Homélies du Père Gérard Joyau

4e dimanche du Carême – année A

Scourmont, 19 mars 2023

1 S 16, 1b.6-7.10-13a ; Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6 ;

Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41

Jésus et ceux qu’il rencontre

 

Qui est Jésus ? Qui sont ceux qui le rencontrent, ceux qui le refusent et ceux qui l’acceptent ? Qui sommes-nous ? Ces questions sont essentielles quand on se prépare à recevoir le baptême au moment de Pâques. Elles nous concernent tous aujourd’hui si nous désirons développer, consolider, approfondir notre relation avec celui qu’on appelle Jésus.

  1. Qui est Jésus ?

Cet évangile est remarquable par tous les titres qui sont donnés à Jésus. Ses opposants le traitent tout simplement d’homme pécheur, car il n’observe pas la loi de Moïse en guérissant un homme le jour du sabbat. « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » « Nous savons que cet homme est un pécheur. » Si les affirmations des pharisiens sont claires, on sent bien qu’ils ne sont pas tout à fait sûrs d’eux-mêmes, puisque le miracle est évident pour tous ; mais ils ne peuvent pas renier leur croyance.

Comme tout le monde, ils connaissent, l’homme Jésus. C’est le nom qui lui a été donné à sa naissance ; c’est le nom qu’il porte dans la vie courante et qui revient le plus souvent dans ce texte. Tous le nomment ainsi.

Mais pour les disciples, ce Jésus est aussi un Rabbi : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents… ? » Dans le Nouveau Testament, les rabbis sont des enseignants, des personnes qui connaissent la Loi, qui peuvent répondre à des questions. Ils sont présentés de manière positive. Jésus en fait partie : il sait ce qu’il fait ; il peut répondre aux questions qu’on lui pose.

Et en même temps, pour celui a été guéri, Jésus est aussi un prophète, un homme envoyé de Dieu qui peut parler en son nom, et qui peut accomplir ce que Dieu demande. « (Les pharisiens) s’adressent à l’aveugle : “Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ?” Il dit : “C’est un prophète.” » Évidemment, ce titre ne peut que renvoyer aux prophéties de l’Ancien Testament, connues par tous les juifs. Jésus accomplit ainsi dans son œuvre ce qui a été annoncé à son peuple.

Et par ailleurs, dans l’entourage de Jésus, on déclare aussi « publiquement que Jésus est le Christ ». Le Christ, ou Messie, est celui qui a été choisi par Dieu pour sauver son peuple. C’est en lui que se cristallise tout ce qu’ont annoncé les prophètes. Le messie, c’est celui qu’on attendait pour sauver tout Israël. Par toutes ses prédications et, en ce moment, en guérissant un aveugle, Jésus se montre comme le Messie envoyé par Dieu et attendu par les juifs.

Mais il est encore plus qu’un prophète et plus qu’un Messie : c’est le Fils de l’Homme, ce qui est presque équivalent de notre expression « Fils de Dieu ». Selon la prophètie de Daniel (7, 13-14), c’est au Fils de l’homme que « fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » Lorsque Jésus demande à l’aveugle guéri, « Crois-tu au Fils de l’homme ? », sa demande sous-entend que c’est Dieu lui-même qui, par lui, a réalisé cette guérison. La relation avec lui devient alors une relation de foi, comme la relation avec Dieu.

Dans sa réponse, l’aveugle guéri introduit alors un nouveau titre de Jésus : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Le mot « Seigneur » peut avoir une signification tout ordinaire, presque synonyme de « Maître », mais ici, son sens est beaucoup plus fort ; il renvoie pratiquement à la divinité de Jésus.

En plus de tous ces titres de Jésus : Rabbi, prophète, Christ, Fils de homme, Seigneur, on trouve encore d’autres indications sur Jésus. Cet homme, qui n’est pas pécheur, se dit envoyé par Dieu ; il est la lumière du monde : « Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé […], je suis la lumière du monde. » Ces indications vont dans le même sens que les titres que nous avons déjà relevés.

Ainsi, cet évangile, nous montre qui était Jésus : pas seulement un guérisseur, mais un envoyé de Dieu, quelqu’un qui « était de Dieu ». Il nous reste donc beaucoup à méditer sur la personne de Jésus. Saint Jean lui-même le dit à la fin de son évangile : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » (Jn 20, 30-31).

