Homélies du Père Gérard Joyau

Homélie pour le 25e dimanche temps ordinaire

année A

Scourmont, 24 septembre 2023 (cf. Tre Fontane 2008)

Is 55, 6-9 ; Ps 144 (145), 2-3, 8-9, 17-18

Ph 1, 20c-24.27a ; Mt 20, 1-16

 

Le sort de ceux qui sont appelés par Jésus

1. Injustice ?

Ils s’étaient levés de bon matin, et le maître était venu les chercher pour qu’ils travaillent toute la journée. Mais, le soir, ils n’ont pas reçu plus d’argent que ceux qui venaient d’être embauchés en fin d’après-midi. Tous ont reçu le même montant, et les premiers arrivés ont considéré cela comme une injustice. Dans un groupe, il est conseillé de tenir compte de la situation et de l’attitude de chacun pour ne pas provoquer murmure, envie, divisions. Pourquoi alors cette parabole semble-t-elle présenter l’attitude du maître, qui donne à chacun le même montant, comme un exemple à suivre ?

2. Pourquoi c’est possible pour Dieu ?

Ici, nous devons nous rappeler que nous avons affaire à une parabole, et non à un récit historique ; Jésus ne dit pas que l’attitude de Dieu serait semblable à celle de ce patron, mais que ce patron agit comme Dieu agira : de même que ce patron donne à tous ses ouvriers le même salaire à la fin de la journée, sans tenir compte de la durée de leur présence, ainsi fera Dieu à la fin des temps : il donnera à tous la récompense promise. Car ce que Dieu offre à un homme, ce n’est jamais une paye ou un salaire en fonction du travail accompli ; c’est un don qu’il fait. Si quelqu’un a travaillé dans le groupe des premiers, ce qu’il reçoit peut être considéré comme un salaire ; mais s’il a peu travaillé, Dieu peut donner le même montant : il est libre dans ses dons.

Dans les versets qui précèdent cette parabole, Pierre demande à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? » Et Jésus répond : « Celui qui aura [tout] quitté, à cause de mon nom, […] recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. » Matthieu a choisi l’expression « aura en héritage » pour montrer que celui qui reçoit n’a aucun droit. Dans cette réponse de Jésus, nous avons le sens du denier de la parabole : qu’est-ce que Dieu peut donner ? – Une seule chose : la vie éternelle, et celle-ci ne peut pas être fractionnée : ou elle est entière ou elle n’existe pas. À ses ouvriers, Dieu ne peut faire qu’un seul don : la vie éternelle pour chacun. Une telle attitude de la part d’un patron créerait sans doute des problèmes dans un groupe d’ouvriers ; mais qu’en est-il dans le domaine spirituel ?

3. L’ordre de la terre ne sera pas reconduit dans le royaume de Dieu

Cette parabole se présente comme l’explication du verset qui la précède immédiatement : « Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers. En effet, le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine… » Et c’est plus ou moins la même phrase qui est reprise à la fin de la parabole : « C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Simplement une vérité qui se trouve souvent dans l’Évangile : dans le royaume de Dieu, tout sera changé ; l’ordre en vigueur sur la terre sera complètement bouleversé : les riches seront pauvres, les pauvres riches ; ceux qui ont tout laissé recevront le centuple ; ceux qui pleurent riront ; ceux qui rient pleureront ; les premiers seront derniers et les derniers premiers. C’est aussi l’enseignement de cette parabole rapportée seulement par Matthieu.

4. À qui est adressée cette parabole ?

Une autre question se pose avec ce texte : pour qui Jésus a-t-il dit ceci ? En d’autres termes, qui seraient ces premiers auxquels Jésus dit que, dans le royaume de Dieu, ils pourraient bien se retrouver les derniers ? Et qui seraient ces derniers, qui pourraient se retrouver premiers ?

Dans le passage qui précède immédiatement, il y a l’histoire du jeune homme riche qui n’a pas voulu abandonner ses richesses pour répondre à l’appel de Jésus. Puis, la demande des disciples : « S’il est si difficile pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu, qui pourra être sauvé ? » « Tout est possible à Dieu, répond Jésus. » Mais Pierre : « Nous, nous avons tout laissé pour te suivre, qu’obtiendrons-nous ? » Jésus déclare : « Lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs [et tout le reste] recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. » C’est ce qu’enseigne l’évangile de ce dimanche.

