A ASSOMPTION LUC 01, 39-56 (8)

Chimay : 15.08.2023

Frères et sœurs, en ce 15 août, nous célébrons la fête de l’Assomption de la Vierge Marie, son entrée définitive dans la gloire de Dieu. C’est une fête exceptionnelle à laquelle tous les chrétiens sont convoqués. Tous les ans, de nombreux pèlerins ont l’habitude de se rassembler à Lourdes, La Salette, Fatima, Banneux, Beauraing et en divers autres lieux de pèlerinage. Beaucoup ne peuvent s’y rendre pour différentes raisons ; mais rien ne nous empêche de nous tourner vers la Vierge Marie pour implorer sa protection.

Dans le Nouveau Testament, on parle très peu de Marie, mais ce qu’on nous en dit est de la plus haute importance. L’Évangile de ce jour nous rapporte le récit de la Visitation et la prière du Magnificat. Marie se rend chez sa cousine Élisabeth devenue enceinte du futur Jean Baptiste ; elle y va pour lui apporter ses services mais aussi pour communier avec elle au merveilleux bonheur de la vie. Elle rend grâce car, dans le cœur de Dieu, les petits, les humbles, les exclus ont la première place. Marie se reconnaît proche d’eux. Elle le montre par sa prière mais aussi par son engagement. C’est cet amour qui l’a poussée à faire ce long déplacement chez sa cousine Élisabeth : 144 km à pied.

Quand la joie est grande, elle n’attend pas pour être communiquée. À l’image des deux cousines portant la vie et ravies de partager ce trésor, Dieu vient nous visiter et nous faire part de son projet pour l’humanité. Il vient instaurer des valeurs nouvelles qui bousculent les habitudes sociales et révèlent la vraie justice. « Dieu renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles » (Lc 1,52). Le chant de Marie s’inspire du cantique d’Anne après la naissance de Samuel (1 Sm 2,1-10). Ce projet était déjà inscrit dans la première alliance. Cette fois, c’est pour tout de suite.

La Vierge Marie n’a pas changé : si nous l’appelons, elle accourt vers nous. Nous pouvons compter sur elle car elle est notre mère. C’est Jésus qui l’a voulu quand il était sur la croix. S’adressant à Jean, il lui dit : « Voici ta mère » ; et à Marie : « Voici ton fils » (Jn 19,26-27). À travers lui, c’est toute l’humanité que Jésus confiait à sa mère. Alors, comme Jean, n’hésitons pas à prendre Marie chez nous et à lui donner la place d’honneur. Nous pouvons toujours compter sur elle.

C’est en pensant à cela que nous lisons le récit de l’Apocalypse (Ap 11,19.12,1-10). Pour ceux qui n’ont pas l’habitude, ce texte est un peu déroutant. Pour le comprendre, il faut savoir qu’il est écrit pour des chrétiens persécutés. Pour des raisons de sécurité, l’auteur utilise un langage codé que seuls les initiés peuvent comprendre. Toutes ces visions sont là pour annoncer la victoire du Christ sur les forces du mal. La femme qui engendre le Messie, c’est le peuple de Dieu. Ce Messie est affronté au dragon qui représente Satan mais aussi l’empire romain totalitaire et persécuteur. Mais contre ce Messie, il ne peut rien.

La tradition chrétienne a vu dans la mère de ce Messie la Vierge Marie, mère de Jésus ; nous pouvons toujours compter sur elle dans notre combat contre les forces du mal. Comme nous le dit un très beau chant, elle est « la première en chemin »[1]. Elle ne cesse de nous renvoyer au Christ vainqueur de la mort et du péché. Comme aux noces de Cana, elle continue de nous redire : « Faites tout ce qu’il vous dira… » (Jn 2,5). Au cœur du combat des hommes contre le mal, une femme s’est dressée, dont l’enfant, le Christ Jésus, sortira vainqueur. Désormais, la Mère et son Fils sont unis dans la victoire.

Le texte de l’épître aux Corinthiens ne parle pas directement de Marie. Saint Paul nous rappelle que Jésus est ressuscité d’entre les morts. Il est le premier d’une longue lignée à rejoindre le Père dans sa gloire. Par-delà la mort, il nous ouvre le chemin. Ce sera un très beau cortège et Marie y occupera une place de choix. Elle est la première à bénéficier en son âme et en en son corps de la résurrection de Jésus, « premier né d’entre les morts » (Col 1,18). Avec elle et avec tous les saints du ciel, nous sommes tous appelés à la gloire de la résurrection. Notre Dieu est le Dieu des vivants : il veut que nous ayons la vie en abondance (Jn 10,10). Cette fête du 15 août est une fête de la vie.

L’Assomption de Marie nous montre donc le but de notre pèlerinage terrestre. Le chemin pour y parvenir, c’est Jésus lui-même qui nous l’indique. Marie n’a pas suivi d’autre chemin. Elle a été l’humble servante du Seigneur. Elle est celle qui n’a eu d’autre souci « que tout se passe selon la Parole de Dieu » (Lc 1,38). Cette fête de l’Assomption vient raviver notre lien profond avec le Christ. Ce que Dieu a réalisé pour elle nous est offert à tous, gratuitement et sans mérite de notre part. Ce bonheur qui est le sien, nous y sommes tous appelés. Notre vie terrestre nous prépare à ce monde nouveau que Jésus appelle le Royaume de Dieu. Il importe que nous entendions bien l’appel du Christ et que nous nous mettions en route sans attendre.

Marie n’est pas séparée de notre humanité, ce qu’elle vit est l’icône de notre propre vocation. Nous sommes appelés à porter la Parole et lui donner chair en ce monde, à recevoir le Corps du Christ et à en vivre ensemble, à être une arche de son alliance pour toutes les générations, à ouvrir la porte de résurrection dans les lieux de toute mort. La préface de ce jour dit : « Elle est le commencement et l’image de ce que deviendra ton Église en sa plénitude, elle est signe d’espérance et source de réconfort pour ton peuple encore en chemin ». Loin de toute mariolâtrie, c’est bien le mystère de notre origine commune, comme de notre destinée qui sont mis en lumière par la fête de l’Assomption ; Marie, « modèle de l’Église »[2], nous assure que la vie éternelle, c’est dès aujourd’hui l’éternité dans notre vie.

Nous vivons en Église à côté de la Mère de Dieu, dans le fleuve invisible de sa grâce que souvent nous n’apercevons pas. Ce fleuve ne s’épuise jamais depuis la prophétie : « Désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1,48). En effet, chaque génération redécouvre à nouveau Marie et la dit « bienheureuse » à sa propre manière.

 

[1] La première en chemin, Marie - V565. Auteur : Sœur Marie-Colette Guédon. Compositeur : Georges Lefebvre. Editeur : Studio SM.

[2] Concile Vatican II, Constitution sur l’Église, 63.