B 02 JEAN 01, 35-42 (12) 

Frères et sœurs, l’écoute offre au petit Samuel, dont nous avons entendu parler dans la première lecture (1Sm 3,3-19), d’entrer en contact avec la Parole de Dieu. La Parole du Seigneur n’avait pas encore été révélée à Samuel, prétend le texte. La remarque est étrange. L’enfant passe pourtant sa vie au Temple et connaît forcément les Écritures proclamées à longueur de temps. Cependant l’auteur insiste : « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur » (1Sm 3,7). Il veut sans doute dire qu’il ne l’a pas encore rencontré, qu’il n’a pas encore noué de relation personnelle avec lui.

Le plus curieux dans l’histoire de Samuel ce n’est pas tant que le Seigneur appelle Samuel, mais c’est que celui-ci l’entende. La sensibilité du jeune garçon et son attention au monde lui permettent d’entendre ce qui passerait totalement inaperçu aux yeux des autres. Non seulement Samuel perçoit mais il se fait confiance. S’il ne comprend pas ce qui se passe, s’il ne sait pas ce qui lui arrive, il ne doute ni de lui, ni de la réalité qui s’impose à lui. Il prend au sérieux une expérience dont il ne sait pas encore la rareté. Son écoute n’est pas superficielle, il ne prend pas ce qu’il entend comme une illusion. Samuel laisse la Parole faire son chemin en lui, descendre dans sa vie et la transformer. Ce consentement lui permet d’incarner la Parole du Seigneur dans sa vie. L’écoute demandée à Israël ne vise que cela : l’incorporation dans chaque membre du peuple hébreu de la Parole de Dieu.

Aujourd’hui encore, « la lampe n’est toujours pas éteinte » (1Sm 3,3). À travers les événements de la vie, à travers la Création, dans la rencontre et les dialogues, à travers le texte biblique, Dieu continue à diffuser son Verbe, créateur de vie. Comme pour Samuel, il est possible de l’entendre murmurer un appel qui nous concerne et nous rejoint. Il est possible que cette Parole que nous sommes seuls à percevoir dans tel ou tel événement de la vie nous désoriente. La communauté est là, tout comme Éli était là, pour soutenir la confiance et donner du sens au Verbe qui nous rejoint. L’objectif est clair. La Parole est appelée à descendre et à habiter nos existences. Elle n’est ni un trophée ni un pouvoir. Elle est ce qui permet à chacun de nous de pouvoir être à la hauteur du royaume de Dieu dans la vie qui est la nôtre. Jésus ne dira pas autre chose dans la parabole du semeur (Mt 13,1-23 ; Mc 4,1-20 ; Lc 8,4-15). Samuel est l’exemple même d’une terre fructueuse et riche, d’une terre à l’écoute.

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1Sm 3,9). C’est la prière que le jeune Samuel a apprise de la part du prêtre Éli. C’est un appel à la disponibilité à l’égard de Dieu qui a toujours des choses importantes à nous dire. Samuel a été appelé par son nom. Il en a été de même pour nous au jour de notre baptême. Le prêtre s’adresse à celui qui va être baptisé et lui dit : « Frère ou Sœur, au nom de la communauté chrétienne, je t’accueille avec une grande joie ». Le Seigneur ne parle pas à une troupe anonyme mais à des personnes bien précises. Chacun est unique à ses yeux. Chacun fait l’objet d’un unique amour.

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1Sm 3,9). Voilà une prière que nous devrions dire le plus souvent possible. Quand nous entrons dans une église, quand nous ouvrons le livre de la Parole de Dieu, le Seigneur est là. C’est lui qui nous accueille. Il a un message de la plus haute importance à nous transmettre. Nous commençons notre prière en nous mettant à l’écoute du Seigneur. C’est un temps de silence et de recueillement car le Seigneur ne parle pas dans le bruit. Trop souvent, on pense que la prière c’est beaucoup de paroles. On oublie alors que c’est aussi un temps d’écoute.

