7 juin 2020 – Fête de la T.S. Trinité (année « A »)

Ex 34, 4...9 ; 2 Co 13, 11-13 ; Jn 3, 16-18

 

H O M É L I E

Chers frères et soeurs,

           On pose parfois la question : « Le Dieu des Chrétiens est-il le même que celui des Musulmans, ou des Hindous, ou des Bouddhistes, ou celui de quelque autre religion ?  ».  En réalité il n’y a pas de réponse possible à une telle question, parce que c’est une question qui est mal posée.  C’est comme si nous possédions Dieu, et que nous nous demandions si le Dieu que nous avons, que nous possédons, nous les Chrétiens, est le même Dieu que possèdent les autres. Or, personne ne possède Dieu.

 

           Il y a cependant une autre erreur, encore plus grave, dans cette façon de poser la question.  C’est qu’en posant ainsi la question on tend à identifier Dieu avec les idées, les images, les concepts que nous en avons.  Il est clair que les Musulmans, les Chrétiens ou les Hindous ont des conceptions tout à fait différentes de Dieu, et des conceptions qui, dans la plupart des cas, sont irréconciliables. Mais, en fin de compte, cela n’est pas si important, parce que Dieu est tout autre que tout ce que nous pouvons en penser ou en dire – même ce que nous les Chrétiens pouvons en penser et en dire.

            Un théologien catholique a créé un peu de remous, il y a une quarantaine d’années, par le titre qu’il avait donné à un de ses livres.  Ce titre était : « Dieu n’est pas dieu, nom de Dieu ! » Or, ce que ce titre voulait signifier était très juste. C’est-à-dire que Dieu (avec un grand « D ») ne peut pas se réduire à aucune des notions de Dieu que nous les humains, de quelque religion que nous soyons, pouvons en avoir.  Il est infiniment autre, infiniment plus grand.

           Ceci dit, si Dieu est important pour nous, il est normal d’en parler, et nous ne pouvons en parler qu’en utilisant un langage humain, c’est-à-dire en utilisant des images et des concepts.  On peut alors imaginer Dieu comme un maître sévère et un juge implacable, comme on peut l’imaginer comme un père aimant ou un époux tendre. Évidemment la deuxième façon de se l’imaginer est plus agréable que la première.  Comment savoir alors laquelle est la plus juste ?

           Nous le savons parce que Dieu nous a lui-même parlé. Le Dieu qui nous a parlé n’est pas le Dieu des Juifs ou des Chrétiens.  C’est Dieu, tout court – l’unique Dieu, le Dieu de tous les humains et de toute la création.  Il a parlé à Moïse et aux prophètes d’Israël, auxquels il s’est révélé comme un Dieu « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ».  Cette révélation, même si elle fut faite à telle ou telle personne est destinée à toute l’humanité.  Il a parlé aussi, tout au long des siècles , au coeur de toutes les femmes et de tous les hommes de bonne volonté.

           Mais si nous savons qui est Dieu, c’est essentiellement parce que Dieu s’est incarné, qu’il s’est fait l’un d’entre nous, en la personne de Jésus de Nazareth. Cette Révélation de Dieu dans Jésus est la Parole de Dieu adressée à l’humanité entière.  Dans sa personne, dans sa vie, dans tout ce qu’il a fait et dit durant sa vie sur notre terre, Jésus nous a révélé qui est Dieu.  S’étant fait l’un de nous, il nous a donc aussi parlé dans un langage humain.  Pour nous faire comprendre qui est Dieu, il a donc utilisé des images et des concepts humains.  Il nous a dit que Dieu était son Père, qu’il aimait son père et que son père l’aimait, que son père et lui était un ; qu’ils étaient unis par un lien d’amour qu’il a appelé l’Esprit. Tout cela reste un langage humain qui ne fait qu’ouvrir des fenêtres sur un mystère infiniment plus grand qui ne peut être réduit à aucune formule.

           Le plus important pour nous c’est qu’il nous a révélé que nous étions invités nous aussi à entrer dans ce mystère de la vie intime de Dieu, à travers l’expérience de l’amour : Si quelqu’un m’aime, a-t-il dit,  il gardera ma parole, mon Père l’aimera et nous viendrons faire chez lui notre demeure. 

           Au delà de toutes les explications et de toutes les formulations qu’on a pu donner au cours des siècles, le « mystère de la Trinité » -- qui est l’objet de la célébration d’aujourd’hui --  se résume à cette révélation donnée en Jésus et par Jésus, du mystère d’amour qui constitue ce qu’on pourrait appeler la vie intime de Dieu.

 

Armand Veilleux