Vigile Pascale

(Mc 16,1-7)

                                                                                                                         Mars 2024

Christ est ressuscité ! Frères et sœurs, après plus de 40 jours de Carême où nous avons préparé nos cœurs, déblayé nos vies, pour pouvoir accueillir la nouveauté de Dieu ; après nous être réunis dans la nuit et le froid ; après avoir marché ensemble à la lumière d’une flamme fragile ; enfin, après avoir écouté longuement les Ecritures, nous être plongés dans l’histoire de l’Alliance, la Parole du salut ; un cri s’est fait entendre : « Il est ressuscité ! » Alléluia ! Ces quelques mots que nous attendions, nous mettent en joie, et surtout, à l’image de ces femmes envoyées en Galilée, nous mettent et nous remettent en route. Comme le disait Christian de Chergé dans un texte que nous avons entendu ce matin, « tout bascule. C'est le commencement absolu ». Avec la Résurrection, les femmes, et nous avec elles, nous entrons dans une ère nouvelle alors même que « tout semblait s’achever », que tout paraissait perdu, scellé comme une pierre ferme « l’entrée du tombeau » (3). Notre joie vient de ce commencement, de la découverte de la nouveauté, de l’irruption de la Vie dans nos vies jusque dans la mort. Nous voilà donc comme avec une grande page blanche qu’il nous faut écrire à l’encre de nos vies, de nos vies en Jésus Christ ressuscité. Et cela doit nous mettre en joie.

Le piège, paradoxalement, c’est de nous arrêter. Nous avons vécu ce Carême et ses efforts, nous avons veillé cette nuit, Christ est ressuscité et, après une journée de fête, prolongée par un jour férié, nous risquons de nous arrêter là, croyant le travail accompli, satisfaits de Dieu et de nous-mêmes. Mais non, c’est maintenant que tout commence…

Et c’est ce que saint Marc veut faire comprendre à son lecteur, notamment par ce jeu de présence-absence. Alors que le Christ ressuscité illumine cette nuit, alors qu’il remplit l’espace et le temps, « il n’est pas ici » (6). L’annonce de sa résurrection, associée à l’absence de son corps, nous invite à le chercher. Le chercher d’abord dans ce que fut sa vie. Car le « jeune homme vêtu de blanc » (5), dans son annonce, nous renvoie à « Jésus de Nazareth, le Crucifié » (6). La Résurrection n’efface pas la vie de Jésus et encore moins sa mort scandaleuse. Et si nous voulons le chercher, marcher encore avec lui, commencer avec lui, il nous faut relire et méditer sa vie, ses miracles, sa passion - comme nous l’avons fait en cette célébration avec l’Ancien Testament. Nous nourrir de sa parole, parce qu’il est Parole vivante, Parole qui ne cesse de nous renouveler. D’ailleurs, vous le savez, la suite de notre évangile relate que les femmes « ne dirent rien à personne » (8), et les biblistes y voient cette invitation faite au lecteur à entendre par lui-même la Bonne Nouvelle en reprenant l’évangile depuis son commencement.

Tout commence donc, et Marc le dit encore lorsque le jeune homme annonce que le Christ nous « précède en Galilée » (7). Là également une absence qui nous invite à nous déplacer pour vivre de la présence. Ce n’est donc pas le temps de s’arrêter, mais au contraire de partir et parcourir notre vie, celle de notre monde, forts de notre foi en la Résurrection. C’est pour cela que l’annonce a été donnée aux femmes : pas pour qu’elles se contentent et se gargarisent d’être les hérauts de la Bonne Nouvelle, mais pour qu’elles aillent allumer un feu dans la vie des autres, pour les autres, pour le monde. Et c’est cette Galilée des Nations, si chère à notre pape, qui symbolise à la fois notre vie quotidienne et ses périphéries.

Oui, tout commence aujourd’hui. Et là encore, l’absence du Ressuscité dans cet évangile nous renvoie à une troisième présence, celle de ce Christ en gloire qui, « ressuscité d’entre les morts, […] ne meurt plus » (6,9), comme nous le disait saint Paul dans l’épitre aux Romains. Nous savons qu’il est le terme de l’histoire, le sens vers lequel nous nous dirigeons. Nous savons aussi qu’il reviendra, glorieux, ressuscité, et, rien que par cette promesse, il est déjà là dans notre attente, dans notre marche.

Frères et sœurs, l’évangile de Marc se contente d’une absence et de quelques mots pour bouleverser notre vie et nous ouvrir un chemin nouveau, un commencement. Nous serions en droit de nous étonner que cela ait suffit pour nous et pour d’innombrables personnes, pour qu’ensemble nous croyons en Jésus ressuscité. Ce que l’Ecriture nous donne à entendre est finalement bien fragile ; Dieu, absent et présent, ne s’impose pas à nous. Pourtant, la force de la Résurrection nous a saisis. Nous avons eu notre matin de Pâques qui résonne encore en nous aujourd’hui. Quel commencement a-t-il provoqué ? Quels disciples, quels témoins a-t-il fait de nous ? Quel trésor possédons-nous et comment le partageons-nous ? Que cette eucharistie et ce temps de Pâques nous donnent la grâce de nous mettre en route pour que nos frères et sœurs puissent découvrir, eux aussi, le commencement qui les attend.