  1. Les personnes rencontrées par Jésus

Mais quelles sont réactions des personnes rencontrées par Jésus dans cet épisode ? Elles sont multiples.

Les voisins ne veulent pas s’engager, même s’ils se posent des questions : « “N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ?” Les uns disaient : “C’est lui.” Les autres disaient : “Pas du tout, c’est quel­qu’un qui lui ressemble.” » Ils s’informent auprès du miraculé, mais ne peuvent pas obtenir de réponses satisfaisantes, car Jésus a disparu.

Et surtout, il y a les pharisiens, largement évoqués. Ils connaissent l’Écriture, ils savent ce que Jésus a fait, mais il leur est impossible de se résoudre à croire en lui. Ils invoquent d’abord le fait que la guérison a été accomplie le jour du sabbat, et donc que Jésus doit être un pécheur. Comment résoudre cette contradiction ? Ils hésitent au point que l’aveugle guéri leur demande si, eux aussi, veulent devenir ses disciples. Ils ne peuvent alors que le chasser sans avoir pour autant résolu le dilemme.

Les parents de l’aveugle, eux, adoptent une autre attitude : ils savent que leur fils a été guéri, et ils devinent que l’auteur du miracle n’est pas seulement un homme, mais ils ne veulent pas s’engager.

Leur fils, au contraire, reconnaît ce qui est arrivé, et peu à peu se laisse convaincre par Jésus qu’il n’est pas simplement un homme. Il finit par confesser explicitement sa foi. Il réalise ce que Jésus avait commencé par dire à ses disciples : le miracle, « c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé […] Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »

  1. Conclusion

C’est l’appel qui est adressé aujourd’hui aux futurs baptisés, et à tous ceux qui le sont déjà. Jésus est la lumière du monde. Grâce à cette lumière, nous pouvons travailler aux œuvres de Dieu dans toute notre vie chrétienne. Si nous traversons les ravins de la mort, nous ne craignons aucun mal, car le Seigneur ressuscité est avec nous.

05e dimanche du Temps ordinaire – année A

Scourmont, 5 février 2023

Is 58, 7-10 ; Ps 111 (112), 4-5, 6-7, 8a.9 ;

1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16

Sel et lumière

 

1. La question

« Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde. » Mais, Seigneur, qu’est-ce que tu dis là ? Nous, le sel de la terre ! nous, la lumière du monde ! Mais, nous ne sommes rien ! Je ne suis rien ! Moi, être sel ou lumière, capable d’avoir une influence sur les autres ? Je n’arrive même pas à vivre ma pauvre vie chrétienne d’une manière honnête, sans parler d’avoir une existence parfaite ! Avoir une influence sur les autres ? Mais je ne peux même pas en avoir dans ma famille, dans mon travail, dans ma communauté. Être sel ou lumière pour eux ? Mais ils riraient bien s’ils m’entendaient ; ils se moqueraient de moi ; et puis, ils n’ont aucune envie que j’aie une influence sur eux. C’est vrai pourtant, Jésus, que tu as dit : « Vous, chrétiens, vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde. » Esprit Saint, viens à notre secours pour nous faire comprendre un peu cette parole.

30e dimanche du Temps ordinaire – année C

Scourmont, 23 octobre 2022

Si 35, 15b-17.20-22a ; Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23

2 Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14

 

Deux hommes 

1. L’évangile

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. » Cette parabole délivre un enseignement sur deux points qui sont précisés au début du passage : Jésus s’adresse à « certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres. »

Sainte Marie, Mère de Dieu

(année A)

Scourmont, 1er janvier 2023

Nb 6, 22-27 - Ps 66

Gal 4, 4-7 - Luc 2, 16-21

Marie, mère de Dieu

1. Nous prions Marie, mère de Dieu

Nous fêtons aujourd’hui « Sainte Marie, mère de Dieu ». Le titre de « Mère de Dieu » nous est bien familier. Nous le trouvons dans chacune des quatre principales prières eucharistiques, où l’on fait mémoire de la « Bienheureuse Mère de Dieu » ; les litanies des saints comportent toujours l’invocation « Sainte Marie, mère de Dieu » ; les textes de la mémoire de la Vierge, aux offices, utilisent souvent l’expression : « Mère de Dieu » ; et nous ne devons pas oublier le « Je vous salue, Marie », récité dans le secret des cœurs : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs. »

