Homélies et conférences du Père abbé - Dom Damien Debaisieux

Veillée pascale 2023

(Mt 28,1-10)

Avril 2023

Frères et sœurs, dans les trois autres évangiles, lorsque les femmes arrivent au tombeau de grand matin, tout est calme, et la pierre est déjà roulée. Ici, en Matthieu, « il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, [et il] vint rouler la pierre » (2). Ce détail, apparemment, dénote avec l’habituelle sobriété des récits évangéliques de la résurrection, et avouons-le, il serait presque gênant. Mais, nous le savons, ce détail n’a pas pour but de décrire les faits, mais d’en éclairer davantage leur sens.

Jeudi saint 2023

(Jn 13,1-15)

Avril 2023

Frère Célestin, l’un des moines de Tibhirine, disait : « Ce n’est pas rien d’avoir pour frère aîné ce Jésus lavant les pieds de ces pauvres hommes de son équipe. » Et quand il écrivait cela, il parlait en connaissance de cause, puisqu’il s’occupait d’un foyer où se retrouvaient des personnes sortant de prison, où des bagarres éclataient parfois et où, de temps à autre, il prenait lui aussi des coups. Comment alors ne pas réentendre les derniers mots de Jésus dans l’évangile : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (15). Le frère Célestin nous redit ici combien suivre le Christ nous appelle à engager toute notre vie, et même jusqu’à tout notre corps. Et nous savons que les dernières années de la vie de ce moine témoigneront particulièrement de cet engagement dans les pas de son Seigneur, puisqu’il sera assassiné en 1996 avec ses frères. Résonnent alors pour nous, d’une façon singulière, les mots de Jésus dans la deuxième lecture : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11,24). Jésus, après avoir pris notre condition, nous a encore donné son corps, sa vie. Les moines de Tibhirine et tant d’autres martyrs, par fidélité à celui qui les a appelés et qui leur a fait don de son corps et de sa vie, ont eux aussi donné leur corps et leur vie, pour lui, pour leurs frères, pour nous.

6e dimanche ordinaire A

(Mt 5,17-37)

Février 2023

Frères et sœurs, vous savez qu’il y a un débat en France sur la question de l’âge du départ à la retraite. Ce débat mobilise de nombreuses personnes et de multiples arguments. Alors, rassurez-vous, je ne vais pas m’immiscer dans ce débat, mais j’aimerais relever une phrase que l’on y entend parfois : ‘Nous voulons profiter de la vie’. Cet argument, que d’un côté je peux comprendre, me laisse dubitatif de l’autre. ‘Profiter de la vie’, qu’est-ce à dire ? Surtout s’il s’agit de profiter de la vie à un âge certain, comme si on n’en avait pas profité avant, ou encore comme s’il s’agissait de ne pouvoir en profiter que quand on a acquis une certaine sagesse avant d’être complètement gaga. Mais si nous ajoutons à cela qu’il y a aussi actuellement un autre débat en France, celui sur la fin de vie, ou encore celui que certains appellent ‘choisir de mourir dans la dignité’, je crains que nous nous retrouvions coincés dans ces quelques années de retraite où il s’agirait de pouvoir enfin profiter de la vie avant de choisir de mourir.

Saint Joseph

(Mt 1,16.18-21.24a)

Mars 2023

Frères et Sœurs, pour cette homélie, j’aimerais m’appuyer sur la lettre apostolique Patris Corde du pape François à l’occasion du 150e anniversaire de la déclaration de saint Joseph comme patron de l’Eglise universelle.

Epiphanie

Janvier 2023

 

Frères et sœurs, il y a quelques jours l’Eglise célébrait les funérailles du pape Benoît XVI. Ce matin, pour commenter l’évangile que nous venons d’entendre, j’aimerais m’appuyer sur la dernière homélie de l’Epiphanie qu’il prononça comme Souverain Pontife en 2013.

