Homélie
SAINT JEAN-BAPTISTE
Scourmont, 24 juin 2025 (2)
Is 49 1-6 - Ps 138 -Ac 13, 22-26 – Lc 1, 57-66.80
Prophète des derniers temps
Le plus grand des prophètes ! Il n’est pas difficile de classer Jean-Baptiste : c’est le plus grand des prophètes. Plus grand qu’Isaïe, Jérémie ou Élie. Plus grand, parce qu’en lui, aboutit l’action de tous les prophètes de l’Ancienne alliance qui annonçaient le Messie : lui, il l’a vu, le Messie ; il l’a reconnu et l’a présenté à ses disciples.
Le temps entre la conception de Jean et sa naissance fut un moment d’espérance mais aussi un temps de joie. Les parents de Jean-Baptiste ont vécu dans l’espérance. Ils étaient déjà âgés et n’attentaient plus aucune évolution importante dans leur vie. Chacun d’eux accomplissait son travail, pour la famille ou pour toute la communauté des croyants. Se rendre spécialement remarquable dans le temps, en ayant toujours un comportement bien particulier, était une attitude vis-à-vis de tous, mais ne facilitait pas la croissance de la plénitude de sa vie, sans mettre en cause l’espérance profonde.
Et en même temps, chacun est invité à la joie. Celui qui va naître mystérieusement est plein d’une joie intense pour ses parents et pour tous ceux qui les connaissaient. Une naissance, inattendue et quasi miraculeuse, ne peut engendrer que du bonheur. Par la suite, la formation de Jean à sa vocation de prophète, tout comme sa vie au désert, semble bien rude et austère. Et puis, sa prédiction est parfois virulente contre ceux qui ne suivent pas la loi de Dieu. Il est impitoyable. Jusqu’à cet apogée que furent la rencontre avec Jésus et son baptême dans le Jourdain : c’est le point culminant de sa vie. C’est le sommet de l’activité du prophète dans l’histoire du salut, le moment où le prophète rencontre celui qu’il annonce.
À partir de là, la vie de Jean est une vie connue par beaucoup de personnes, mais non admise par tous. Il enseigne des foules, composées de toutes sortes de personnes. Devenu le Baptiste, Jean veut faire progresser tous ceux qui l’écoutent dans la foi envers Dieu le tout-puissant. Il croit bien que son enseignement est capital, que ses attitudes sont fondamentales. Il a même accepté de joindre Jésus au baptême qu’il prodigue à tous les croyants. Jean Baptiste est le grand prophète, touchant tant de personnes à la recherche du salut.
Et, en même temps, sa vie est une rapide mise en cause de son existence. Certains de ses disciples vont jusqu’à le quitter pour suivre Jésus. Il continue cependant son ministère d’appel à la conversion, mais il en paie le prix fort et se trouve emprisonné par Hérode. Là, du fond de sa prison, il se met à douter : Jésus est-il bien le Sauveur attendu par le peuple d’Israël ? Et s’il s’était trompé en le désignant comme le Messie ? Jésus le rassure complètement : il est bien celui qu’ont annoncé les prophètes. Désormais, Jean n’a plus de ministère explicite, du moins par la parole, car, jusqu’au bout et jusqu’au sacrifice suprême, il va être un témoignage par sa vie. Sa dernière parole sera de se laisser enlever son existence terrestre car il a proclamé la vérité. De la lumière qui l’a inondé à sa naissance, son existence le plonge dans les ténèbres de la mort.
L’attitude qui nous est demandée aujourd’hui n’est pas forcément d’imiter concrètement Jean le Baptiste, dans sa vie au désert ou dans son ministère de prédication comme prophète. Il nous faut avant tout écouter sa prédication et la mettre en pratique : nous devons nous convertir pour reconnaître le Messie quand il en vient à passer près de nous ; nous devons nous mettre en route à sa suite.
La conversion : on pourrait en parler longuement, mais cela ne sert à rien. Ce qu’il faut, c’est la vivre, la réaliser dans notre vie. Elle consiste essentiellement à nous détacher de tout ce qui n’est pas Dieu pour nous attacher, au contraire, à lui seul. Pour chacun, elle est à mettre en œuvre de manière particulière, car chacun est unique, unique comme image de Dieu, unique aussi comme pécheur à convertir. Tout ce qui n’est pas Dieu en moi doit mourir pour que je puisse, un jour prochain, voir notre Sauveur face à face.
Alors seulement, à la suite des indications du prophète, je pourrai reconnaître Jésus quand il passe près de moi. Il peut prendre tous les visages d’hommes ou de femmes, connus ou inconnus. Je saurai que, sous des dehors humains, c’est lui « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Et je me mettrai en route à sa suite, pour l’écouter, pour le servir, pour le suivre jusqu’au sommet qui surpasse toutes les hauteurs, le sommet de l’abnégation et de l’humiliation, le sommet de la croix. C’est de là, et de là seulement, que je pourrai voir déjà transparaître, à l’horizon de l’orient, l’aurore d’une vie nouvelle, dans laquelle je finirai par me fondre et disparaître pour devenir moi-même lumière. Jean était la lampe dans le désert qui permet de trouver la route à suivre ; Jésus est, au sommet de l’anéantissement, il est la clarté du matin qui transfigure en lumière tout ce qu’elle atteint.
Nous fêtons aujourd’hui la naissance de Jean. À sa parole, nous devons nous convertir à lui pour nous laisser transformer en lui et devenir, avec lui, d’authentiques disciples de Jésus, jusqu’à la fin de cette existence.