5. La problématique

Nous pourrions résumer ainsi la question abordée : les douze disciples que Jésus a appelés pour les envoyer dans sa vigne auront-ils, eux aussi, une récompense adaptée ? Ils se sentent comme des enfants sans défense (19, 13-15), et, en tant qu’enfants, les derniers de tous. Ceux qui apparaissent comme les premiers, ce sont les pharisiens, les scribes, les sadducéens, qui posent des questions très compliquées à Jésus, et il est probable que les apôtres ne comprennent pas toutes les réponses. Alors, ils sont un peu découragés et ils demandent : « Nous qui avons tout laissé, nous recevrons quelque chose ? » « Oui, dit Jésus, vous vous sentez les derniers, mais dans le royaume de Dieu, les derniers seront les premiers – vous serez sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël – et les premiers seront derniers. »

6. Et nous ?

Et nous ? Que penser de cet évangile ? D’abord, que la bonté de Dieu est infinie : il donne à chacun le maximum de ce qu’il peut recevoir : notre cœur n’est pas assez grand pour accueillir tout le don de Dieu, qui est Dieu lui-même ; il reçoit ce qu’il peut. Et puis, nous ne devons pas nous évaluer les uns par rapport aux autres ; aux yeux de Dieu, nous sommes tous égaux, c’est-à-dire tous objets de son amour infini ; je ne suis pas inférieur ou supérieur à mon frère, puisque tous les deux, nous sommes aimés par celui qui nous sauve ; nous ne sommes rien sans lui. Et enfin, chacun doit répondre à l’appel de Dieu, à n’importe quel moment de sa vie : il n’est jamais trop tard pour s’engager à la suite de Jésus ; Dieu a besoin de chacun pour sa vigne ; écoutons sa voix, et nous recevrons de lui, à la fin de notre existence, le denier de la vie éternelle.

 

Homélie pour le 19e dimanche temps ordinaire

année A

Scourmont, 13 août 2023

1 R 19, 9a.11-13a ; Ps 84 (85), 9ab-10, 11-12, 13-14 ;
Rm 9, 1-5 ; Mt 14-22-33

 

 

 

Rencontrer le Seigneur dans la paix et le silence

 

1. Élie rencontre le Seigneur

Suivre et rencontrer le Seigneur : tel est le grand thème des lectures de ce dimanche. Le prophète Élie est remarquable dans ses rencontres avec le Seigneur. Ce n’est pas quelqu’un qui serait habitué à vivre dans la solitude ou le silence. Il avait fait assassiner 450 prophètes de Baal parce qu’ils ne partageaient pas sa foi. Maintenant qu’il est seul, le Seigneur veut bien se montrer à lui, mais il lui demande de vivre dans le silence. Élie est habitué à une ambiance particulière sur la terre : ouragan, tremblement de terre, feu…, mais le Seigneur n’est pas présent dans ce genre de bruit. Élie finit par assumer ce qu’on entend avec peine, une brise légère, et là, le Seigneur se rend présent. Le prophète peut vivre ainsi le contact avec le Seigneur, et c’est ce qui compte pour lui. C’est le seul but d’un tel miracle : rencontrer le Seigneur que l’on recherche et à qui on veut donner sa vie. Nous n’avons pas la personnalité du prophète Élie, mais pourtant, nous sommes unis au Seigneur comme lui. Nous voulons être proches de notre Dieu pour qu’il transforme notre vie. Ce récit du Premier Livre des rois est fondamental pour notre vie, car c’est ce que nous cherchons : rencontrer Dieu, vivre avec lui, pour faire de notre existence une participation avec sa vie divine.

Homélie pour le 13e dimanche temps ordinaire

année A

Scourmont, 2 juillet 2023

2 R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19 ;
Rm 6, 3-4.8-11 ; Mt 10, 37-42

  

La vraie récompense

 1. Tout le négatif dans la vie du monde et notre vie

« Par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec le Christ Jésus. » Être mis au tombeau : notre monde connaît bien cette réalité. Chaque jour, nous entendons parler de la situation dramatique que subissent nos contemporains. La guerre existe partout : dans beaucoup de pays de l’Asie ; en Afrique, que nous connaissons plus particulièrement ; en Amérique également ; et Europe n’est pas épargnée. Partout des hommes luttent entre eux, se battent, cherchent à éliminer ceux qu’ils considèrent comme des ennemis pour obtenir le pouvoir ou l’argent.

