C CHRIST-ROI LUC 23, 35-43 (10)

Chimay : 19.11.2022

Frères et sœurs, les paroles que Jésus prononce pendant sa Passion atteignent leur sommet dans le pardon. Jésus pardonne à tout le monde : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Ce ne sont pas seulement des paroles, car elles deviennent un acte concret dans le pardon offert au « bon larron » qui était lui aussi sur la croix, à côté de Jésus. Il meurt à côté de Jésus, de la même mort que Jésus, à la même heure que Jésus, grâce à ses péchés. Saint Luc parle de deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus qui s’adressent à lui, mais avec des comportements opposés.

Le premier insulte Jésus, comme l’insultaient tous les gens, comme font les chefs du peuple, les grands prêtres et les scribes, mais ce pauvre homme, poussé par le désespoir, crie : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous aussi ! » (Lc 23,39). Ce cri témoigne de l’angoisse de l’homme devant le mystère de la mort et la tragique conscience que seul Dieu, s’il existe, peut être la réponse libératrice : c’est pourquoi, à son avis, il est impensable que le Messie, l’envoyé de Dieu, puisse rester sur la croix sans rien faire pour se sauver. Les témoins de la mort infâme de Jésus ne comprenaient pas cela. Ils ne comprenaient pas le mystère du sacrifice de Jésus. Croyez-vous que Jésus nous a sauvés en mourant sur la croix ? Nous savons tous qu’il n’est pas facile de « rester sur la croix », sur nos petites croix de tous les jours. Lui, sur cette grande croix, dans cette grande souffrance, est resté ainsi et là, il nous a sauvés : là, il nous a montré sa toute-puissance et il nous a pardonné. Là s’accomplit son don d’amour qui jaillit toujours pour notre salut. En mourant sur la croix, innocent, entre deux criminels, Jésus atteste que le salut de Dieu peut rejoindre n’importe quel homme, dans n’importe quelle condition, même la plus négative et la plus douloureuse. Le salut de Dieu est pour tous, sans exclure personne, même les condamnés à mort pour meurtre. Dieu fait grâce et miséricorde pour tous, bons ou méchants.

Souvenez-vous de cette parabole que raconte Jésus sur le repas de noces du fils d’un roi : quand les premiers invités n’ont pas voulu venir, il dit à ses serviteurs : « Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mt 22,9). Nous sommes tous appelés, bons et mauvais. L’Église n’est pas seulement pour les bons ou pour ceux qui semblent bons ou qui se croient bons ; l’Église est pour tous, et même de préférence pour les méchants, parce que l’Église est le lieu de la miséricorde de Dieu. Et ce temps de grâce et de miséricorde, ce temps de l’Eglise, nous fait nous rappeler que « rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ ! » (Rm 8,39).

A celui qui est cloué sur un lit d’hôpital, à celui qui vit enfermé dans une prison, à ceux qui sont piégés par les guerres, l’Évangile dit : regardez le Crucifix, Dieu est avec vous, il reste avec vous sur la croix et il s’offre à tous comme Sauveur, à nous tous. A vous qui souffrez tant, il dit : Jésus est crucifié pour vous. Laissez la force de l’Évangile pénétrer dans votre cœur et vous consoler, vous donner l’espérance et la certitude intime que personne n’est exclu de son pardon. Mais vous pouvez me demander : « Dites-moi, mon Père, celui qui a fait les choses les plus terribles dans sa vie, a-t-il la possibilité d’être pardonné ? – Oui ! Personne n’est exclu du pardon de Dieu. On doit seulement s’approcher, repenti, de Jésus, et avec l’envie d’être embrassé par lui ».

C’est ce que n’a pas compris le premier malfaiteur.

L’autre est le fameux « bon larron ». Ses paroles sont un merveilleux modèle de repentir, une catéchèse concentrée pour apprendre à demander pardon à Jésus. D’abord, il s’adresse à son compagnon : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! » (Lc 23,40). Il met ainsi en avant le point de départ du repentir : la crainte de Dieu. Pas la peur de Dieu, non ; la crainte filiale de Dieu. Ce n’est pas la peur, mais ce respect que l’on doit à Dieu parce qu’il est Dieu. C’est un respect filial parce qu’il est Père. Le bon larron rappelle l’attitude fondamentale qui ouvre à la confiance en Dieu : la conscience de sa toute-puissance et de son infinie bonté. C’est ce respect confiant qui aide à faire de l’espace à Dieu et à se confier à sa miséricorde.

Puis le bon larron déclare l’innocence de Jésus et confesse ouvertement sa faute : « Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal » (Lc 23,41). Jésus est donc là, sur la croix, pour être avec nous les coupables : à travers cette proximité, il nous offre le salut. Ce qui est un scandale pour les chefs et pour le premier larron, pour ceux qui étaient là et qui se moquaient de Jésus, cela, au contraire, est le fondement de la foi. Et ainsi le bon larron devient le témoin de la grâce ; l’impensable se produit : Dieu m’a aimé au point qu’il est mort sur la croix pour moi. La foi de cet homme est le fruit de la grâce du Christ : ses yeux contemplent dans le Crucifié l’amour de Dieu pour lui, pauvre pécheur. C’est vrai, il était voleur, c’était un bon voleur, il avait volé toute sa vie. Mais à la fin, repenti de ce qu’il avait fait mais toujours voleur, regardant Jésus si bon et si miséricordieux, il a réussi à voler le ciel : quel bon voleur que celui-là !

Enfin, le bon larron s’adresse directement à Jésus, invoquant son aide : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume » (Lc 23,42). Il l’appelle par son nom, « Jésus », avec confiance, et il confesse ainsi ce que ce nom signifie : « le Seigneur sauve ». Cet homme demande à Jésus de se souvenir de lui. C’est le besoin de l’être humain de ne pas être abandonné, que Dieu lui soit toujours proche. De cette manière un condamné à mort devient le modèle du chrétien qui se confie en Jésus. Un condamné à mort est un modèle pour nous, un modèle pour l’homme, pour le chrétien qui se confie en Jésus ; et aussi un modèle pour l’Église qui, dans la liturgie, invoque si souvent le Seigneur en disant : « Souviens-toi… Souviens-toi de ton amour… ».

Alors que le bon larron parle au futur « quand tu viendras dans ton royaume », la réponse de Jésus ne se fait pas attendre : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras au Paradis » (v.43). A l’heure de la croix, le salut du Christ atteint son sommet ; sa promesse faite au bon larron révèle l’accomplissement de sa mission, à savoir, sauver les pécheurs. Au commencement de son ministère, dans la synagogue de Nazareth, Jésus avait proclamé « la libération aux prisonniers » (Lc 4,18) ; à Jéricho, dans la maison du publicain Zachée, il avait déclaré que « le Fils de l’homme – c’est-à-dire lui – est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,9). Sur la croix, l’acte ultime confirme la réalisation de ce dessein de salut. Du commencement à la fin de sa vie terrestre, Jésus s’est révélé miséricorde, il s’est révélé l’incarnation définitive et unique de l’amour du Père. Jésus est vraiment le visage de la miséricorde du Père. Et le bon larron l’a appelé par son nom, « Jésus – le Seigneur sauve ». C’est une brève invocation et nous pouvons tous la faire très souvent pendant la journée : « Jésus, Jésus ! ». Appelez-le ainsi, simplement, tous les jours de votre vie.