3e dimanche de l’Avent B

(Jn 1,6-8.19-28)

Décembre 2020

Chers Frères et sœurs, nous connaissons la valeur littéraire et théologique du Prologue de saint Jean. Nombreux sont ceux qui ne sont pas restés indemnes de sa découverte, en tout cas pas indifférents. Ce prologue, ces mots, nous emmènent, nous élèvent, jusqu’à ce que la mention d’un homme, Jean-Baptiste, semble comme nous ramener, nous faire plonger dans l’ordinaire. L’évangile d’aujourd’hui, avec ces trois premiers versets tirés du Prologue, et les dix autres qui le suivent immédiatement, est donc peut-être pour nous comme un plongeon dans la personne de Jean-Baptiste, comme s’il nous fallait d’abord être baptisés en lui, par lui, avant d’accueillir un autre baptême, celui donné dans l’Esprit par Celui qui « se tient » « au milieu de » nous.

 

Passer par Jean-Baptiste, parce que, avec lui, c’est ici tout l’Ancien Testament qui est convoqué. Le Prologue, par ces premiers mots solennels, nous rappelle ceux de la Genèse. Les questions « des prêtres et des lévites » évoquent les prophètes – « Es-tu le prophète Élie ? » - ou encore l’Apocalyptique juive avec la figure du « Prophète ». Et les réponses de Jean nous situent dans les livres historiques - « Je ne suis pas le Christ », le Roi-Messie – et même dans l’Exode et Moïse avec cette triple négation, « Moi, je ne suis pas », qui renvoie au « Je suis » du nom divin. Jean-Baptiste comme dernier prophète de l’Ancienne Alliance, mais aussi comme celui qui nous invite à nous y replonger, à l’écouter, pour reconnaître et découvrir Celui qui vient. Et quand on lui demande « Qui es-tu ? […] Que dis-tu sur toi-même ? », il répond et parle par l’Ecriture : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur ». Invitation à nous nourrir de la Parole jusqu’à ce qu’elle nous dise, révèle, incarne et forme, notre identité.

Alors, Passer par Jean-Baptiste pour accueillir le Christ parce que, nous dit saint Jean, Jean est « envoyé par Dieu » et « il est venu comme témoin ». Nous ne serions ni moines, ni chrétiens, si Dieu ne nous avait pas envoyé ses témoins. La foi est une grâce, mais elle est aussi une chaîne, un flambeau, un passage. Il nous a fallu croiser quelqu’un, quelques-uns, qui ont levé le doigt pour nous indiquer le chemin à suivre. Et c’est vrai encore aujourd’hui, en ce temps où nous recommençons une année liturgique, en ce temps où notre monde, notre Eglise, notre communauté, semblent basculer dans un inconnu qui nous échappe. Nous avons besoin d’être vigilants à ces signes que Dieu nous adresse, afin que nous puissions, nous aussi, être le doigt, la voix, de Celui qui envoie. Oui, comme Jean, il nous faut percevoir la Lumière « pour [Lui] rendre témoignage ». La lumière, ça se voit ! S’il faut lui rendre témoignage, c’est bien parce qu’elle n’est pas perçue, c’est bien parce que nous sommes dans les ténèbres ou encore dans la nuit. Quelle lumière avons-nous découverte pour notre vie ? Quelle lumière avons-nous à annoncer au monde ? Ou bien sommes-nous, nous aussi, dans les ténèbres ?

Passer par Jean-Baptiste, parce que, comme nous l’avons dit plus haut, cet homme ne se définit qu’en se référant à Dieu. Il cite l’Écriture pour dire qui il est et il ne cesse de dire qui il n’est pas pour mieux mettre en valeur Celui qui est. Jean-Baptiste nous dit qu’il y a dans sa vie, dans chacune de nos vies, quelqu’un d’autre, quelqu’un de plus grand et même de plus important que nous. Il laisse déjà la place à un autre qui doit prendre toute sa place en lui – « il faut qu’il croisse et que moi je diminue » dira-t-il ailleurs (3,30), et c’est là la joie de l’ami de l’époux (3,29). Et s’il en est ainsi, c’est bien parce qu’il sait que cet Autre est Celui qui est, le « Je suis », et que lui, il n’est pas, pas encore, et qu’il ne peut être sans Lui. Jean n’est que la voix, pas la Parole, mais la voix qui fait place à la Parole et à l’écoute. Finalement, c’est lui le désert, cette terre si aride et pourtant si disponible, cette terre silencieuse qui attend et qui espère la pluie, la pluie de la Parole. Jean est une parole de l’Ecriture parce qu’il s’est laissé toucher, transformer, habiter par elle. C’est en elle – en Lui, le Verbe – qu’il a trouvé son identité, et qu’il est ainsi devenu le témoin, le martyr, l’envoyé. Et que dit-elle cette parole ? « Redressez le chemin du Seigneur », retirons les obstacles, accueillons Celui qui vient. Et cet ajustement, c’est la Parole écoutée, incarnée en nous, qui nous permettra de le vivre.

L’évangéliste termine en disant que cette parole a été prononcée « à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain ». Ce lieu, il ne faut pas chercher à le localiser. Il est avant tout ce passage, passage du Jourdain, d’une rive à l’autre, de l’Ancien au Nouveau ; une parole qui nous fait entrer en Terre promise. Et cette terre, et ce lieu, c’est Jésus lui-même, c’est la vie en lui d’où il ne cesse de vouloir nous introduire, pour que nous soyons, à notre tour, ensemble, le lieu, la terre, la chair de sa présence.