HOMÉLIE DU JUBILÉ

L’occasion s’y prêtant
ce sera une homélie de circonstance.

50 ans, c’est une large, très large part de ma vie,
mais ce n’est pas toute ma vie.
Ces 50 ans de sacerdoce ont été précédé
d’ une bonne trentaine d’années qui ont, je pense,
permis l’inspiration, l’éclosion de ma vie sacerdotale.

 

Ma famille a été le terreau favorable à cette orientation.
Avant tout et surtout,
je dois rendre à mes parents ce qui leur est dû.

Dans la famille où je suis né,
j’étais le 5ième sur les 6 enfants que mes parents ont élevé :
Trois filles et trois garçons
dont ma sœur Jeanne est ici présente malgré son handicap
et une opération très importante subie récemment.

MES PARENTS, des gens simples qui n’ont pas fait d’études au –delà de l’école primaire mais
ILS AVAIENT L’INTELLIGENCE DES CHOSES DE LA VIE.
Des gens dont on aurait pût dire à peu de chose près,
ce qu’une carmélite de Lisieux,
contemporaine de la petite Thérèse
disait à la mort de sœur Thérèse :
« QU’EST CE QUE NOTRE MÈRE PRIEURE
VA POUVOIR DIRE DE SŒUR THÉRÈSE…
ELLE N’A RIEN FAIT D’EXTRAORDINAIRE. »
Mes parents, non rien fait d’extraordinaire,
des gens sans histoire dont la vie cependant n’a rien de banal.
Ne dit-on pas : « un peuple heureux n’a pas d’histoire. »
A vrai dire,
mes parents n’avaient pas d’ambition….pour eux-mêmes,
mais pour leurs enfants de l’ambition ils en avaient
afin, que moyennant les possibilités
ceux dont ils avaient la charge s’épanouissent au mieux.

Notre famille
se trouvait aussi loin de LA MISÈRE que de la RICHESSE

Paradoxalement,
mes parents étaient riches d’une saine pauvreté.
Oui ! Une saine pauvreté qui permettait
d’apprécier toute chose à sa juste valeur,
là est, me semble-t-il,
le véritable enrichissement qui humanise

Quant au superflu, il n’avait droit de cité à la maison
et du coup pas de place pour le gaspillage.
Cela m’a profondément marqué pour la vie.

Nous n’avons manqué de rien quant à l’essentiel :
un confort relativement simple, oh que oui !
Mais, même pendant la guerre,
nous n’avons pas connu la faim.
Et la table, la grande table familiale
avait toujours quelque chose d’appétissant.

Pour cela, tant mon père que ma mère ont retroussé leurs manches et ouvert largement leur cœur.

Ce qu’ils avaient par-dessus tout c’est le sens de la famille.

MON PAPA,
ouvrier mineur de fond et de nuit durant 27 ans.
Après quelques heures de repos,
il bricolait pour éviter les dépenses…
mais par-dessus tout
il avait une prédilection pour LE JARDIN.
Grâce aux légumes du jardin nous n’avons pas eu faim.
C’est notre jardin
qui nous a permis de passer l’épreuve de la guerre.

À propos, ce 30 août, c’est la fête des jardiniers.
Bonne fête de S. Fiacre à NOTRE JARDINIER LAURENT
et à tous et celles qui s’occupent de jardinage :
CE SONT DES BIENFAITEURS DE LA FAMILLE.

Bref, mon papa…un homme qui a du cœur à l’ouvrage.

MA MAMAN ?
À l’époque,c.à.d. jusqu’à la première moitié siècle passé,
il n’y avait rien de ce que permet aujourd’hui l’électroménager.
C’est aujourd’hui un autre monde
Et tant mieux pour les gens de maison.

À l’époque,
à la maison, en tout et pour tout un poêle à charbon.

Malgré cette pénurie de moyen,
maman nous mijotait des plats….quelle cuisinière !
Ma sœur vous en parlerait beaucoup mieux que moi.

C’est dans ce cadre-là avec les moyens du bord
que j’ai passé mon enfance et ma jeunesse
avec mes frères et sœurs.
Je vous disais tout à l’heure que notre fratrie comptait six enfants.
À vrai dire et ce, pendant la guerre, étant donné
que le frère de maman était prisonnier en Allemagne,
pour ses deux enfants: un cousin et une cousine,
mes parents soucieux pour la sécurité de nos cousins
n’ont pas hésité à les prendre à la maison
afin qu’ils ne restent pas à Bruxelles sans leur papa.

