C COMMÉRATION DES DÉFUNTS JEAN 06, 51-58

2Nov 2025Frères et sœurs, chacun de nous, nous préférerions que la vie en plénitude se présente à nous sans obstacle ni épreuve. Nous aimerions ne jamais avoir à marcher à l’ombre de la mort, ni à cheminer sur des chemins de croix, ni à descendre dans l’impasse des tombeaux. Nous aimerions ne jamais perdre les proches que nous aimons. Il faut avoir vécu un peu pour comprendre qu’une vie humaine est le lieu de rencontre de ces moments de mort et de défaite. Pourtant Jésus nous dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11,25-26).

En présentant la façon dont Jésus a vécu ces expériences, l’Évangile nous invite à changer de regard sur ces morts. Tout, dans son enseignement donne à voir que ces lieux ne se réduisent pas à des impasses. L’Évangile assure que, dans ces lieux, Dieu parle, et qu’il est possible de l’entendre. La Parole qui s’y murmure est parole de vie. Ces lieux de mort que nous craignons tant ne sont pas exclus de la présence de Dieu. Saint Paul nous le dit : « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 15,57).

La foule décrite par saint Jean dans le livre de l’Apocalypse est immense, mais elle n’est pas anonyme. Lorsque Jésus se présente comme le Bon Pasteur, il affirme connaître chacune de ses brebis par son nom. La relation personnelle que chacun de nous entretient avec le Seigneur se poursuivra dans le royaume de Dieu. La place que Jésus nous promet n’est pas interchangeable : chacun sera accueilli avec tout ce qui a constitué son existence terrestre, et tout cela sera transfiguré, c’est-à-dire habité par la présence lumineuse du Christ qui nous conduit vers la vie. « Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors » (Jn 6,37-38).

L’Église nous invite à célébrer en premier les saints avant de faire mémoire des défunts. Tous nous sommes appelés à vivre en présence de Dieu, à vivre de Dieu. Le bonheur du ciel consiste vraiment en cette vie : être en présence de Dieu. Dieu veut attirer tous les hommes et toutes les femmes pour qu’ils vivent en sa présence. « Nous sommes faits pour Dieu » a proclamé l’évêque Desmond Tutu, après saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi » est une célèbre citation de Saint Augustin qui exprime l’idée que les êtres humains sont créés pour Dieu et que seule une relation avec Lui peut apporter le repos véritable à leur cœur. Ce concept repose sur l’amour : Dieu est amour et il a créé l’humanité par amour. Pour Augustin, ce désir de Dieu est inhérent à l’âme humaine ; notre cœur est inquiet tant qu’il n’a pas trouvé sa source et son repos en Dieu. Ceux qui sont morts sont appelés à vivre de Dieu.

Appartenir au Seigneur, c’est tout simplement être de sa famille : en nous révélant l’amour de son Père, Jésus fait de nous les fils et les filles de Dieu. Nos frères et sœurs défunts sont donc appelés à vivre en Dieu. Hier nous célébrions cette communion d’amour qui nous unit à tous les saints. Aujourd’hui, cette communion est toujours là, forte et paisible. Nos supplications pour les défunts les rejoignent car Dieu a fait ainsi qu’il veut tous nous sauver, mais aussi il le fait par la prière et l’action des uns vis-à-vis des autres.

Ajoutons un point important pour nous. Nous n’avons peut-être pas pu nous réconcilier avec un proche qui est mort trop tôt ou bien nous n’avons pas pu nous expliquer sur une réalité importante de notre vie. Ne pensons pas que c’est trop tard, que plus rien n’est possible. Dans la communion que tisse le Seigneur entre nous, notre parole de réconciliation ou de vérité les rejoint et leur donne la paix. Dieu a voulu qu’une part de leur bonheur au ciel passe par nous. Le pardon, l’amour miséricordieux de Dieu purifient et libèrent l’un et l’autre. Le don de Dieu est de vivre les uns pour les autres dans l’amour.

Nos défunts nous ont quittés. Pourtant, progressivement, par la découverte de cette communion des saints célébrée hier, nous percevons que l’essentiel est de découvrir que ceux qui sont partis sont présents. C’est Gabriel Marcel, philosophe chrétien, qui dit que « ce qui fait la présence, c’est la communion ». En cette commémoration de tous les fidèles défunts, nous expérimentons dans la foi et l’espérance cette communion dans l’amour. C’est dans l’amour que l’autre nous est présent. C’est aussi dans l’amour de Dieu que celui qui nous a quittés nous accompagne et veille sur nous. Dieu est source d’amour et de vie pour tous.

Saint Augustin priait tous les jours pour sa mère, sainte Monique. Il le fit à sa demande. Pour Dieu tout est présent et chacun a besoin de l’autre pour avancer jusqu’au bout du parcours, pour arriver enfin à vivre saint et sans péché en la présence de Dieu. Prions donc pour nos défunts. Ils prient pour nous. Frères et sœurs répartis d’un côté ou de l’autre du « voile », nous communions tous au même mystère, celui de la mort et de la résurrection du Seigneur. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ! » (Jn 6,54).