A ÉPIPHANIE MATTHIEU 02,01-12 (14)

Chimay : 08.01.2023

Frères et sœurs, nous avons entendu les paroles d’Isaïe adressées à la ville sainte de Jérusalem. Elles nous appellent à nous lever, à sortir de nos fermetures, à sortir de nous-mêmes et à reconnaître la splendeur de la lumière qui illumine notre existence : « Debout, Jérusalem, resplendis ! Car elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60,1). Cette lumière, cette gloire du Seigneur, c’est celle qu’ont vue les mages en un enfant couché dans une mangeoire.

Par voie de conséquence l’Église ne doit pas croire qu’elle brille de sa propre lumière. Le rayonnement de l’Église, comme celui de Jérusalem autrefois, ne tient pas à elle-même, mais à la présence lumineuse du Seigneur. Saint Ambroise nous le rappelle à sa manière : Il nous dit que si la lune brille, c’est parce qu’elle reçoit la lumière du soleil ; de même, l’Église ne brille pas par sa propre lumière mais par celle du Christ. Il est la vraie lumière qui éclaire toute notre vie dans la mesure où nous nous laissons éclairer par lui.

C’est cette lumière qui a complètement bouleversé la vie de Paul sur le chemin de Damas. Il a compris que « toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile » (Ep 3,6). C’est cette lumière qu’il faut transmettre à toutes les nations. Paul était imprégné de la présence et de l’amour du Christ ; il en a témoigné dans ses lettres, ses discours et ses voyages. Un jour, il a même pu dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). 

La prophétie d’Isaïe nous parlait d’une grande procession vers la Lumière. Les mages venus d’Orient sont les premiers de cette procession qui ne s’interrompt plus. À toutes les époques, des hommes, des femmes et des enfants ont suivi l’étoile ; ils ont trouvé l’enfant qui indique la tendresse de Dieu. Les mages représentent des hommes et des femmes de toutes les religions du monde entier qui accueilleront la Bonne Nouvelle proclamée par Jésus de Nazareth. Les uns et les autres sont en recherche. La marche laborieuse des mages à la lumière de l’étoile évoque celle de la foi à la recherche du Christ. Mais quelle joie lorsqu’il se montre à eux, tout comme à nous, quand ça nous arrive.

Ces mages nous indiquent la route sur laquelle nous sommes tous invités à marcher. Car la manifestation de Dieu ne s’opère pas dans les prodiges ou les phénomènes extraordinaires, mais dans l’humilité et la simplicité. Les mages ont longtemps cherché la lumière véritable. Après avoir vu le signe de l’étoile, ils se sont mis en marche, ils ont fait un long voyage. La vie est un voyage. C’est l’Esprit Saint qui les a appelés et qui les a poussés à se mettre en chemin. Et c’est sur ce chemin qu’a lieu la rencontre avec le vrai Dieu.

Sur leur route, les mages ont dû faire face à de nombreuses difficultés. Arrivés à Jérusalem, ils se rendent au palais du roi Hérode. Pour eux, il était évident que le nouveau roi devait naître dans un palais royal. Or c’est là qu’ils ont perdu de vue l’étoile. Ce qu’ils ont vu, c’est un roi orgueilleux, avide de pouvoir qui ne pense qu’à éliminer tous ceux qu’il considère comme des rivaux. Dans ce palais, les mages ont traversé un moment d’obscurité et de désolation. Dans un tel milieu, l’étoile ne peut pas briller. Il leur a fallu l’éclairage des prophètes ou de la Parole de Dieu pour se remettre en route vers la Lumière.

Arrivés à Bethléem, ils trouvent « l’enfant avec Marie sa mère » (Mt 2,11). Ils auraient pu sombrer dans la tentation de refuser la petitesse de ce roi. Or c’est le contraire qui arrive : tombant à ses pieds, ils se prosternent devant lui. C’est l’Esprit Saint qui les a fait entrer dans ce grand mystère. Guidés par l’Esprit Saint, ils arrivent à reconnaître que Dieu ne se manifeste pas par la puissance de ce monde. Il vient à nous dans l’humilité de son amour. Cette bonne nouvelle nous rejoint dans notre monde : nous voyons autour de nous des guerres, des injustices, des tortures, des trafics d’armes, des pauvres… Ce sont les petits et les faibles qui sont les premières victimes. Si nous cherchons Jésus, c’est vers eux qu’il nous faut nous tourner. La crèche nous présente un chemin différent de celui dont rêve la mentalité mondaine et compétitive : c’est le chemin de l’abaissement de Dieu.

Les mages sont entrés dans ce mystère. Ils sont passés des calculs humains à l’humilité de la crèche. Nous pouvons demander au Seigneur qu’il nous guide sur ce chemin de conversion, qu’il nous libère des tentations qui nous cachent l’étoile. Il peut arriver qu’au milieu des tromperies mondaines, nous la perdions de vue. Mais comme les mages, n’hésitons pas à poser la question : « Où est l’étoile ? » En la cherchant et en la suivant, nous trouverons le « nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2,12).

La ville de Bethléem, aujourd’hui, est le lieu le plus improbable pour la naissance du Sauveur. Entourée d’un immense mur, cette ville de Judée est le lieu inattendu par excellence pour accueillir le libérateur et pourtant, c’est bien là que Jésus est né. À son époque, il en allait différemment : tout le monde savait que Bethléem accueillerait le Messie, car elle était la ville de la naissance du roi David : son descendant devait naître là. Hérode et tous les scribes, les spécialistes de la religion, savaient que de Bethléem sortirait un berger, mais le seul problème était de savoir quand.

À l’inverse, les mages ont su lire les astres, les signes des temps : ils savaient quand le roi du monde devait naître, mais ils ignoraient où. Bien souvent, nous sommes un peu comme Hérode. Nous connaissons la Bible et nous savons où attendre Dieu : dans les sacrements, le devoir d’état, le prochain, le pauvre, la lecture de la Bible. Pour autant, nous ne le voyons pas toujours et nous risquons de rater le moment favorable, car nous ne sommes pas assez attentifs aux signes des temps, au passage de Dieu dans notre vie.

Les chrétiens, tout de suite, ont cru à l’existence d’une nouvelle Jérusalem, celle que Jésus lui-même avait annoncée. Mais où est donc cette Jérusalem nouvelle ? Matthieu, dans son évangile, nous apprend que la ville de Jérusalem est ailleurs : elle n’est plus entre les mains des rois, des scribes et des prêtres, elle est confiée à un nouveau-né et à sa mère. C’est un incroyable renversement, une incroyable nouveauté. Jérusalem, désormais, est partout où Jésus naît, meurt et ressuscite. La Jérusalem nouvelle, désormais, n’est plus réservée à quelques-uns, mais ouverte à l’universel.

J’ai eu la joie de rencontrer un jeune homme en recherche de Dieu : il ne savait presque rien de la théologie, était loin de la vie de l’Église mais il a vu, à Lourdes, dans le geste de tendresse d’un hospitalier pour un malade, un signe donné par Dieu et a éprouvé le besoin d’être guidé et de comprendre. Que nous manque-t-il pour que nous sachions reconnaître où et quand le Seigneur se donne à voir ? Ouvrons nos yeux et notre cœur pour le reconnaître et la lumière de son étoile, pour sûr, éclairera nos routes.

Marie, notre Mère est toujours là pour nous montrer Celui qui est la Lumière du monde. Comme aux noces de Cana, elle nous redit : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).