Ils venaient grossir la famille de deux bouches à nourrir
et à entretenir.
Ça faisait, si je compte bien huit enfants à la maison
durant la guerre et un peu au-delà.
Je n’en dirai pas plus sur LA GÉNÉROSITÉ DE MES PARENTS,
ce qui n’a pas été cependant sans me marquer profondément dans la suite.

À côté de cette grande générosité,
il y avait à la maison une grand liberté.
Mais les parents, bien entendu, veillaient au grain.
Un jour, bien plus tard, tout en parlant, maman me dit :
« ON NE VOUS A JAMAIS FAIT LA MORALE
ET VOUS AVEZ TOUS GRANDIS SANS GROS PROBLÈMES. »

J’ai eu la présence d’esprit…
à moins que ce ne soit LA PRÉSENCE DE L’ESPRIT
qui mis sur mes lèvres :
« C’EST VRAI, MAMAN, TU NE NOUS AS JAMAIS
FAIT LA MORALE
MAIS TU NOUS AS TOUJOURS MONTRÉ L’EXEMPLE. »

Voilà trop rapidement abordé,
la famille dans laquelle je suis né et grandi.

Une fois adolescent ce sont les études de beaux-arts
dans la grand école S. Luc à Mons.
Il y a ici quelques amis de la rue de la Biche à Mons.

Après mes études artistiques, me voilà engagé, par un des mes professeurs, à travailler pour lui à Mons.

Mais à cette époque, l’esprit de famille
reçu dès mon enfance connaît un élargissement.
C’est le temps du mouvement de jeunesse: en ce qui me concerne : la JOC JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE.
Un mouvement qui me passionnait au point qu’à 19 ans on me demande de m’engager, pour trois ans,
comme permanent dans ce mouvement
pour la région du Centre entre Mons et Charleroi.

C’est là, à La Louvière que mon ami André,
nouveau permanent pour le Borinage vient faire un stage chez moi. André est ici.
Ses jambes lui font un peu défaut mais IL A GARDÉ SON CŒUR DE 20 ANS.

De part mes relations dans le mouvement j’ai eu le bonheur de connaître Max Delespesse avec sa JOC à Ecaussinnes.

Et dès 1952,
je travaillais aussi au sein de la jeunesse ouvrière
avec l’abbé Léon Hardy alors vicaire à Houdeng-Goegnies.
A 88ans bien accompli Léon est parmi nous.
Merci Léon d’être venu
de la maison de repos à Montignies.

Alors survient un événement
qui aura d’incalculables répercussions dans ma vie.
C’est à 20 ans que j’ai acheté mon premier livre
avec mon argent de poche.
Un petit livre qui ne m’a plus quitté :
« LE NOUVEAU TESTAMENT » du chanoine Osty.
En ce temps-là,
la Bible ne connaissait pas le développement que l’on connaît. On était loin du concile Vatican II.

LE NOUVEAU TESTAMENT.
C’est à la lecture de ce chef d’œuvre que je faisais la découverte,
comme je n’en avais jamais eu l’occasion,
d’ une personnalité hors norme qui va bouleverser ma vie.
Je faisais la connaissance qui me touchait le cœur :
« JÉSUS DE NAZARERH , VRAI HOMME ET VRAI DIEU
Il allait devenir celui qui donna UN SENS À MA VIE.

Petit à petit, la personne de Jésus avec son message
allait m’accrocher à lui
avec un infini respect de ma liberté.

DE FIL EN AIGUILLE,
c’est progressivement, tout en me dévouant aux jeunes de la région du Centre
que JE ME SUIS SENTI APPELÉ AU SACERDOCE.

À mon père qui n’était pas pratiquant
mais respectueux de mes choix,
je lui confiait
mon intention d’entrer au séminaire en vue du sacerdoce.

Mon papa me dit tout simplement :
« JE NE TE RETIENS PAS ET JE NE TE POUSSE PAS »
Quelle parole de sagesse pour un mineur qui n’avait pas terminé son école primaire.
cette orientation c’était mon affaire en toute liberté.

J’avais alors 22 ans et pour arriver au sacerdoce,
il me fallait pour combler le manque d’études que l’on appelle les humanités classiques
étant que mes études avaient été artistiques.
J’avais devant moi un bail de neuf ans d’études.
En 3 ans, je voyais l’essentiel des études classiques dont le latin incontournable à l’époque en vue du sacerdoce,
car la messe était encore en latin.
Après trois années surtout latines
je pouvais, dès lors, à 25 ans
commencer les études de philosophie qui duraient 2 ans.
Qu’est ce que j’aimais LE COURS DE MÉTAPHYSIQUE
qui est une ouverture sur un au-delà.

Donc à 27 ans j’étais prêt pour entreprendre les études de théologie qui duraient 4 ans.

