Homélies de Dom Armand Veilleux

25 mars 2024 -- lundi de la Semaine Sainte

Isaïe, 42, 1-7 ; Jean 12, 1-11

Homélie

          Ce récit de l’Évangile de saint Jean est très semblable à un récit que Matthieu et Marc placent tout de suite avant celui de la Passion. L’Évangile de Jean a certainement été écrit longtemps après celui des Synoptiques, mais il doit rapporter avec justesse un événement qu’on racontait dans les Églises qui étaient sous l’influence de Jean. Les amis intimes de Jésus, en particulier Marthe, Marie et Lazare, sont si importants dans l’Évangile de Jean, que celui-ci n’aurait pas pu inventer ce récit ni même l’arranger pour mettre Marthe, Marie et Lazare au cœur du récit.

24 mars 2024, Dimanche des Rameaux

Is 50, 4-7 ; Ph 2,6-11 ; Mc 14,1-15,47 

Quel gaspillage !

          Réussir sa vie est pour toute personne une chose importante. Certains sont plus soucieux que d’autres de percer dans leur milieu de travail ou dans leur environnement social, et, en tout cas, de développer leurs talents. Or, selon nos normes humaines d'appréciation, la vie de Jésus a été une vie gaspillée. Tout d'abord trente années de vie bien ordinaire à Nazareth, dans l'atelier de son père, durant lesquelles il ne semble avoir rien fait qui ait retenu l'attention de ses concitoyens, si bien que lorsqu'il commencera à parler en public on dira : « D'où a-t-il appris tout cela ? N'est-il pas le fils du charpentier ? » Et puis, durant ses trois années de vie publique, il a eu l'art de se mettre à dos toutes les personnes influentes du monde religieux, économique et politique. Et cela le conduira à la mort. Quel gaspillage ! si l'on s'en tient au jugement des hommes ambitieux de succès et de gloire.

23 mars 2024 – Samedi de la 5e semaine de Carême

Ez 37, 21-28 ; Jean 11, 45-57

 

Homélie

Chères sœurs et chers frères,

          Les dernières phrases de cet Évangile nous introduisent directement à la grande Semaine que nous commencerons demain, et au cours de laquelle nous ferons mémoire de la passion et de la mort du Seigneur Jésus, pour terminer, dans la nuit de Pâques, avec la célébration solennelle de sa Résurrection.

19 mars 2024 – Fête de saint Joseph

2Sam 7, 4...16; Rom. 4, 13...22; Mat 1, 16-24

H O M É L I E

          L’une des conséquences du développement de la psychologie à notre époque est que nous sommes devenus très attentifs à tous nos états intérieurs, les scrutant et les analysant parfois à l’extrême. Plusieurs grands écrivains modernes, en particulier les poètes et les romanciers s’adonnent longuement à décrire leurs propres états intérieurs ou ceux des personnages de leur création. Or la Bible dans son ensemble, aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament, ne s’attarde guère à décrire les états intérieurs des grands personnages de l’Histoire du Salut. Au contraire l’Écriture Sainte décrit essentiellement des événements -- des événements salvifiques.

18 mars 2024 -- Lundi de la 5ème semaine de Carême

Dan 13:1-9:15-17:19-30:33-62 ; Jean 8:1-11

La femme adultère

          "Si ton cœur t'accuse, Dieu est plus grand que ton cœur, et il sait tout" - Lorsque Jean a écrit cela dans une de ses Lettres, il pensait probablement à la scène qu'il raconte dans l'Evangile d'aujourd'hui.      

17 mars 2024 – 5ème dimanche de Carême "B"

Jr 31,31-34; He 5,7-9; Jn 12,20-33

H O M É L I E

          Le texte de Jérémie que nous avons entendu dans la première lecture de la Messe est l'un des plus beaux de la bible sur la conversion. Tout d'abord il décrit celle-ci non pas comme un simple changement de comportement, ou comme le remplacement d'un "ego" par un autre "ego", mais comme un changement profond du coeur. Et par ce changement de coeur il faut entendre non seulement un coeur plus pur, un coeur qui désire de plus belles choses, mais bien un coeur qui soit si profondément imprégné de l'Esprit de Dieu qu'il désire spontanément tout ce que Dieu lui-même désire. "Je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes; je l'inscrirai dans leur coeur... Ils n'auront plus besoin d'instruire chacun son compagnon... Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu'aux plus grands."