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1Sm 3,9). C’est la prière qu’un adulte a enseignée à un enfant. C’est vrai également pour nous aujourd’hui. Quand nous accueillons des enfants pour le catéchisme, nous essayons de les orienter vers cette attitude d’écoute du Seigneur. C’est aussi la démarche des parents, des grands-parents et de toute la communauté chrétienne. Notre mission à tous, c’est d’apprendre aux enfants à accueillir la Parole de Dieu. Ils ont besoin du témoignage de notre foi et de notre prière. C’est vrai qu’ils sont souvent un peu excités. Le tourbillon de la vie et le bruit ne favorisent pas toujours cette écoute. Nous en sommes tous là. Nous avons tous besoin de retrouver des lieux qui favorisent le recueillement. Dieu ne parle pas dans le bruit. Pour entendre sa Parole, il faut d’abord faire silence et écouter.

C’est aussi ce message que nous laisse saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens (1Co 6,13-20). Il dénonce les abus et les scandales qui existent dans cette communauté : les divisions entre fidèles, les atteintes à la chasteté chrétienne, les recours aux tribunaux païens. Pour celui qui a entendu l’appel du Seigneur et qui l’a accueilli dans sa vie, ce n’est pas acceptable. Notre rencontre avec lui doit être le point de départ d’une vie entièrement renouvelée. Nous devons nous laisser guider par l’Esprit Saint. Nous chrétiens, nous sommes soumis à toutes sortes de tentations. Mais le Seigneur ne cesse de nous appeler. En ce dimanche, nous sommes invités à entendre sa Parole et à la mettre en pratique dans notre vie de tous les jours.

Dans l’évangile, la voix entendue n’est plus une voix sans visage. La personne qui parle c’est Jésus. Jean Baptiste le désigne comme « l’Agneau de Dieu ». Deux disciples se mettent à suivre Jésus. Quand il les voit, il leur dit : « Que cherchez-vous ? ». Cette question, il continue à nous la poser : Que cherchez-vous, vous qui êtes venus dans cette église ? Que cherchez-vous tout au long de vos journées et de vos semaines ? Il est important que nous entendions tous cette question. Ils sont nombreux ceux et celles qui ne savent pas bien où ils en sont. Mais le Seigneur s’arrange toujours pour mettre sur leur route les personnes qu’il faut pour les aider à le rencontrer.

Dans l’évangile de ce jour, les deux disciples répondent à la question de Jésus par une autre question : « Maître, où demeures-tu ? » Ce verbe demeurer signifie « habiter quelque part et y rester ». Jésus leur répond : « Venez, et vous verrez ! » C’est ainsi qu’ils se sont mis à le suivre. L’évangile ne nous donne pas de détail. Il nous dit simplement : « Ils l’accompagnèrent et ils restèrent avec lui ce jour-là ». Pour eux, Jésus est un inconnu. La meilleure manière de le connaître c’est d’aller chez lui, de le rencontrer dans sa maison et de rester avec lui dans son quotidien.

Mais quand nous lisons l’évangile de saint Jean, il nous faut aller plus loin. Il voudrait éveiller en nous le désir de savoir où demeure Jésus. Toute vie chrétienne suppose ce désir continuel de demeurer près de lui. Plus tard, ils apprendront de lui qu’il demeure auprès du Père et que le Père demeure en lui. Il existe entre Jésus et son Père une union vitale, un vivre ensemble réciproque. Par la suite, il invitera ses disciples à demeurer en lui. Dans son discours sur le Pain de Vie, il dira : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jn 6,56). C’est pour cette raison que l’Eucharistie est si importante. Nous demeurons dans le Christ et lui demeure en nous pour nous faire vivre de sa vie et de son amour.

En venant à l’église, nous avons répondu à l’invitation du Seigneur ; il nous appelle en cette Eucharistie à devenir ses disciples. Qu’il nous fasse grandir dans la fidélité à sa Parole ; avec lui, nous serons porteurs de sa bonne nouvelle maintenant et toujours. Amen