C AVENT 03 LUC 03,10-18 (13)

Chimay : 12.12.2021

 

Frères et sœurs, « soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie » (Ph 4,4). C’est un commandement que nous recevons aujourd’hui, le commandement de la joie. Ce commandement revient dans chacune des lectures de ce jour : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations… Réjouis-toi de tout ton cœur… Bondis de joie… » (So 3,14), proclame le prophète Sophonie.  La raison de cette joie, c’est la présence du Seigneur. « Jubile, crie de joie, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël » (Is 12,6). Avec lui, c’est la bonne nouvelle qui s’accomplit, c’est la disparition du malheur, la disparition des accusateurs, la disparition des ennemis. Désormais, Dieu accompagne son peuple, non seulement en étant avec lui mais en lui. La joie de Dieu sera celle même de son peuple. C’est son amour qui apporte le Salut (So 3,18). Car l’amour a toujours le dernier mot sur la terre.

Ce commandement de la joie pour saint Paul (Ph 4,4-7) est accueil du salut et de la joie du Sauveur. Malgré les épreuves qui l’accablent – Paul écrit cette lettre depuis sa prison – l’apôtre Paul découvre une sérénité qu’il désire faire partager à ses correspondants. Alors qu’on attendrait de sa part un peu d’inquiétude ou d’angoisse, Paul rayonne de joie et invite ses correspondants à la partager. Les disciples de Jésus ne sont inquiets de rien. La joie chrétienne a sa source dans la certitude que le Christ est proche. Bien sûr, il n’est pas question d’insouciance ou de naïveté ; les épreuves sont bien là. Mais rien ne peut nous séparer de l’amour qui est en Dieu (Rm 8,35). Nous pouvons toujours lui confier nos demandes, nos supplications. « Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus » (Ph 4,7).

Le Seigneur peut nous apporter la paix et la joie. Nous sommes tous invités à accueillir ce message d’espérance avec un cœur plein de foi. Cela ne sera possible que si nous sommes ouverts à cette joie que Dieu veut nous donner. Dieu vient vers nous. La joie de Dieu est bien plus qu’une sensation de plaisir ou même qu’un sentiment de bonheur. Car la joie habite les profondeurs de notre être, elle peut rester présente même aux heures sombres de notre vie. Cette joie de Dieu est en nous, mais il peut arriver qu’au cours de notre vie nous ayons cherché à l’éteindre. Une telle joie est un don, une grâce, offerts sans cesse à qui veut bien l’accueillir : « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous » (Jn 15,11) nous dit le Christ.

Dans l’Évangile de ce jour, nous entendons Jean Baptiste qui annonce au peuple la Bonne Nouvelle. À travers ses exhortations, il nous montre le chemin de la véritable joie. Il répond à la question des uns et des autres : « Que devons-nous faire ? » (Lc 3,10). Car les belles intentions et les belles paroles, ça ne suffit pas. Il y a ceux qui en l’entendant changent de vie et ceux qui se contentent de bonnes intentions. Ce qui est premier c’est de faire, c’est d’agir selon les convictions de la foi, c’est de prendre le risque de ses convictions. Pour cela notre foi doit se nourrir chaque jour de l’Évangile et de la prière.

Alors, « que devons-nous faire ? » Voilà une question de la plus haute importance que les gens posent à Jean Baptiste au bord du Jourdain. Cette question, nous la retrouvons à plusieurs endroits dans le Nouveau Testament : Un jour, Jésus a dit : « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux mais ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt 7,21).  Après la Pentecôte, les foules poseront la même question à Pierre : « Que devons-nous faire ? » (Ac 2,37). C’est une manière de rappeler que la foi doit être agissante. C’est ainsi que nous pourrons accueillir le Salut de Dieu. Cet amour qui est en Dieu deviendra pour nous source jaillissante de paix, de joie et de louange.

