B PÂQUES 4 JEAN 10, 11-18 (13)
Scourmont : 21.04.2024
Frères et sœurs, à cause de cette page d’Évangile que nous venons d’entendre, c’est aujourd’hui la journée de prière pour les vocations. Le pape Paul vi l’a instituée en 1963 et l’a fixée au 4e dimanche de Pâques. Quand nous parlons des vocations, nous pensons bien-sûr aux prêtres, aux religieux et religieuses qui prennent de l’âge, et l’on se dit : « Les vocations ! Il n’y en aura bientôt plus ». Mais dans les textes de la Parole de Dieu de ce dimanche, les lamentations stériles n’ont pas leur place. Car le plus important du message, c’est de découvrir le Christ qui se présente à nous comme le Bon Berger, qui nous annonce l’amour du Père et qui appelle.
Ce Bon Berger est un bienfaiteur attentif, puisqu’il connaît chacune de ses brebis, et qu’elles sont toutes uniques. Qui que nous soyons, « nous avons du prix à ses yeux » (Is 43,4). Cette conviction de foi doit nous conduire à l’action de grâce. Cela signifie que chacun et chacune a une vocation qui lui soit propre dans le cœur du Père : tous les états de vie sont des vocations, non seulement la prêtrise et la vie religieuse, mais aussi le mariage, le métier des infirmiers et infirmières, des enseignants, bref l’engagement sous toutes ses formes. Nous sommes tous appelés à une vocation particulière au service de tous grâce aux dons que Dieu met en nous. C’est ensemble, en communion avec toute l’Église, que nous participons à la mission du Christ Bon Berger.
Dans un deuxième temps, le Christ nous dit que « le bon berger donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11). Il ne les abandonne pas quand vient le loup, quand vient l’épreuve ou le malheur. Jésus donne sa vie pour le salut du monde. Lui-même nous l’a dit : « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18). Et quand nous chantons « Le Seigneur est mon Berger » (Ps 22), nous proclamons que nous voulons le suivre et lui donner la première place dans notre vie.
Jésus est le Bon Berger : il nous a été envoyé pour guider et prendre soin du troupeau en son entier, mais, surtout et en particulier, de chacun et chacune de nous qui faisons partie de son Église. Aujourd’hui comme hier et jusqu’au dernier soir, Jésus est celui qui prend soin de chaque personne, de sa foi, de sa vie : le pâturage sur lequel le peuple se nourrit est celui qui permet à chacun d’avoir accès à sa Parole, aux sacrements, à sa miséricorde, au salut éternel.
La figure du Bon Berger comme soignant des brebis nous invite aussi à revoir notre manière d’être présent auprès des autres. Est-ce que nous cherchons uniquement notre bénéfice dans nos relations avec les autres ? Ou est-ce que nous faisons preuve d’un souci authentique pour le bien de notre prochain ? Sommes-nous capables de chercher le bien des autres sans en attendre de retour ? Ou bien sommes-nous toujours dans une mentalité de calcul, de coût et de profit ? Est-ce que je sais prendre le temps de connaître les besoins de mon prochain afin de mieux y répondre ? On peut préférer les ignorer.
Enfin, le Bon Pasteur nous dit qu’il a d’autres brebis dans d’autres bergeries. Il s’en préoccupe ; il veut les rassembler toutes en un seul troupeau dans l’unité. Quand il dit cela, il ne pense pas seulement aux bons chrétiens ; il pense surtout à tous ceux et celles qui ne connaissent pas Dieu, ceux et celles qui organisent leur vie sans lui et en dehors de lui ; il songe aussi à ceux et celles qui combattent l’espérance chrétienne ou la tournent en dérision. Les uns et les autres sont connus et aimés de Dieu. C’est dans un tel monde que le Seigneur envoie ses brebis pour qu’elles soient les témoins et les messagers de sa présence de Dieu.
Depuis la Pentecôte, les apôtres sont devenus les messagers de l’Évangile. Après la résurrection de Jésus, Pierre a connu une transformation très forte. Lui qui avait peur au moment de la Passion fait preuve d’une force étonnante. Il n’hésite pas à proclamer devant tous ses adversaires « qu’en dehors de Jésus, il n’y a pas de salut » (Ac 4,12). Ce n’est que grâce à lui que nous pouvons obtenir la vie nouvelle qui fait de nous des enfants de Dieu. C’est de cela que nous avons à témoigner tout au long de notre vie. Les évêques, les prêtres, les diacres, les laïcs, nous ne sommes pas à notre compte mais à celui de Jésus qui nous appelle et nous envoie pour être les témoins de la Bonne Nouvelle de l’Évangile et de l’amour de Dieu.
La lettre de saint Jean (1 Jn 3,1-2) va dans le même sens. Nous sommes peut-être trop habitués à entendre dire que Dieu nous aime. Mais il nous faut imaginer le bouleversement que cette révélation d’amour a pu provoquer à l’époque. Elle s’adressait aux grandes cités de l’Empire Romain, à des gens exploités et méprisés, à des mal-aimés de Corinthe et d’Éphèse ou d’ailleurs. Pour eux c’était un véritable renversement. Le monde de l’amour n’avait rien à voir avec celui du pouvoir, de l’esclavage, de populations soumises aux conquérants que les populations vivaient.
Ce qui est premier, c’est cette révélation inimaginable d’un Dieu dont le nom est « Amour ». « Mes bien-aimés, voyez comme il est grand l’amour dont le Père nous a comblés. Il a voulu que nous soyons enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jn 3,1). C’est une découverte vraiment extraordinaire. Il s’agit moins d’aimer que de se savoir aimés par lui. Pour nous, cela a commencé le jour de notre conception et cela se développe tout au long de notre vie. Un jour viendra où nous atteindrons la parfaite ressemblance avec le Fils de Dieu. « Nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2).
« Voici pourquoi le Père m’aime – nous dit Jésus – parce que je donne ma vie, pour la recevoir à nouveau » (Jn 11,17). Au moment de sa mort, Jésus, Dieu fait homme, remettra sa détresse au Père en redisant la plainte de l’innocent du psaume 21 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Il dira ces paroles en tant qu’homme, mais en tant que Verbe de Dieu, il est conscient d’accomplir sa mission de Fils incarné. Saint Pierre dira à son sujet : « Lui-même a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1 P 2,24).
Si nous communions au Corps et au sang du Christ, c’est pour puiser à la source de cet amour qui est en Dieu, c’est pour entrer dans ce projet d’amour qui anime Jésus. Alors oui, « nous te prions Seigneur : donne-nous force et courage pour rester fidèles à cette vocation que tu nous confies et à aimer comme toi ».