Homélies de Dom Armand Veilleux

14 mai 2024 – Fête de saint Matthias

Actes 1:15-26; Jean 15:9-17

H O M É L I E

          De saint Matthias nous ne connaissons pas grand chose d'autre que ce qui nous est raconté dans le bref récit des Actes décrivant son élection. Et l'élément essentiel de ce récit est constitué par le discours de Pierre, qui nous révèle plusieurs détails importants sur l'Église primitive, et sur le sens de l'Évangélisation. Nous y voyons que cette Évangélisation consiste essentiellement à être "témoins de la Résurrection". Or, il n'y a pas eu, comme nous le savons, de "témoins" du moment précis de la sortie de Jésus du tombeau. Être "témoins de la résurrection" pour Pierre c'est avoir fait partie de la communauté de ceux qui ont suivi Jésus "tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu au milieu de nous, en commençant au baptême de Jean jusqu’au jour où il nous fut enlevé".

May 14, 2024 – Feast of s. Matthias

Acts 1:15-26; John 15:9-17

 

Homily

 

Dear Brothers,

          Of saint Matthias, we know very little more than what we find in the brief narrative of the Book of the Acts of the Apostles about his election. The essential element of the narrative is Peter’s discourse, which reveals many things to us about the primitive Church and about the meaning of Evangelization. We see in that narrative that the Evangelization consists essentially in being a “witness of the Resurrection”. Now, we know that there were no witness present at the moment Jesus came out from the tomb. To be a “witness of the Resurrection”, in Peter’s mind is to have been part of the community of those who followed Christ “the whole time the Lord Jesus came and went among us, beginning from the baptism of John until the day on which he was taken up from us.

13 mai 2023 - Lundi de la 7e semaine de Pâques

Actes 19, 1-8 ; Jn 16, 29-33

Homélie

Une chose qui me frappe dans les lectures des Actes des Apôtres que nous avons pendant ce temps de Pâques, c'est qu'il y avait de nombreuses façons de devenir chrétien pendant cette première génération chrétienne, comme nous l’avons vu samedi dernier. Il est également fascinant de voir comment la communauté des croyants est progressivement devenue une Église et s'est progressivement dotée de structures en réponse à de nouvelles situations et à de nouveaux besoins.

May 13, 2024 – Monday of the 7th Week of Easter

Acts 19, 1-8; Jn 16, 29-33 

H O M I L Y

Dear Brothers and Sisters,

One thing that strikes me in the readings from the Acts of the Apostles that we have during this Easter Season is that there were many ways of becoming a Christian during that first Christian generation. It is also fascinating to see how the community of believers gradually became a Church and gradually gave itself structures in answer to new situations and new needs.

Homélie pour le Vendredi de la 6ème semaine de Pâques

10 mai 2024

Actes 18, 9-18; Jean 16, 20-23a 

Homélie

Comme nous l’avons vu la semaine dernière, les Actes des Apôtres nous donnent une description admirablement réaliste des interactions et même des tensions au sein de la première communauté chrétienne de Jérusalem. Nous avons vue comment Barnabé était allé chercher Paul à Tarses et comment ils avaient travaillé ensemble avant de se séparer et de poursuivre leur œuvre d’évangélisation, chacun de son côté. Aujourd’hui nous voyons les difficultés de Paul avec les Juifs d’Athènes et ses premières difficultés avec la justice romaine. Heureusement, pour cette fois-ci, tout finit bien. Ce ne sera pas toujours le cas, comme nous savons.

May 10, 2024 – Friday of the 6th Week of Easter

Acts 18, 9-18; John 16, 20-23 

H O M I L Y

Dear Brothers,

          The Bible is the Word of God transmitted to us in human words. Each book has a human author who shares with us his experience of God, in his own human words, according to his own preoccupations and in his own style. Likewise, the history of the beginnings of the Church that we find in the Acts of the Apostles is the human history of a little group of people who lived out their Christian faith in their own human life -- most of the time a rather normal human life. During the last few weeks, the first reading at Mass gave us an idea of the human relationships and at times the human tensions within the early Church. We saw how Barnabas, at the beginning of the predication in Antioch, went to fetch Paul in Tarsus, a move that certainly influenced dramatically the history of the Church forever. They worked together for a while and then Paul separated from Barnabas and recruited Silas. In yesterday’s first reading, we saw Paul arriving in Athens, looking for a place where to stay and for a job to earn his bread. In today’s reading, we see his difficulties with the Jews of Athens, and his first difficulties with the Roman courts, which, for this time end rather well for him.

9 mai 2024 -- Solennité de l'Ascension, "B"

Ac 1,1-11; Ep 4, 1-13; Mc 16,15-20

Homélie

          L’Évangéliste Luc est le seul à nous avoir donné une description de l’Ascension. Les trois autres Évangélistes ne séparent pas le moment de la résurrection de celui de l’entrée définitive de Jésus dans la gloire du Père. Le dernier chapitre de l’Évangile de Marc, que nous venons d’entendre, est une addition postérieure empruntée à Luc.

          Bien plus, Luc nous donne deux récits de l’Ascension, l’un à la fin de son Évangile et l’autre au début du Livre des Actes des Apôtres. Ces deux récits de Luc ne sont d’ailleurs pas totalement concordants. Il serait donc futile d’essayer de reconstituer une description historique des faits, en conjuguant les détails provenant des deux récits ; car le but de Luc n’est pas de décrire un événement mais de donner un enseignement spirituel et théologique.