Homélie pour la Pentecôte

année A

Scourmont, 28 mai 2023

Ac 2, 1-11 ; Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34 ;
1 Co 12,3b-7.12-13 – Jn 20,19-23

 

Croire en l’Esprit saint

La liturgie de la Pentecôte est marquée par une révélation plus explicite de l’Esprit saint. Jésus dit à ses apôtres : « Recevez l’Esprit saint. » Mais qu’est-ce que l’Esprit saint ou qui est l’Esprit saint ? Pour répondre à ces questions, il ne suffit pas de lire les évangiles : on n’y trouve pas vraiment de réponse explicite. Alors ce que je vous propose, c’est de prendre connaissance de ce qu’a découvert et exprimer notre Église sur ce sujet au long des siècles. Je vais m’inspirer très largement de ce qu’elle a écrit dans son Catéchisme, dont la première édition date de 1992. Quelques-uns d’entre vous l’ont certainement dans leur bibliothèque, mais il est probable que peu de personnes l’ont lu en entier. Alors je vais le citer largement sur ce thème de l’Esprit saint. Et vous pourrez aller le consulter ensuite.

Troisième dimanche de Pâques

année A

Scourmont, 23 avril 2023

Ac 2, 14… 33 – Ps 15

1 P 1, 17-21 – Lc 24, 13-35

Notre Créateur nous mène vers sa Gloire

 

Ce troisième dimanche de Pâques est marqué par cet évangile des disciples d’Emmaüs. Nous connaissons bien cet épisode, que nous entendons également chaque année aux vêpres du Jour de Pâques. Aussi, je vous propose de le mettre de côté et de relire ensemble la deuxième lecture de cette messe, extraite de la première lettre de saint Pierre. C’est un texte moins connu, mais qui est centré lui aussi sur la foi en notre Seigneur ressuscité. Il demande à être lu mot à mot, avec attention, pour en saisir toute la profondeur.

4e dimanche du Carême – année A

Scourmont, 19 mars 2023

1 S 16, 1b.6-7.10-13a ; Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6 ;

Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41

Jésus et ceux qu’il rencontre

 

Qui est Jésus ? Qui sont ceux qui le rencontrent, ceux qui le refusent et ceux qui l’acceptent ? Qui sommes-nous ? Ces questions sont essentielles quand on se prépare à recevoir le baptême au moment de Pâques. Elles nous concernent tous aujourd’hui si nous désirons développer, consolider, approfondir notre relation avec celui qu’on appelle Jésus.

  1. Qui est Jésus ?

Cet évangile est remarquable par tous les titres qui sont donnés à Jésus. Ses opposants le traitent tout simplement d’homme pécheur, car il n’observe pas la loi de Moïse en guérissant un homme le jour du sabbat. « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » « Nous savons que cet homme est un pécheur. » Si les affirmations des pharisiens sont claires, on sent bien qu’ils ne sont pas tout à fait sûrs d’eux-mêmes, puisque le miracle est évident pour tous ; mais ils ne peuvent pas renier leur croyance.

Comme tout le monde, ils connaissent, l’homme Jésus. C’est le nom qui lui a été donné à sa naissance ; c’est le nom qu’il porte dans la vie courante et qui revient le plus souvent dans ce texte. Tous le nomment ainsi.

Mais pour les disciples, ce Jésus est aussi un Rabbi : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents… ? » Dans le Nouveau Testament, les rabbis sont des enseignants, des personnes qui connaissent la Loi, qui peuvent répondre à des questions. Ils sont présentés de manière positive. Jésus en fait partie : il sait ce qu’il fait ; il peut répondre aux questions qu’on lui pose.

Et en même temps, pour celui a été guéri, Jésus est aussi un prophète, un homme envoyé de Dieu qui peut parler en son nom, et qui peut accomplir ce que Dieu demande. « (Les pharisiens) s’adressent à l’aveugle : “Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ?” Il dit : “C’est un prophète.” » Évidemment, ce titre ne peut que renvoyer aux prophéties de l’Ancien Testament, connues par tous les juifs. Jésus accomplit ainsi dans son œuvre ce qui a été annoncé à son peuple.