Mercredi des Cendres

(Mt 6,1-6.16-18)

Février 2023

Frères et sœurs, ces quatre derniers dimanches, nous avons écouté le début du sermon sur la montagne de saint Matthieu. Aujourd’hui, c’est exactement la suite de ce sermon qui ouvre le temps du Carême. Dimanche dernier, comme la semaine précédente, nous en étions arrivés à ce que l’on appelle les antithèses où Jésus dit à ses auditeurs : « Vous avez appris qu’il a été dit […] Eh bien ! moi, je vous dis ». Jésus nous invitait à vivre la Loi de l’intérieur et non, comme il nous le dit encore aujourd’hui, comme un conformisme purement extérieur : « Ce que vous faites pour devenir des justes, dit-il, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. » Ce qui est à la base de notre action, de notre vie – et pour nous, de notre vie monastique ; ce qui est au fondement de ce Carême qui commence, c’est notre relation à Dieu, la vérité de cette relation. Nous ne pouvons pas jouer ; nous devons nous laisser démasquer, devant lui – qui voit tout – et devant les hommes. D’ailleurs, comment pourrions-nous suivre le Christ durant ce temps liturgique ; comment pourrions-nous le suivre jusqu’à la croix, sans le trahir, le renier, l’abandonner ; comment pourrions-nous être, dès avant l’aube, au tombeau, si cette relation avec lui n’orientait pas toute notre vie, toutes nos actions, tout notre désir ? Notre vie repose sur le fait que nous sommes voulus par Dieu, que nous sommes aimés de lui. C’est lui qui nous crée, qui nous engendre, nous qui, sans lui, ne sommes rien. « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » (Gn 3,19), dit l’une des deux formules d’imposition des cendres. En entrant dans ce Carême, il s’agit pour nous de reprendre conscience, de creuser davantage, cette relation vitale qui nous lie à Dieu. Voulons-nous vivre avec lui, pour lui, à partir de lui, ou voulons-nous vivre sans lui, par nous ? C’est bien de cela dont il s’agit dans l’évangile, en Carême, en toute notre vie. « Devenir des justes », comme nous le dit Jésus, c’est-à-dire, nous ajuster à Dieu, être au diapason avec lui, tourner et garder tourné notre regard vers lui. Dieu finalement comme seul critère, seule échelle, seul repère sur le chemin qui est le nôtre – chemin personnel et communautaire. Et il est clair donc que Benoît ne nous égare pas quand il dit que « la vie d’un moine devrait être, en tout temps, aussi observante que durant le Carême » (RB 49,1).

Noël 2022

Messe de la nuit

Frères et Sœurs, vous connaissez le proverbe, « Noël au balcon, Pâques au tison ». Il ne s’agit pas ici pour moi de vous parler météo, mais de redire le lien entre ces deux fêtes. Et non pas qu’il fallait, de toute évidence, que le Christ naisse pour pouvoir un jour mourir et ressusciter. Mais plutôt, il fallait que le Christ ressuscite pour que l’évangéliste Luc relate sa naissance et que l’Eglise la célèbre en cette nuit très sainte. Ainsi, si de par sa résurrection, Jésus est fait « Christ et Seigneur », il est, dans ce récit que nous venons d’entendre, dès sa naissance, à la lumière de cette résurrection, Christ et Seigneur : « Aujourd’hui », dit l’Ange aux bergers et à nous-mêmes, « vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ». Ce « nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » est « signe qui [nous] est donné » que le salut de Dieu est déjà à l’œuvre, en marche, inarrêtable. Et pas seulement parce que 33 ans après cette naissance, le Christ ressuscitera, mais parce que dès maintenant, ce qu’il est venu apporter au monde est déjà là, en sa présence, en son humanité. Ainsi, Luc écrit son récit de Bethleem à la lumière de ce qui s’est vécu sur les routes de Galilée, sur la croix et au matin de Pâques.