Comme les foules d’autrefois, nous pouvons, nous aussi, nous poser la même question : que devons-nous faire ? Jean Baptiste ne nous demande pas des choses extraordinaires. La vraie conversion commence par le partage, l’accomplissement consciencieux de notre devoir d’état, le respect des autres, en particulier des plus pauvres. A l’approche de Noël, nous voyons des vitrines qui scintillent de mille feux. Mais des milliers de chômeurs n’y ont pas accès et ne peuvent manger à leur faim ; en tout cas, ils ne peuvent pas se permettre tout ce que la société de consommation leur offre. Aujourd’hui, Jean Baptiste nous rappelle que la seule réponse valable c’est le partage. Nous ne pourrons être dans la joie du Christ qu’en la donnant aux autres, en particulier à ceux et celles qui sont éprouvés par la précarité, la maladie, la solitude. C’est ainsi que nous préparerons le chemin du Seigneur dans notre vie, notre communauté, et notre monde.

Benoît xvi insiste, en son encyclique Spe salvi, sur le caractère performatif et pas seulement informatif de l’espérance chrétienne. La parole nous transforme de l’intérieur. Nous sommes sauvés en Celui qui vient. D’où la force bouleversante de l’évangile de ce dimanche.

Le peuple est en attente. La réponse de Jean se nomme Jésus. C’est aussi simple et aussi grand que cela. « Que devons-nous faire ? » est l’interrogation des foules. Convertir toute pensée et toute action à la Bonne Nouvelle de Jésus est l’exhortation de Jean. Le Précurseur n’a de cesse de montrer le Messie, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Tout en lui est énergie d’amour et de prophétisme. Lui baptise avec de l’eau. Vient Celui qui est plus puissant que lui.

On remarquera que les consignes données par Jean ne se font surtout pas chercheuses de sensationnalisme. Tu collectes l’impôt ? Sois juste. Tu es soldat ? Ne fais de tort à personne. En quelque état de vie que tu sois, change ton cœur. Crois à la Bonne Nouvelle. Ainsi est la force de Jean. Le retournement qu’il veut opérer en nous n’est pas de fuir notre réel, mais d’y convertir le plus profond de nous. La véritable ascèse chrétienne ne se pratique donc pas hors sol. Elle est saisissement du meilleur de nous pour que se fraie en nous le don du Seigneur. « Elle se fait dans la joie de l’amour » précisait le père Yves de Montcheuil.

La finalité de la vie chrétienne n’est pas de flatter sa conscience par de bonnes œuvres, même si elles sont le terreau de l’amour, mais d’aller toujours plus loin, toujours plus profond dans la relation personnelle avec Jésus. Non pour fuir les menaces de ce monde et s’enfermer dans une bulle, mais pour reconnaître ses limites et épreuves, dans la sérénité et dans la joie d’une relation personnelle avec le Christ et avec ses frères.

Dans quelques jours, nous fêterons la naissance du Christ sauveur. Le même Christ continue à vouloir venir en nous. Il frappe à notre porte et il attend notre réponse. Il compte sur nous pour que, à la suite de Jean Baptiste, nous soyons ses précurseurs dans ce monde où la violence ne cesse de gangrener les relations sociales et familiales. Préparer le chemin du Seigneur c’est donner un témoignage de paix, de dialogue, d’écoute, de patience et de réconciliation. Cela suppose une véritable conversion de nous-mêmes, un ajustement à ce Dieu qui est Amour.

Par l’Eucharistie, le Seigneur nous donne la nourriture qu’il nous faut pour cette mission. Nous venons nous nourrir et nous imprégner de cet amour et de cette joie qu’il veut nous communiquer. Puis, à la fin de la messe, nous sommes envoyés pour aimer tous nos frères dans le quotidien et le concret de leur vie. Dans ce monde qui meurt de froid, parce que sans foi, nous avons sans cesse à répandre le feu de l’amour qui est en Dieu. Que le Seigneur nous garde fidèles à cette mission.