2. Ce titre est contesté

Sommes-nous conscients que cette expression de notre foi choque ceux qui ne la partagent pas, en particulier les juifs et les musulmans ? Ils ne le disent pas toujours, mais c’est un point important pour eux. Et ils ne sont pas les seuls à la contester. J’ai entendu un jour un évêque d’un pays à majorité musulmane dire qu’il n’acceptait pas cette expression. Un prêtre, dans la Prière Eucharistique, change habituellement « Mère de Dieu » en « Mère du Christ ». Les musulmans et les juifs auraient-ils donc raison dans le rejet de cette formule ? Comment peut-on dire, en effet, que Dieu, pur esprit, éternel et infini, a été engendré par une femme, être corporel, temporel et fini ? Comment une créature peut-elle engendrer son Créateur ?

3. Pourtant un concile au Ve siècle

Et pourtant !… Pourtant, ce n’est pas d’aujourd’hui que l’Église appelle Marie « Mère de Dieu ». En 431 (il y a près de 1600 ans), des évêques étaient réunis en concile à Éphèse, dans la Turquie actuelle ; ils ont proclamé le texte suivant pour définir la foi de l’Église : « (Les saints pères) se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu (theotokos), non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps animé d’une âme raisonnable ; le Verbe s’est uni à ce corps selon l’hypostase et pour cette raison il est dit avoir été engendré selon la chair. » Ce texte, un peu condensé, est au cœur de notre foi, et de notre fête d’aujourd’hui.

4. Comment comprendre ?

Tout part de la personne du Christ. Remarquons qu’on ne peut jamais parler avec justesse de Marie sans parler de son Fils : le mystère de Marie ne se comprend que par le mystère de Jésus. Le Christ est homme et Dieu. En tant que Dieu, il n’est évidemment pas né de Marie ; c’est en tant qu’homme qu’il est né d’elle. Marie est donc bien la mère de l’homme Jésus. Là-dessus, tout le monde est d’accord, même les musulmans et les juifs. Mais les chrétiens disent davantage. L’humanité de Jésus n’a pas d’existence propre, autonome, en dehors de la personne du Verbe, la deuxième personne de la Trinité. C’est ce qu’on veut dire quand on parle des deux natures du Christ, divine et humaine, en une seule personne (cf. Concile de Chalcédoine en 451). Si donc le Christ est une seule personne, la personne du Fils de Dieu, en tout égal au Père, alors on peut dire que Marie est Mère de Dieu.

Refuser cette appellation, ce serait implicitement reconnaître deux personnes dans le Christ, une personne humaine et une personne divine, qui seraient unies certes, mais tout de même distinctes. Tous les Pères de l’Église ont déclaré hors de la foi chrétienne ceux qui pensent ainsi. Vous me direz : qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Eh bien, c’est capital pour nous aussi, pour chacun de nous. Si le Christ n’a pas uni en sa seule et unique personne la nature divine et la nature humaine, il n’a pas pu libérer du péché notre nature humaine. C’est seulement s’il est à la fois homme et Dieu en une seule personne qu’il peut nous sauver. S’il en était autrement, l’Église n’aurait plus de sens, les sacrements ne seraient plus que des symboles sans effet, notre foi chrétienne serait vide.

5. Méditer et prier

Voilà tout l’enjeu du titre « Mère de Dieu » pour la solennité de ce premier jour de l’année. Il n’est pas seulement bon pour la piété, il est indispensable à notre foi et à notre existence de fils et filles de Dieu.

Le lien de Marie avec son Fils et avec son Dieu est tout à fait particulier, et c’est peut-être cela que nous sommes invités à méditer aujourd’hui. Marie est mère de Jésus, qui est le Verbe de Dieu, et donc en même temps son créateur. Il est inutile de chercher à comprendre rationnellement ce qui apparaît contradictoire : nous ne pourrons jamais percer le mystère de l’Incarnation de Dieu dans la nature humaine, mais nous pouvons regarder, contempler, tourner autour, pour le découvrir sous différents aspects, sans jamais en épuiser le sens.

