur les a entraînés vers la mort. En faisant le choix de la violence et de l’oppression, ils ont provoqué eux-mêmes leur mort. Toutes les dictatures finissent ainsi. La Bonne Nouvelle, c’est la révélation que Dieu vient à notre secours. Désormais, son peuple sera celui de la nuit pascale en marche vers la lumière. Ce texte du livre de la Sagesse a été écrit bien après les événements pour des croyants tentés par le doute. En leur rappelant les merveilles que Dieu a accomplies dans les temps anciens, on veut raviver leur espérance. Les croyants ne doivent jamais perdre de vue le but de leur vie. La joie finira par l’emporter sur la peur. La vie vaincra la mort. « Le Seigneur est bon pour celui qui met sa confiance en Lui » (Lm 3,24).
Quant à la lettre aux Hébreux (Hb 11,1-2.8-19), elle se présente précisément comme un éloge de la foi ou de la confiance des patriarches. Ces ancêtres sont un exemple pour les croyants. « La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître ce que l’on ne voit pas » (Hb 11,1). Tous les grands personnages d’Israël ont été portés par cette foi. Ils étaient tirés en avant pour un avenir mal connu, c’est-à-dire sans savoir où ils allaient. Mais Dieu prenait soin d’eux. Avec le Christ, nous sommes des voyageurs à la recherche d’une patrie. Lui-même nous a dit qu’il est « le Chemin, la Vérité et la Vie. Personne ne va au Père sans passer par lui » (Jn 14,6). C’est là encore une Bonne Nouvelle qui doit raviver la foi des croyants affrontés au doute, à l’indifférence et à la persécution.
Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus nous recommande de vivre à “l’heure de Dieu”. Il insiste très fortement sur trois attitudes absolument essentielles : veiller, se tenir prêts et servir. Ce sont là trois verbes bien connus qui risquent d’être dévalués. Pour comprendre cet Évangile, il faut connaître la situation des premiers chrétiens. Saint Luc a écrit son Évangile après Pâques. Il s’adresse à des chrétiens affrontés au doute. Ces derniers ont entendu dire que le Seigneur doit revenir dans la gloire pour les emmener dans son Royaume. Or le temps passe et rien n’arrive. Certains se demandent s’ils ne se seraient pas trompés.
C’est là qu’il nous faut réentendre la réponse de Jésus. Il nous faut surtout la comprendre dans le contexte d’aujourd’hui. « Veillez ! » (Lc 12,37). « Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller » (Lc 12,37). Oui, nous devons veiller sur nos mots, nos regards, nos gestes de tous les jours, nos lectures, nos loisirs… Nous connaissons les dégâts provoqués par une parole malveillante, un regard accusateur ou indifférent, un refus de tendre la main ou de serrer dans ses bras un malade en grande souffrance. Le veilleur c’est celui qui se tient debout et qui a les yeux ouverts.
« Tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » (Lc 12,40), nous dit encore Jésus. Il s’agit de se tenir prêts pour aller de l’avant, pour sortir de la routine et des habitudes. Le risque est toujours de dire : « On a toujours fait comme ça ! On est bien de même ! » Il nous faut accepter que l’Esprit Saint nous sorte de notre confort et nous conduise sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Le pape François nous invitait à aller vers les “périphéries”, celles du chômage, celles de la solitude, celles des malades abandonnés par leur famille, celles des migrants qui n’ont plus rien et qui vivent parfois sans leurs enfants. Celles de nos ennemis !
Troisième consigne : « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées » (Lc 12,35). Servir c’est le contraire de dominer. Rappelons-nous le geste de Jésus au soir du Jeudi Saint : il s’est agenouillé devant ses disciples pour leur laver les pieds. Il s’est toujours refusé de répondre à ceux qui voulaient le faire roi à la manière des hommes. Il nous apprend à servir sans prendre la place des autres, sans décider à leur place. C’est important pour nous dans nos familles, au travail, dans nos associations. Nous avons facilement des bonnes raisons de penser que nous savons mieux ce qui est bon pour l’autre. Le serviteur fidèle n’est pas celui qui s’impose mais celui qui s’efface pour permettre à l’autre de grandir.
Pierre demande au Christ : « Seigneur est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tout le monde ? » (Lc 12,41). Jésus ne lui répond pas directement, mais comment Pierre peut-il ne pas se sentir concerné comme étant l’intendant fidèle et investi par Jésus ? Si ce n’est pas assez clair pour Pierre, Jésus lui répond en lui confiant son troupeau (Mt 16,18 et Jn 21,17). Mais qui peut se sentir étranger à cette mission, après avoir goûté à l’intimité et à l’amitié de Jésus et après avoir entendu Jésus lui dire : « Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ignore ce que veut faire son maître. Maintenant je vous appelle mes amis car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15,15) ? C’est à nous tous que Jésus s’adresse. Nous sommes tous ces serviteurs et amis dont il parle.
Ce passage parle d’une tentation fréquente au cours de l’histoire : penser que la fin du monde est pour bientôt et que nous n’avons plus qu’à attendre. Du moins ce fut une grande tentation aux premiers siècles du Christianisme. C’est pourquoi Jésus veut nous prévenir, en nous affirmant que cette fin du monde tant attendue restera toujours mystérieuse. « Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » (Lc 12,40). Certes, Jésus reviendra dans sa gloire lors de la parousie, mais nous ne savons pas quand cela aura lieu. Ce n’est pas important dans le sens où ça ne sert à rien de se préoccuper, car ça ne dépend pas de nous, et Jésus veut nous encourager à vivre le moment présent. C’est dans chaque moment présent que nous pouvons rencontrer Dieu, l’accueillir et le transmettre. L’avenir lui appartient, et Jésus Christ n’a-t-il pas dit : « Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20) ?
L’Eucharistie est vraiment le moment où « Dieu est là pour nous servir, pour nous faire passer à table » (Lc 12,38). C’est l’heure où le Fils de l’Homme est glorifié. Le Seigneur Jésus nous promet un avenir de joie et de lumière auprès de lui. Qu’il nous garde vigilants dans l’espérance, ouverts et accueillants aux signes de l’Esprit Saint. Alors sa venue, loin de nous surprendre, sera notre bonheur pour les siècles des siècles. Amen.