Et par ailleurs, dans l’entourage de Jésus, on déclare aussi « publiquement que Jésus est le Christ ». Le Christ, ou Messie, est celui qui a été choisi par Dieu pour sauver son peuple. C’est en lui que se cristallise tout ce qu’ont annoncé les prophètes. Le messie, c’est celui qu’on attendait pour sauver tout Israël. Par toutes ses prédications et, en ce moment, en guérissant un aveugle, Jésus se montre comme le Messie envoyé par Dieu et attendu par les juifs.

Mais il est encore plus qu’un prophète et plus qu’un Messie : c’est le Fils de l’Homme, ce qui est presque équivalent de notre expression « Fils de Dieu ». Selon la prophètie de Daniel (7, 13-14), c’est au Fils de l’homme que « fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » Lorsque Jésus demande à l’aveugle guéri, « Crois-tu au Fils de l’homme ? », sa demande sous-entend que c’est Dieu lui-même qui, par lui, a réalisé cette guérison. La relation avec lui devient alors une relation de foi, comme la relation avec Dieu.

Dans sa réponse, l’aveugle guéri introduit alors un nouveau titre de Jésus : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Le mot « Seigneur » peut avoir une signification tout ordinaire, presque synonyme de « Maître », mais ici, son sens est beaucoup plus fort ; il renvoie pratiquement à la divinité de Jésus.

En plus de tous ces titres de Jésus : Rabbi, prophète, Christ, Fils de homme, Seigneur, on trouve encore d’autres indications sur Jésus. Cet homme, qui n’est pas pécheur, se dit envoyé par Dieu ; il est la lumière du monde : « Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé […], je suis la lumière du monde. » Ces indications vont dans le même sens que les titres que nous avons déjà relevés.

Ainsi, cet évangile, nous montre qui était Jésus : pas seulement un guérisseur, mais un envoyé de Dieu, quelqu’un qui « était de Dieu ». Il nous reste donc beaucoup à méditer sur la personne de Jésus. Saint Jean lui-même le dit à la fin de son évangile : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » (Jn 20, 30-31).

  1. Les personnes rencontrées par Jésus

Mais quelles sont réactions des personnes rencontrées par Jésus dans cet épisode ? Elles sont multiples.

Les voisins ne veulent pas s’engager, même s’ils se posent des questions : « “N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ?” Les uns disaient : “C’est lui.” Les autres disaient : “Pas du tout, c’est quel­qu’un qui lui ressemble.” » Ils s’informent auprès du miraculé, mais ne peuvent pas obtenir de réponses satisfaisantes, car Jésus a disparu.

Et surtout, il y a les pharisiens, largement évoqués. Ils connaissent l’Écriture, ils savent ce que Jésus a fait, mais il leur est impossible de se résoudre à croire en lui. Ils invoquent d’abord le fait que la guérison a été accomplie le jour du sabbat, et donc que Jésus doit être un pécheur. Comment résoudre cette contradiction ? Ils hésitent au point que l’aveugle guéri leur demande si, eux aussi, veulent devenir ses disciples. Ils ne peuvent alors que le chasser sans avoir pour autant résolu le dilemme.

Les parents de l’aveugle, eux, adoptent une autre attitude : ils savent que leur fils a été guéri, et ils devinent que l’auteur du miracle n’est pas seulement un homme, mais ils ne veulent pas s’engager.

Leur fils, au contraire, reconnaît ce qui est arrivé, et peu à peu se laisse convaincre par Jésus qu’il n’est pas simplement un homme. Il finit par confesser explicitement sa foi. Il réalise ce que Jésus avait commencé par dire à ses disciples : le miracle, « c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé […] Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »

  1. Conclusion

C’est l’appel qui est adressé aujourd’hui aux futurs baptisés, et à tous ceux qui le sont déjà. Jésus est la lumière du monde. Grâce à cette lumière, nous pouvons travailler aux œuvres de Dieu dans toute notre vie chrétienne. Si nous traversons les ravins de la mort, nous ne craignons aucun mal, car le Seigneur ressuscité est avec nous.