Pour continuer notre méditation, nous pourrons relire ce que dit le Catéchisme de l’Église catholique : « Appelée dans les Évangiles « la mère de Jésus » (Jn 2, 1 ; 19, 25 ; cf. Mt 13, 55), Marie est acclamée, sous l’impulsion de l’Esprit, dès avant la naissance de son fils, comme « la mère de mon Seigneur » (à la Visitation, Lc 1, 43). En effet, Celui qu’elle a conçu comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251). »

Le résumé du même Catéchisme (n° 95) le dit plus simplement : « Pourquoi Marie est-elle vraiment la Mère de Dieu ? – Marie est vraiment Mère de Dieu parce qu’elle est la Mère de Jésus (cf. Jn 2, 1 ; 19, 25). En effet, celui qui a été conçu par l’opération du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils est le Fils éternel du Père. Il est lui-même Dieu. »

Sainte Marie, Mère de Dieu, intercède pour nous, afin que nous devenions, par la grâce, frères de ton Fils ; ainsi nous pourrons t’invoquer tout au long de cette année : Sainte Marie, Mère de Dieu et notre mère, intercède pour nous.

25e dimanche du Temps ordinaire- année C

Scourmont, 18 septembre 2022

Am 8, 4-7 ; Ps 112 ;

1 Tm 2, 1-8 ; Lc 16, 1-13

Deux mondes

 

Deux mondes. Les lectures de ce dimanche évoquent deux mondes, que j’ai bien de la peine à faire se rencontrer.

1. Un premier monde

Il y a tout d’abord le monde des affaires, celui où l’on écrase les pauvres, selon le prophète Amos, et le même monde où l’on s’enrichit sur le dos des autres, dans l’évangile.

Amos est très dur contre ceux qui fraudent dans leurs opérations commerciales : ils écrasent les malheureux, les pauvres, sans aucune pitié. Les quantités sont diminuées (sans changer de prix) pour les produits de première nécessité, les prix sont augmentés sans raison, les balances sont faussées pour que la fraude devienne systématique. On se croirait à notre époque, au xxie siècle. Les temps n’ont pas vraiment changé ; les procédés restent les mêmes ; ils se sont seulement perfectionnés avec le temps. La sentence du Seigneur est claire et sans appel : « Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits. » Ou, dit de manière plus populaire : « Ils ne l’emporteront pas en paradis. » Mais attention au danger qui guette le bien-pensant, celui qui se penserait en dehors de ce monde : accuser les autres, la société, les structures économiques ou sociales, manifester son désaccord avec toute injustice, agir pour que ça change, je ne dis qu’il ne faut pas le faire dans d’autres lieux et d’autres circonstances, mais ici, ce matin, ce qui est demandé à chacun de nous, c’est d’abord de se convertir lui-même avant de condamner les autres.

Et puis, dans ce monde des affaires, il y a ceux qui s’enrichissent sur le dos des autres, tel ce gérant de la parabole de l’évangile : il trompe allègrement son patron, et, quand il se voit découvert, il fraude encore pour assurer son avenir compromis par sa malhonnê­teté. Là aussi, on pourrait croire que cette histoire est contemporaine. Les mêmes procédés peuvent se retrouver aujourd’hui, sans compter des manières d’agir bien plus subtiles encore. À chacun de s’examiner pour voir s’il n’est pas concerné. Et puis, s’il faut agir contre ces agissements, qu’on le fasse avec charité, pour le bien des personnes, et non par rancœur ou pour se venger d’humiliations subies.

2. Un autre monde

C’est donc cela, entre autres, le monde des affaires de toujours, le monde économique, jamais loin du monde politique. Mais il y a un autre monde dans les textes de ce jour. C’est comme si, loin du brouhaha de la vie, on entrait alors dans une église silencieuse, où se fait entendre le texte de la lettre de saint Paul à Timothée : « J’encourage à faire des prières pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité [pour tous les acteurs économiques], afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. » Prier pour ceux qui sont en danger : on est bien loin des manipulations, des manœuvres douteuses, des opérations en sous-main. Prier, c’est se tenir devant Dieu, tel que l’on est, sans fard ni tricherie, en toute pauvreté, en vérité. « Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés. » Dieu veut que tous soient sauvés – les bons et les méchants, ou ceux qui sont classés ainsi : c’est capital dans notre foi chrétienne. Celui qui ne serait pas sauvé ne pourrait sans prendre qu’à lui-même, car Dieu, lui, veut le sauver, même si c’est au prix du sang de son Fils. Finalement, seuls ne seront pas sauvés ceux qui ne le voudront pas. Car Dieu est miséricordieux pour tous, y compris pour le gérant malhonnête, ou pour celui qui écrase le pauvre ou le petit. Il ne veut pas que les hommes croupissent dans leur ignorance, leurs fourberies ou leurs hypocrisies, leurs péchés : il veut que tous « parviennent à la pleine connaissance de la vérité », à connaître celui qui est « la Voie, la Vérité et la Vie », à partager la vie même de Dieu.

