4 octobre 2020 -- 27ème dimanche ordinaire « A »

Is 5,1-7 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43

H O M É L I E

          Parmi les Livres de l’Ancien Testament il y en a un, le Cantique des Cantiques, qui est tout entier un chant d’amour ou une série de chants d’amour.  Même si les esprits cartésiens ont souvent exprimé de la surprise à voir ce genre de poésie dans la Bible, les grands mystiques juifs et chrétiens de tous les temps y ont vu une image de la relation d’amour entre Dieu et son peuple.  Et plus d’un de ces mystiques – saint Bernard par exemple – l’ont largement commenté.  Or, l’on trouve d’autres exemples semblables un peu partout dans la Bible ; et le chant du bien-aimé à sa vigne, que nous avons entendu dans la première lecture, tirée du prophète Isaïe en est un bel exemple.

 

          Isaïe écrivait sans doute quelques siècles avant l’auteur du Cantique des Cantiques, et Jésus lui-même reprendra l’image de la vigne, plusieurs siècles plus tard. Il le fait dans l’Évangile d’aujourd’hui comme il l’avait fait dans celui de dimanche dernier.  Le texte d’Isaïe reprend sans doute un chant populaire, où le bien-aimé se plaint de sa vigne, de qui il attendait de bons raisins et qui ne lui en a donné que de mauvais.  Il appelle les habitants de Jérusalem à être les juges entre lui et sa vigne, envers qui il est d’une sévérité extrême.  C’est évidemment qu’Isaïe – ou l’auteur de ce chant populaire -- ne connaissait pas encore assez bien le Maître de la vigne.  Il ne connaissait pas le Père de Jésus.

          Avec Jésus, l’utilisation de l’image est tout autre.  Le propriétaire de la vigne n’a pas de problème avec celle-ci mais avec les vignerons à qui il l’a confiée et qui, au lieu de consacrer toute leur énergie à lui faire donner de bons fruits, veulent en profiter égoïstement et vont jusqu’à tuer le fils même du maître de la vigne.  Évidemment cette parabole adressée aux chefs des prêtres et aux pharisiens décrit leur propre attitude tant à l’égard du peuple qu’à l’égard de Jésus lui-même, qu’ils mettront bientôt à mort.

          Et cependant, même à leur égard l’attitude de Jésus est tout autre que celle du bien-aimé dans le chant d’Isaïe.  Jésus n’est pas intéressé à punir.  Il est seulement intéressé à ce que sa vigne, son peuple, son église porte des fruits.  Lorsqu’il pose la question : « quand le maître viendra, que pensez-vous qu’il fera à ces vignerons ? »  ses interlocuteurs répondent : « Ces misérables, il les fera périr misérablement.  Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui lui remettront le produit en temps voulu. »  Dans sa réaction à cette réponse, Jésus ne reprend que la seconde partie : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit. » Il n’est pas intéressé à la punition et encore moins à la vengeance.   De plus, il ne s’agit pas ici d’enlever le royaume aux Juifs pour le donner aux païens, comme pourrait nous le faire penser une lecture rapide et superficielle.  En réalité la maison de Dieu est et demeure le peuple choisi auquel viennent s’ajouter les nations.  Ceux qui sont en cause, ce sont les pasteurs.  Il y a là une leçon sévère pour quiconque exerce un ministère de quelque nature que ce soit dans le Peuple de Dieu.  Ce ministère est pour le bien du Peuple et non pour sa propre satisfaction.

          Mais ce qui revient le plus fortement tout au long de cette parabole, c’est la nécessité de porter des fruits.  Et cela nous concerne tous.  Nous n’avons pas reçu le message évangélique simplement pour notre satisfaction personnelle ou simplement pour faire notre salut.  Nous l’avons reçu pour que nous portions des fruits – des fruits de justice et de droiture, selon le texte d’Isaïe. Tous ensemble nous sommes l’Église, et l’Église existe pour le monde.  Demandons-nous, au fond de nos cœurs, si, par notre façon de vivre, nous concourons à créer en notre monde ce règne du droit et de la justice.

Armand Veilleux