B 30 MARC 10,46b-52 (12)

Chimay : 24.10.2021

« Poussez des cris de joie… Faites retentir vos louanges et criez tous… » (Jr 31,7). Frères et sœurs, voilà de belles paroles qui sont porteuses de joie. Et pourtant, le prophète Jérémie se trouve devant des gens qui ont tout perdu quand il prononce ces paroles. Le vainqueur de Babylone les a emmenés en déportation sur une terre étrangère. Pour eux, c’est un grand malheur. Or c’est à ce moment-là que le prophète s’adresse à eux pour raviver leur espérance. Il leur rappelle que Dieu n’abandonne jamais son peuple quelles que soient ses bêtises. Il invite ces exilés à tenir bon dans la foi ; un jour, Dieu les délivrera ; il les ramènera sur leur terre. Malgré les apparences, dit Dieu : « Je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père... » (Jr 31,9). Ce sera un jour de grande joie, car le retour de ce peuple sera celui d’une nation réconciliée, dont tous les membres seront pris en compte. Parmi ceux qui reviennent dans leur patrie, il y a les plus faibles. Eux aussi sont attendus, accueillis ; ils ont leur place dans la société voulue par Dieu.

 

C’est ce Dieu libérateur qui nous est révélé par Jésus Christ. La lettre aux Hébreux (5,1-6) nous annonce qu’avec lui tout est changé. Le Christ nous y est présenté comme « le grand prêtre » par excellence. Il est le médiateur entre Dieu et les hommes. Le pape Jean-Paul ii nous l’a rappelé à sa manière : « Il est celui qui a donné Dieu aux hommes et les hommes à Dieu ». Choisi parmi les hommes, connaissant nos faiblesses, Jésus est notre prêtre, notre intercesseur auprès du Père. Il nous libère de nos péchés pour nous permettre d’aller à Dieu. Appartenant au monde de Dieu et à celui des hommes, il nous met en communion avec Dieu, et Dieu avec nous.

Avec l’Évangile de Marc, c’est la promesse de Jérémie qui se réalise. Nous sommes à Jéricho. Cette ville se trouve à 250 mètres en-dessous du niveau de la mer. Elle représente le monde du péché, éloigné de Dieu. Jésus vient dans ce monde du péché pour nous en sortir. Il ne veut pas nous y laisser seuls, livrés à nous-mêmes. Et c’est la rencontre avec Bartimée, le mendiant aveugle qui est assis au bord de la route. « Confiance, lève-toi ; il t’appelle » (Mc 10,49), dit la foule à l’aveugle. Ce même encouragement s’adresse à nous que Jésus appelle.

Quand Bartimée apprend que Jésus est en train de passer, il se met à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » (Mc 10,47). Ce titre, Fils de David, est l’équivalent de Messie. Voilà qui est dangereux. Si les autorités juives apprennent une pareille chose, cela se terminera mal. Elles craignent les mouvements de foule qui pourraient inquiéter l’occupant Romain. Crier au Messie, c’est crier à la sédition. Alors on cherche à le faire taire. Mais plus on lui impose le silence, plus il fort crie. Alors Jésus s’arrête et le fait appeler.

Voilà déjà une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Il y a des jours où nous n’arrivons pas à prier. Alors, comme ce mendiant, nous pouvons crier vers le Seigneur.  C’est ce que nous lisons dans le psaume 129 : « Des profondeurs, je crie vers toi Seigneur… Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ». Ce cri silencieux est une prière que le Seigneur entend.