J’ai donc été ordonné à 31 ans en 1964.
Il y a juste 50 ans cette année.

Pour la petite histoire sur la vitalité chrétienne de mon village,
le préfet de philosophie, un passionné d’archives me dit :
« J’AI FAIT DES RECHERCHES
POUR SAVOIR DE QUELLE ANNÉE DATAIT
LA DERNIÈRE ORDINATION À ESTINNES-AU-MONT. »
C’est 1802 qu’avait été ordonné le dernier prêtre, un franciscain à Estinnes-au-Mont, mon village.
Ça faisait 162 ans puisque nous étions en 1964.

J’ai été prêtre durant 15 ans à Farciennes, près de Charleroi.
C’est là,
après 3 ou 4 ans qu’arrive un nouveau curé à Farciennes.
l’abbé Léon Hardy que je connaissais depuis 1952.

Nous avions chacun notre tempérament,
chacun notre sensibilité.
C’était une richesse !
On échangeait en toute franchise.
« L’essentiel, m’a dit un jour mon curé Léon,
c’est que nos échanges se terminent toujours dans l’amitié
C’est ce qui s’est passé à un point tel,
qu’un jour,
une dame âgée, Marie, de la rue de la Chaussée, me disait sur un ton de confidence :
« MONSIEUR LE VICAIRE,
ON VOIT BIEN QUE MONSIEUR LE CURÉ ET VOUS,
VOUS VOUS ENTENDEZ BIEN. »
Merci, cher Léon pour ces bonnes années passées ensemble.

Après 15 ans, alors que j’étais un prêtre heureux, m’occupant des jeunes du patro et de la JOC,
avec quelques heures de cours semaine à l’Université du travail à Charleroi,
mais aussi passant volontiers chez les personnes âgées, voici
qu’après l’appel à laisser le monde des beaux arts
pour une responsabilité dans le mouvement de jeunesse
qui allait…
bien dans l’esprit d’ouverture reçue dans vie de famille et qui allait s’ accomplir dans le sacerdoce
voici QU’UN NOUVEL APPEL se précise en moi :

L’APPEL À LA VIE MONASTIQUE.
J’avais beau faire,
pas moyen de me débarrasser de cette éventualité.
Je résistai à cet appel, plusieurs mois me disant :
« Et si c’était le Malin,
le diable c.à.d. celui qui divise
qui voulait me jouer un mauvais tour. »
alors que tout tournait bien pour moi dans la paroisse
avec de tout nouveaux locaux dans le quartier dont j’avais la responsabilité.

cette orientation monastique pour laquelle je ne sentait pas appelé, je n’en parlais pas durant plusieurs mois. C’est lourd.
Après avoir consulté un monseigneur au Vatican qui me connaissait bien et qui m’avait répondu :
« Omer, c’est une question d’appel, je vais prier pour toi. »

La deuxième personne à qui j’ouvrais mon cœur,
c’est mon curé en me disant :
« Léon est un prêtre intelligent
c’est un prêtre profondément spirituel
et, surtout, un prêtre qui me connaît depuis longtemps . »

Sa réponse on ne peut plus simple et spontanée :
« Omer, ça ne m’étonne pas de toi. »

La troisième personne à qui j’en parlais, c’était maman,
mon papa étant décédé.
Or, chaque mois,
j’allais à Bruxelles passer une journée chez maman.

Comment va-t-elle accepter cette nouvelle.
elle va sans doute me dire :
« alors je te verrais plus venir à Bruxelles.»
maman me répondit tout simplement
en respectant la grande liberté que nous avions connu à la maison :
« OMER, SI TU PENSES QUE C’EST BIEN POUR TOI. »
Enfin,
J’ÉTAIS LIÉ À MON ÉVÊQUE en tant que prêtre diocésain.
En apprenant la nouvelle, l’Évêque me répond du tac au tac:
« OMER,
UNE VOCATION MONASTIQUE EST UNE BÉNÉDICTION
POUR LE DIOCÈSE. »
À la réunion de cours,
la dernière que je tenais avec mes confrères d’ordination, Monseigneur Huart dit aux prêtres réunis pour un dîner d’adieu : « OMER NE QUITTE PAS LE DIOCÈSE,
IL VA LE SERVIR AUTREMENT ; »

Lorsqu’il a appris mon entrée à l’abbaye de Scourmont
où je recevais le « feu vert »,
l’abbé Gaston Debeverre, ancien vicaire général et actuel aumônier à l’abbaye de Soleilmont me dit :
« OMER,
TON ENTRÉE DANS LA VIE MONASTIQUE
EST BIEN DANS LA LIGNE DE TON ENGAGEMENT DANS LA VIE APOSTOLIQUE. »
Tu te rappelles cette réflexion, Gaston.