05e dimanche du Temps ordinaire – année A

Scourmont, 5 février 2023

Is 58, 7-10 ; Ps 111 (112), 4-5, 6-7, 8a.9 ;

1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16

Sel et lumière

 

1. La question

« Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde. » Mais, Seigneur, qu’est-ce que tu dis là ? Nous, le sel de la terre ! nous, la lumière du monde ! Mais, nous ne sommes rien ! Je ne suis rien ! Moi, être sel ou lumière, capable d’avoir une influence sur les autres ? Je n’arrive même pas à vivre ma pauvre vie chrétienne d’une manière honnête, sans parler d’avoir une existence parfaite ! Avoir une influence sur les autres ? Mais je ne peux même pas en avoir dans ma famille, dans mon travail, dans ma communauté. Être sel ou lumière pour eux ? Mais ils riraient bien s’ils m’entendaient ; ils se moqueraient de moi ; et puis, ils n’ont aucune envie que j’aie une influence sur eux. C’est vrai pourtant, Jésus, que tu as dit : « Vous, chrétiens, vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde. » Esprit Saint, viens à notre secours pour nous faire comprendre un peu cette parole.

Sainte Marie, Mère de Dieu

(année A)

Scourmont, 1er janvier 2023

Nb 6, 22-27 - Ps 66

Gal 4, 4-7 - Luc 2, 16-21

Marie, mère de Dieu

1. Nous prions Marie, mère de Dieu

Nous fêtons aujourd’hui « Sainte Marie, mère de Dieu ». Le titre de « Mère de Dieu » nous est bien familier. Nous le trouvons dans chacune des quatre principales prières eucharistiques, où l’on fait mémoire de la « Bienheureuse Mère de Dieu » ; les litanies des saints comportent toujours l’invocation « Sainte Marie, mère de Dieu » ; les textes de la mémoire de la Vierge, aux offices, utilisent souvent l’expression : « Mère de Dieu » ; et nous ne devons pas oublier le « Je vous salue, Marie », récité dans le secret des cœurs : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs. »

2. Ce titre est contesté

Sommes-nous conscients que cette expression de notre foi choque ceux qui ne la partagent pas, en particulier les juifs et les musulmans ? Ils ne le disent pas toujours, mais c’est un point important pour eux. Et ils ne sont pas les seuls à la contester. J’ai entendu un jour un évêque d’un pays à majorité musulmane dire qu’il n’acceptait pas cette expression. Un prêtre, dans la Prière Eucharistique, change habituellement « Mère de Dieu » en « Mère du Christ ». Les musulmans et les juifs auraient-ils donc raison dans le rejet de cette formule ? Comment peut-on dire, en effet, que Dieu, pur esprit, éternel et infini, a été engendré par une femme, être corporel, temporel et fini ? Comment une créature peut-elle engendrer son Créateur ?

3. Pourtant un concile au Ve siècle

Et pourtant !… Pourtant, ce n’est pas d’aujourd’hui que l’Église appelle Marie « Mère de Dieu ». En 431 (il y a près de 1600 ans), des évêques étaient réunis en concile à Éphèse, dans la Turquie actuelle ; ils ont proclamé le texte suivant pour définir la foi de l’Église : « (Les saints pères) se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu (theotokos), non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps animé d’une âme raisonnable ; le Verbe s’est uni à ce corps selon l’hypostase et pour cette raison il est dit avoir été engendré selon la chair. » Ce texte, un peu condensé, est au cœur de notre foi, et de notre fête d’aujourd’hui.

4. Comment comprendre ?

Tout part de la personne du Christ. Remarquons qu’on ne peut jamais parler avec justesse de Marie sans parler de son Fils : le mystère de Marie ne se comprend que par le mystère de Jésus. Le Christ est homme et Dieu. En tant que Dieu, il n’est évidemment pas né de Marie ; c’est en tant qu’homme qu’il est né d’elle. Marie est donc bien la mère de l’homme Jésus. Là-dessus, tout le monde est d’accord, même les musulmans et les juifs. Mais les chrétiens disent davantage. L’humanité de Jésus n’a pas d’existence propre, autonome, en dehors de la personne du Verbe, la deuxième personne de la Trinité. C’est ce qu’on veut dire quand on parle des deux natures du Christ, divine et humaine, en une seule personne (cf. Concile de Chalcédoine en 451). Si donc le Christ est une seule personne, la personne du Fils de Dieu, en tout égal au Père, alors on peut dire que Marie est Mère de Dieu.