« C’est la foi qui sauve » : cette expression nous est parfois adressée avec dédain, réduisant notre foi à une simple crédulité, voire une superstition. Ce qui se passe à Jéricho est plus sérieux. Bartimée, aveugle, donc exclu et mendiant, est déterminé : ayant perçu la présence de Jésus, il crie pour se faire entendre de lui. Il crie son désespoir, sa solitude, la faiblesse de sa condition. « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » (Mc 10,47). Une foi saisissante : Bartimée reconnaît en Jésus le Messie, le « Fils de David ». Une foi forte et sûre : Jésus peut quelque chose pour lui. En toute humilité, Bartimée s’en remet à la Miséricorde : « Prends pitié de moi ! » Sans aucune autorisation, et bien qu’on le rabroue, il crie de plus belle et redit sa supplication. Sa prière touche le cœur de Jésus qui, tout de suite, le fait appeler. Il lui donne la parole pour exprimer ce qu’il désire. Jésus lui fait formuler ouvertement sa demande, et il le guérit aussitôt, sans le moindre geste : « Va, ta foi t’a sauvé » (Mc 10,52). « Ce n’est pas moi qui te guéris mais ta confiance en moi », semble dire Jésus. Elle est là, l’efficacité de la prière. En lui rendant la vue, Jésus lui a aussi fait voir un nouveau chemin de vie : désormais Bartimée suit Jésus, sur la voie du salut, comme un disciple.

Aujourd’hui encore, la vie de tant d’hommes, de femmes et d’enfants n’est plus qu’un cri qu’on ne veut pas entendre. Nous pensons aux malades qui n’ont plus la force de prier, aux personnes isolées dont le cœur est trop lourd, aux peuples qui ont tout perdu dans les guerres, aux victimes des cataclysmes, des inondations… Aujourd’hui comme autrefois, le Seigneur nous invite à crier avec et pour les petits. Car tous les hommes sont appelés à Jésus. Voilà un message de la plus haute importance pour nous qui fonctionnons souvent sur le mode de l’exclusion.

Cet évangile nous annonce une bonne nouvelle : L’aveugle a été guéri, oui bien sûr, mais le plus important est ailleurs ; sa confiance absolue en Jésus l’a sauvé. Il a quitté son manteau, son seul bien, sa seule protection, pour aller vers Celui qu’il appelle « Fils de David ». C’est absolument le contraire du jeune homme riche qui n’a pas eu ce courage et qui est reparti tout triste car il avait de grands biens (Mc 10,17-22). Nous pouvons demander au Seigneur de nous donner la même foi que ce mendiant aveugle ; qu’il nous donne de rejeter le manteau qui nous empêche d’aller vers lui, le manteau de notre aveuglement spirituel, de notre manque de foi, le manteau de notre repli sur nous-mêmes. Qu’il nous guérisse de nos aveuglements. Car c’est vrai, nous sommes aveugles quand nous ne voyons pas la trace de Dieu dans notre monde, ou encore quand nous ne voyons pas la souffrance qui est à notre porte.

En ce dimanche, nous sommes venus au Christ. Nous nous sommes rassemblés autour de lui. Et il nous repose la même question qu’à Bartimée : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10,51). C’est la question d’un Dieu qui veut passer dans notre vie pour nous sauver. Mais sans notre confiance, notre foi, il ne peut rien faire. Comme l’aveugle de l’évangile, nous crions : « Fais que je voie de nouveau ! Aie pitié de moi qui ne vois trop souvent que l’affreuse nuit du doute. Aie pitié de moi qui ne vois pas toujours le sens de ma vie et le pourquoi des épreuves qui m’accablent. Aie pitié de moi qui ne vois pas combien tu m’aimes ».

Le Seigneur est ici pour nous guérir de nos aveuglements, pour nous ouvrir à l’amour de Dieu le Père et à celui de tous nos frères. Laissons Bartimée nous apprendre à avoir cette confiance inébranlable en Jésus. Des gens chercheront peut-être à nous en dissuader. Les mêmes pourront nous y encourager plus tard. La confiance est un combat de tous les jours, parfois dans l’obscurité de la nuit. Mais grâce au fils de Timée, nous savons que la nuit n’a pas le dernier mot. C’est de cette espérance que nous avons à témoigner tout au long de notre vie, auprès de tous ceux et celles qui nous entourent. En ce mois de la mission, Bartimée nous conduit vers les périphéries, vers tous les exclus criant leurs peines. Il nous appelle à réveiller le salut qui nous est offert pour être, à son exemple, disciples du Sauveur. Demandons au Seigneur, Lumière du monde, qu’il nous guide sur ce chemin de conversion.