          Il s'agit d'une obéissance "radicale" à Dieu. Radicale, puisque c'est l'obéissance à partir de la racine (radix) même de notre être.

          Mais comment Dieu réalise-t-il ce changement? Comment nous enseigne-t-il sa loi? Comment apprenons-nous l'obéissance? -- Il n'y a pas d'autre voie que celle que le Christ nous a enseignée; celle qu'il a lui-même utilisée.

          La Lettre aux Hébreux nous parle de ses prières "avec un grand cri et dans les larmes", ajoutant qu'il "a.… appris l'obéissance par les souffrances de sa passion". N'avons-nous pas tous fait l'expérience que les choses les plus importantes de la vie sont apprises par la souffrance beaucoup plus que par toute une vie d'étude? Le texte ajoute aussi que le Christ est devenu une source de salut pour tous ceux qui lui obéissent. Nous sommes donc appelés à lui obéir, tout comme il a lui-même obéi au Père, de la même manière radicale, c'est-à-dire par une remise radicale de tout notre être entre ses mains. Et comment pouvons-nous apprendre l'obéissance si ce n'est comme Il l'a fait lui-même, c'est-à-dire à travers la souffrance?

          C'est pourquoi il nous dit dans l'Évangile: "Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd; celui qui la perd en ce monde la garde pour la vie éternelle."

          Quel est ce sens de cette petite phrase énigmatique que nous retrouvons un certain nombre de fois dans l'Évangile (sous des formes légèrement différentes): "celui qui aime sa vie la perd; celui qui perd sa vie en ce monde la sauve pour la vie éternelle"? Sauver sa vie veut dire y tenir, s'y accrocher par peur de la mort. Perdre la vie veut dire: lâcher prise, se détacher, accepter de mourir. Le paradoxe est que celui qui craint la mort est déjà mort; alors que celui qui n'a plus peur de la mort a déjà commencé de vivre en plénitude.

          Mais pourquoi faudrait-il que quelqu'un soit prêt à souffrir et à mourir? Cela a-t-il du sens? Le mot-clé ici est "compassion" (souffrir avec). La chose que Jésus voulait absolument détruire était la souffrance et la mort: la souffrance du pauvre et de l'opprimé, la souffrance du malade, la souffrance et la mort de toutes les victimes de l'injustice. La seule façon de détruire la souffrance est de renoncer à toutes les valeurs de ce siècle... et d'en souffrir les conséquences. Seule l'acceptation de la souffrance peut vaincre la souffrance dans le monde. La compassion peut détruire la souffrance en souffrant avec ceux qui souffrent et en leur nom. Une sympathie pour le pauvre qui ne serait pas prête à partager ses souffrances serait une émotion stérile. On ne peut avoir part aux bénédictions des pauvres sans être prêt à partager leurs souffrances.   On peut dire la même chose de la mort.

          C'est précisément cela que Jésus a fait pour nous. C'est ce dont nous ferons mémoire durant les prochaines semaines. Puisons dans l'Eucharistie la force de suivre ses pas.

Armand VEILLEUX

16 mars 2024 : Samedi de la 4ème semaine de Carême

Jer 11, 18-20 ; Jean. 7, 40-53

Homélie

Saint-Jean a le don de terminer un récit par une très courte phrase qui semble sans importance mais qui est chargée d'une profonde signification symbolique. Voici quelques exemples. Au début de l'Évangile, lorsqu'il raconte la première rencontre des disciples avec Jésus, il conclut en disant : "Il était quatre heures de l'après-midi". De la même manière, dans le récit de la Cène, après le départ de Juda, Jean conclut par : "Il faisait nuit". De même, dans le texte que nous venons de lire, après la description de la discussion de la foule et des Pharisiens sur Jésus, il dit : "Chacun alla chez lui".