Refuser cette appellation, ce serait implicitement reconnaître deux personnes dans le Christ, une personne humaine et une personne divine, qui seraient unies certes, mais tout de même distinctes. Tous les Pères de l’Église ont déclaré hors de la foi chrétienne ceux qui pensent ainsi. Vous me direz : qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Eh bien, c’est capital pour nous aussi, pour chacun de nous. Si le Christ n’a pas uni en sa seule et unique personne la nature divine et la nature humaine, il n’a pas pu libérer du péché notre nature humaine. C’est seulement s’il est à la fois homme et Dieu en une seule personne qu’il peut nous sauver. S’il en était autrement, l’Église n’aurait plus de sens, les sacrements ne seraient plus que des symboles sans effet, notre foi chrétienne serait vide.

5. Méditer et prier

Voilà tout l’enjeu du titre « Mère de Dieu » pour la solennité de ce premier jour de l’année. Il n’est pas seulement bon pour la piété, il est indispensable à notre foi et à notre existence de fils et filles de Dieu.

Le lien de Marie avec son Fils et avec son Dieu est tout à fait particulier, et c’est peut-être cela que nous sommes invités à méditer aujourd’hui. Marie est mère de Jésus, qui est le Verbe de Dieu, et donc en même temps son créateur. Il est inutile de chercher à comprendre rationnellement ce qui apparaît contradictoire : nous ne pourrons jamais percer le mystère de l’Incarnation de Dieu dans la nature humaine, mais nous pouvons regarder, contempler, tourner autour, pour le découvrir sous différents aspects, sans jamais en épuiser le sens.

Pour continuer notre méditation, nous pourrons relire ce que dit le Catéchisme de l’Église catholique : « Appelée dans les Évangiles « la mère de Jésus » (Jn 2, 1 ; 19, 25 ; cf. Mt 13, 55), Marie est acclamée, sous l’impulsion de l’Esprit, dès avant la naissance de son fils, comme « la mère de mon Seigneur » (à la Visitation, Lc 1, 43). En effet, Celui qu’elle a conçu comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251). »

Le résumé du même Catéchisme (n° 95) le dit plus simplement : « Pourquoi Marie est-elle vraiment la Mère de Dieu ? – Marie est vraiment Mère de Dieu parce qu’elle est la Mère de Jésus (cf. Jn 2, 1 ; 19, 25). En effet, celui qui a été conçu par l’opération du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils est le Fils éternel du Père. Il est lui-même Dieu. »

Sainte Marie, Mère de Dieu, intercède pour nous, afin que nous devenions, par la grâce, frères de ton Fils ; ainsi nous pourrons t’invoquer tout au long de cette année : Sainte Marie, Mère de Dieu et notre mère, intercède pour nous.

Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Universannée C

Scourmont, 20 novembre 2022

2 S 5, 1-3 ; Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6

Col 1, 12-20 ; Lc 23, 35-43

 

Le Christ, notre Roi

 

1. Jésus, le roi des Juifs, sauve son peuple

« Le roi des Juifs ». L’inscription sur la croix de Jésus est claire : Jésus est le roi des Juifs. Même si elle a été placée là par dérision – comment un crucifié pourrait-il être reconnu comme roi ? Et quelle piètre image donnerait un peuple qui se réclamerait d’un tel roi ! –, mais ce qui est écrit est écrit, comme le dira Pilate aux Juifs (Jn 19, 22), et personne ne semble le contester. Le reproche que font à Jésus ses deux compagnons d’infortune, c’est précisément de pas pouvoir se montrer roi en se sauvant lui-même et en sauvant les autres : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Durant sa vie terrestre, Jésus a sauvé beaucoup de personnes : il a opéré toutes sortes de miracles et de guérisons, et même des résurrections. Mais en ce moment, il semble tout à fait impuissant, pour lui-même et pour les autres. Or, l’une des choses que l’on attend d’un roi, c’est qu’il sauve son peuple, qu’il le protège de ses ennemis et lui donne de vivre dans la paix.