3. Deux mondes

Le monde des affaires troubles et le monde de Dieu : deux mondes irréconciliables tant que le premier n’aura pas renoncé à sa duplicité pour parvenir à l’unicité de la vérité qui vient de Dieu. Ces deux mondes habitent aussi chacun de nous : le monde du péché et le monde de la grâce. Deux mondes irréconciliables, à moins que le premier disparaisse, que ce monde de la mort soit englouti par l’autre, par celui qui est la force de la Vie qui vient d’en haut.

Si tu es empêtré dans le premier monde, te sentant incapable de sortir de situations dont tu profites mais que tu réprouves au fond de toi-même, garde courage et regarde : le Sauveur te tend la main. Et souviens-toi de la parole de Jésus : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres […] Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Il faut choisir. Et, si tu choisis Jésus, aie confiance : avec ton accord et ta persévérance, il te sauvera.

Et si tu penses que le premier monde n’est plus ton affaire, que, désormais, tu habites dans le monde de Dieu, fais bien attention. Tout d’abord, rends grâce à Dieu de t’avoir sauvé ou préservé de ces situations où règne le péché. Et puis, ne crois pas être pour toujours à l’abri du mal, hors d’atteinte du Malin qui nous poursuit. Souviens-toi de la parole de saint Pierre (1 P 5, 8-9) : « Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances. » Tous peuvent être sauvés ; personne ne le sera sans la grâce de l’Esprit Saint, grâce qui est l’un des fruits de cette Eucharistie que nous célébrons maintenant.

« Serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur ! Il abaisse son regard vers le ciel et vers la terre. De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre pour qu’il siège parmi les princes de son peuple, » il est prêt à l’accueillir avec tous ses amis dans les demeures éternelles.

 

Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Universannée C

Scourmont, 20 novembre 2022

2 S 5, 1-3 ; Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6

Col 1, 12-20 ; Lc 23, 35-43

 

Le Christ, notre Roi

 

1. Jésus, le roi des Juifs, sauve son peuple

« Le roi des Juifs ». L’inscription sur la croix de Jésus est claire : Jésus est le roi des Juifs. Même si elle a été placée là par dérision – comment un crucifié pourrait-il être reconnu comme roi ? Et quelle piètre image donnerait un peuple qui se réclamerait d’un tel roi ! –, mais ce qui est écrit est écrit, comme le dira Pilate aux Juifs (Jn 19, 22), et personne ne semble le contester. Le reproche que font à Jésus ses deux compagnons d’infortune, c’est précisément de pas pouvoir se montrer roi en se sauvant lui-même et en sauvant les autres : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Durant sa vie terrestre, Jésus a sauvé beaucoup de personnes : il a opéré toutes sortes de miracles et de guérisons, et même des résurrections. Mais en ce moment, il semble tout à fait impuissant, pour lui-même et pour les autres. Or, l’une des choses que l’on attend d’un roi, c’est qu’il sauve son peuple, qu’il le protège de ses ennemis et lui donne de vivre dans la paix.

21e dimanche du Temps ordinaire – année C

Scourmont, 21 août 2022

Is 66, 18-21 ; Ps 116 (117), 1, 2

He 12, 5-7.11-13 – Lc 13, 22-30

Les justes seront sauvés

1. Qu’est-ce que la justice ?

« Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. » Tout cet évangile s’articule autour de cette parole de Jésus. À la question qui lui est posée, « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? », Jésus ne répond pas directement, peut-être tout simplement parce qu’il n’y a pas de réponse. Pour éluder la question, il aurait pu rétorquer : « Ça dépendra. » Ça dépendra de quoi ? – De ceux qui pratiqueront la justice. Et cela, on ne peut pas le savoir avant la dernière heure. Mais alors, la vraie question est : Qu’est-ce que la justice, cette justice qui mène au salut ?