Messe du jour de Noël
année B
Bellefontaine, 25 décembre 2023 (1999)
Is 52, 7-10 – Ps 97
He 1, 1-6 – Jn 1, 1-18
Par nous, l’Incarnation s’accomplit aujourd’hui
Au commencement
Au commencement de tout, le Père, le Fils et l’Esprit, Dieu unique en trois personnes. Le Père donne tout au Fils, qui lui rend tout ce qu’il reçoit, et le fruit de leur échange est l’Esprit. Dieu dans son éternité est Amour, Vie, Lumière. Amour qui anime, vie qui donne l’existence et lumière qui éclaire. Par le Fils de Dieu, par le Verbe, la création a existé, l’homme a été créé, vivant de la vie reçue du Verbe, éclairé de sa lumière, animé de son amour. Les ténèbres de l’abîme et de la mort n’ont pas empêché le Verbe de communiquer sa lumière à l’homme, mais l’homme a préféré les ténèbres à la lumière, la mort à la vie, la haine à l’amour.
Dans le cours du temps, le Père ne cesse de se livrer à son Fils, d’aimer son Fils dans le baiser de l’Esprit. Mais les hommes, loin de s’abreuver à cette source d’amour, de vie et de lumière, génèrent leurs réseaux de haine, creusent leurs puits de mort et s’enferment dans leurs cachots de ténèbres. Ils ne reconnaissent plus celui qui les fait vivre et revendiquent ce qu’ils croient être leur indépendance. Mais, Dieu, ne voulant pas laisser l’homme à son sort, abandonner sa créature à la mort, à la haine, aux ténèbres, prend aujourd’hui les traits d’un homme pour que l’homme à son tour puisse retrouver les traits de Dieu qu’il a perdus.
Aujourd’hui
Aujourd’hui, le Verbe se fait chair et il vient habiter parmi nous. Et commence pour nous la longue histoire de notre retour à Dieu. Tous, nous avons reçu de sa plénitude ; nous avons reçu de sa vie, de son amour, de sa lumière, et nous devons réapprendre à exister selon ce que nous sommes devenus par notre baptême.
La vie et la mort se côtoient dans notre monde. La lutte pour la vie, ou même simplement le combat pour survivre, sont très forts, mais souvent c’est la mort qui l’emporte. Parfois l’homme lui-même se fait complice de la mort, quand il interrompt une vie qui a commencé d’exister dans le sein d’une femme, quand il abrège l’existence d’une personne âgée que rien ne semble plus attacher à cette terre, quand il juge qu’un criminel n’a plus le droit de paraître à la face du monde, quand il tue son semblable parce qu’il se croit menacé ou parce qu’il veut simplement dominer. La litanie pourrait être longue où l’on voit l’homme se rendre complice d’une mort qu’il craint et redoute pour lui-même. Aujourd’hui, l’Enfant de Bethléem nous apporte la vie.
Chaque personne humaine ne rêve que d’être aimée, et pourtant la haine s’est installée en même temps que l’amour dans chaque cœur humain. Comment expliquer autrement les divisions dans les familles, les affrontements dans les quartiers, les agressions dans les villes ? Comment comprendre les guerres, où meurent toujours des innocents, les conflits qui ne résolvent rien mais provoquent tant de blessures ou de morts ? Dans mon cœur aussi, la haine habite ; elle transforme le frère en ennemi et l’ami en rival, le supérieur en dictateur et l’inférieur en révolté, le père en tyran et le fils en ingrat. La haine divise, la haine oppose, la haine tue. Aujourd’hui, l’Enfant de Bethléem nous apporte l’amour.
Ils ont des yeux et ne voient pas, car il leur manque la lumière. Beaucoup de nos contemporains cherchent leur route à tâtons, certains dans des directions justes, d’autres dans des voies sans issue, comme les sectes ou certaines religions, d’autres encore sur des chemins qui mènent à leur perte, comme la drogue ou l’alcool. Tous voudraient trouver la lumière, mais peu la découvrent complètement en cette vie. Nous qui avons été illuminés par l’Esprit Saint, devenons des témoins de la vraie lumière, comme Jean le Baptiste, pour les hommes et les femmes de notre temps. Soyons pour chacun, non pas la source lumineuse – elle est unique et c’est Dieu lui-même –, mais un modeste reflet de l’éclat divin qui s’est répandu et continue de se répandre sur le monde. Aujourd’hui, l’Enfant de Bethléem nous apporte la lumière.
Au terme
Et puis, au terme de l’histoire, Dieu, lumière, amour, vie. Au terme, le Père, le Fils et l’Esprit, Dieu unique en trois personnes, et nous tous, fils dans le Fils unique. En lui, nous pouvons devenir complètement lumière, amour et vie, ne formant plus qu’un seul corps avec lui.
Et déjà dans cette Eucharistie, le Corps du Christ devient notre corps pour que, tous, nous ne formions qu’un seul corps. Devenus uns dans le Christ, nous sommes uns avec tous nos frères et sœurs en humanité. Et par nous, c’est l’humanité tout entière qui est unie au Christ, qui est unie à son Créateur et Sauveur, qui est unie au Verbe. Par nous, c’est la vie, l’amour et la lumière qui se communiquent au monde. Par nous, c’est l’Incarnation du Verbe qui s’accomplit. Le Verbe se fait chair, il habite parmi nous. Par lui, nous viennent la grâce et la vérité, la vie, la lumière et l’amour. C’est lui qui nous conduit toujours à connaître le Père par le don de son Esprit.