          Dans son Évangile, qu’il appelle son « premier livre », Luc avait décrit la vie de Jésus au milieu de ses disciples. Puis il commence son « deuxième livre », que nous appelons les « Actes des Apôtres » par le récit que nous avons entendu comme première lecture. Dans son langage symbolique habituel, il décrit comment une nuée descendit sur le lieu où les Apôtres se trouvaient et comment Jésus, après leur avoir fait ses dernières recommandations, disparut dans cette nuée. Ce sera désormais son mode de présence parmi les hommes. Arrêtons-nous un peu à cette image de la nuée.

          L’un des moments clés de l’histoire du Peuple juif au désert fut celui de la conclusion de l’Alliance. Moïse, laissant le peuple au pied du mont Sinaï, monta seul sur la montagne, qui fut alors couverte d’une nuée. La gloire du Seigneur demeura sur la montagne, et la nuée la couvrit pendant six jours (Exode 24,15). De même, quelques siècles plus tard, lorsque l’arche d’Alliance fut intronisée dans le temple de Salomon, une nuée emplit la maison de Yahvé, et la gloire du Seigneur emplissait tout le lieu ; si bien que les prêtres ne pouvaient pas exercer leurs fonctions parce que la gloire de Dieu emplissait la maison (1 Rois, 8,10).

          La nuée, dans l’Écriture, signifie toujours une présence mystérieuse de Dieu. On ne peut toucher Dieu, mais il est là, à la fois révélé et caché. Sa présence pénètre tout. Tous les admirables récits nous racontant les débuts de l’Église primitive, que nous avons lus durant nos célébrations liturgiques depuis Pâques, nous décrivent la vie des premiers Chrétiens sous cette nuée, protégés et guidés par cette présence de la gloire de Dieu – la gloire du Christ – habitant cette nuée.

          Plus de deux mille ans plus tard, nous vivons toujours sous cette nuée, qui nous révèle la présence de Dieu, que nous ne saurions voir encore face à face. Nous vivons dans la période de la foi et de l’espérance. Nous pourrions dire que plus cette nuée, qui est aussi le symbole de l’absence, se fait épaisse, voire opprimante, plus la présence est réelle et efficace.

          Le dernier chapitre de l’Évangile de Marc, emprunté à saint Luc comme je l’ai dit au début, nous rapporte les dernières paroles de Jésus avant d’entrer dans la nuée. Il parle des signes qui accompagneront ceux qui croiront en cette présence mystérieuse : « En mon nom ils chasseront les esprits mauvais, ils parleront un langage nouveau, ils prendront des serpents dans leurs mains et boiront un poison mortel sans en ressentir aucun mal. Ils procureront du bien aux malades en leur imposant les mains ». Il ne s’agit pas là de miracles, mais simplement de la protection du Seigneur contre toutes les formes de mal aussi longtemps que l’on reste sous la protection de cette présence mystérieuse et cachée.

          De nos jours on parle beaucoup de crises : la crise économique, les crises politiques, la crise sociale, les crises de l’Église et au sein de l’Église. « Crise » est un nom qu’on donne à la nuée qui couvre notre monde. Pourquoi ne pas regarder cette nuée avec des yeux de croyants et y voir une forme de la présence de Dieu en train de transformer notre monde ? En réalité ce que nous vivons présentement, aussi bien dans l’Église que dans le monde, n’est pas une crise. C’est un moment de mutation.

          Cette nuée semble parfois nous opprimer. Ainsi en fut-il de la nuée qui couvrit le Sinaï lorsque Moïse y monta pour rencontrer Dieu. Ainsi en fut-il aussi de la nuée qui emplit le Temple lors de l’intronisation de l’Arche d’Alliance. Une présence si forte de la gloire de Dieu que les prêtres ne pouvaient plus y effectuer leur service liturgique (1Rois 8,10). Ainsi en fut-il des persécutions qui se déchainèrent sur les premiers Chrétiens.

          Depuis Vatican II, ceux qui veulent vivre son message, s’efforcent de « parler au monde un langage nouveau », comme le fait le Pape François. Ayant fait une option préférentielle pour les pauvres et les petits du Royaume, il leur arrive de devoir prendre des serpents dans leurs mains et même boire un poison mortel, comme un Oscar Romero. D’autres offrent leurs mains aux malades. On voit parfois la diminution radicale du nombre de prêtres comme un résultat de la sécularisation et de la déchristianisation, rendant plus difficiles et plus rares les célébrations liturgiques. Et si c’était le résultat d’une présence plus forte de la gloire de Dieu en train de recréer le monde et de reconfigurer son Église ? Pourquoi ne pas privilégier cette vision d’espérance plutôt qu’une vision de découragement ?

          Saint Paul, nous disant dans sa lettre aux Éphésiens que Jésus est « monté » parce qu’il était d’abord « descendu », exprime la même idée si merveilleusement reprise dans sa lettre aux Philippiens. C’est parce que le Fils de Dieu s’est fait homme, descendant jusqu’aux profondeurs de notre humanité, qu’il a été exalté par le Père, nous amenant tous avec lui dans ce mouvement ascendant de retour au Père.

          Lorsque la nuée a plané sur les eaux, au premier jour de la création, elle y a déclenché la naissance de la vie. Lorsqu’elle a plané sur Marie elle a fait descendre en son humanité et la nôtre la plénitude de la divinité. N’ayons pas peur de toutes les nuées qui nous couvrent, même lorsqu’elles semblent nous opprimer. Non seulement Dieu y est présent ; mais l’un d’entre nous, le Dieu fait homme, y a pénétré, nous montrant le chemin et nous y attendant.

Armand VEILLEUX