Apparemment, la plupart des gens ne pense pas comme ça.

Une vie dans L’ACTIVITÉ PAROISSIALE c’est plus efficace qu’une VIE ENFERMÉE DANS UN MONASTÈRE.
Un slogan d’autrefois présentait le monastère comme
« UNE FUITE DU MONDE »
J’ai dit un jour à un journaliste : loin de fuir le monde,
je suis au cœur du monde.
Faisant mienne cette parole de S. Jean Chrysostome
une grande figure du 4ième siècle:
« CELUI QUI PRIE
À LA MAIN SUR LE GOUVERNAIL DU MONDE. »

Depuis ma découverte de Jésus à l’âge de 20 ans avec le N.T.
Lui qui est vraiment Dieu et vraiment homme,

il ne m’a jamais quitté ET MOI NON PLUS.
« JE SAIS EN QUI J’AI MIS MA FOI. »
Et toujours
J’ai pu constater que lorsque le Christ m’appelait d’une façon ou d’une autre, ce ne fut jamais pour me couper des autres mais au contraire,
toujours pour m’envoyer.
Jésus dira quelque part dans l’évangile :
« COMME MON PÈRE M’A ENVOYÉ
MOI AUSSI, JE VOUS ENVOIE. »
Dans la vie monastique
cet envoi dans le monde semble pour le moins mystérieux.
Mais par la prière
qui est l’essentiel de la vie monastique
le moine est au cœur du monde.

Si j’ai répondu à ces appels avec une certaine générosité,
« DIEU NE SE LAISSE JAMAIS VAINCRE EN GÉNÉROSITÉ. »

En quittant ma voie TOUTE TRACÉE vers les beaux-arts,
J’ai eu la chance
étant aumônier à l’abbaye de la coudre à Laval de 1993 à 1999, de connaître la méthode russe en iconographie.
J’avais quitté les beaux avec générosité
le Seigneur me comble en restant dans les beaux arts
avec cette possibilité iconographique
que je n’aurais probablement jamais connu.

Et quand, c’est l’autre appel, étant prêtre à Farciennes,
je faisais avec mes limites un travail apostolique valable,
je pense aux personnes âgées,
aux mouvements de jeunesse,
aux camps de vacances avec un intendant hors pair, ici présent : Jacques Nolard,
je pense aussi aux cours de religion à Charleroi.
Quitter tout cela pour me « réfugier »
dans une vie de prière ?

Eh bien ! après mon retour de Laval,
le directeur général de bières de Chimay,
avec l’accord de mon abbé, me demande,
de passer régulièrement dans la chaîne d’embouteillage
pour un contact avec le personnel.
Deux ans après il me demande la même chose pour le personnel de fromage.
Quelque temps après, c’est le directeur de l’auberge qui me demande le même service.
Et pour finir le directeur du service de vente des bières me fait la même demande.

Je salue, en passant, le personnel de l’auberge et de discobeer
qui sont retenus par leur travail qui tourne à plein le samedi.
Cela f ait près de 200 personnes que je rencontre
chaque mois pour prendre des nouvelles des santés, des familles. Et parfois des questions plus importantes.

OUI vraiment le Seigneur ne se laisse jamais vaincre en générosité et JE SUIS UN MOINE COMBLÉ.
Comblé par ma vie de prière
qui s’accomplit TOUJOURS dans une ouverture aux autres.
Le moine ne fuit pas le monde – je ne le pourrais pas –
Le moine est au cœur du monde et porte le monde dans sa prière.
« CELUI QUI PRIE À LA MAIN SUR LE GOUVERNAIL DU MONDE »
Je termine par ces mots que nous entendions à la fin de l’évangile qui nous a été donné tout à l’heure :

Elles sont du Christ Jésus dans l’évangile de Jean :
« JE VOUS APPELLE MES AMIS, CAR TOUT CE QUE J’AI ENTENDU DE MON PÈRE, JE VOUS L’AI FAIT CONNAÎTRE.
Jésus ajoute :
« CE N’EST PAS VOUS QUI M’AVEZ CHOISI,
C’EST MOI QUI VOUS AI CHOISIS,
AFIN QUE VOUS PORTIEZ DU FRUIT,
ET QUE VOTRE FRUIT DEMEURE
ALORS TOUT CE QUE VOUS DEMANDEREZ AU PÈRE EN MON NOM, IL VOUS LE DONNERA.

VOICI CE QUE JE VOUS COMMANDE :
C’EST DE VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES.

JE VOUS AI DIT CELA POUR QUE MA JOIE
SOIT EN VOUS, ET QUE VOTRE JOIE SOIT PARFAITE.