C 33 LUC 21, 05-19 (17)

Chimay : 16.11.2025


C33 2025Frères et sœurs, nous approchons de la fin de l’année liturgique. Chaque année, les évangiles de la messe nous annoncent le basculement vers le monde nouveau. Le prophète Malachie (Ml 3,19-20a) que nous avons entendu en première lecture s’adresse à des croyants qui ne savent plus très bien où ils en sont. Les hommes ont longtemps cru pouvoir espérer une rétribution de leur vivant. Mais il a bien fallu se rendre à l’évidence : les justes qui restent fidèles au Seigneur sont souvent persécutés. Par contre, les impies et les partisans du mal prospèrent.

Mais d’après Malachie, le Seigneur a une bonne nouvelle pour nous : le mal n’aura pas le dernier mot. Les croyants ne doivent pas désespérer. Un jour, Dieu manifestera qu’il sait faire la différence : il l’emportera sur les forces de destruction qui agitent les hommes et le monde. Ce sera l’établissement tant espéré de la justice de Dieu. Elle marquera sa victoire sur les ténèbres, sur le mal et sur la mort. « Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille » (Ml 3,19). Plus tard, Jésus annoncera que ce salut n’est pas que pour les fidèles ; il est offert à tous les hommes. Entre temps, le Seigneur attend patiemment que tous se convertissent à l’amour.

À l’époque de saint Paul, autre témoin, on pensait que ce retour du Seigneur était pour bientôt (2 Th 3,7-12). Pour certains, c’était devenu un prétexte pour ne rien faire. On estimait que cela ne servait à rien de réaliser des projets, d’entreprendre des développements ou de travailler. Dans sa lettre, Paul vient les recadrer ; lui-même se donne comme exemple : il a toujours exercé une activité pour ne pas peser sur les ressources de la communauté (2 Th 3,8). Il les invite à travailler pour manger le pain qu’ils auront eux-mêmes gagné. L’apôtre a des paroles dures pour les paresseux : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3,10). Ce verset de l’apôtre Paul sera repris plus tard par John Smith[1] de Jamestown au début des années 1600 et aussi par Lénine pendant la révolution russe du début des années 1900.

Dans l’Évangile de ce jour, nous entendons parler de catastrophes : il y aura la ruine du temple de Jérusalem, des guerres, des famines, des persécutions. De nos jours, le pape François nous appelait à une vraie solidarité envers les personnes déplacées ou exilées                                                             . Saluant la disponibilité des populations qui ont ouvert leurs portes pour accueillir des millions de réfugiés, au Moyen Orient, en Afrique centrale et maintenant en Ukraine, le pape reconnaissait les difficultés pour assurer la continuité du secours, mais soulignait le devoir chrétien de persévérer : « Pour nous, la générosité trouve sa motivation la plus forte dans le Fils de Dieu. “De riche qu’il était, il s’est fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté” » (2 Co 8,9).

Le Seigneur est toujours bien présent au cœur de nos vies. Aucune épreuve ne peut nous séparer de son amour. Quand tout va mal, il est celui qui nous donne le courage de travailler à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel. En ce temps de violences et dans nos jours de faiblesse, nous avons du mal à le reconnaître. Le jour du Seigneur semble tarder. L’Écriture révèle un paradoxe : alors que la venue du Seigneur est pour certains un cauchemar, pour l’homme de foi elle se transforme en acclamation de joie et de louange. Alors que le monde semble être conduit au néant, il est en fait conduit à son accomplissement par la venue du Seigneur, mort sur la croix et ressuscité.

Jésus nous annonce des temps difficiles. Nous aurons à lutter contre les forces du mal qui cherchent à nous détourner de lui. Le danger viendra également des “divertissements de ce monde” qui risquent d’en égarer beaucoup. Ce sont là des idoles qui viennent piéger notre attention et nous avaler tout entier. « Prenez garde ! » nous dit Jésus (Mt 24,4). La seule attitude qui convient, c’est celle du veilleur. Nous sommes appelés à être ceux qui guettent l’aube du jour du Seigneur.

La liturgie de ce dimanche nous rappelle que nous sommes invités à avancer humblement et avec courage en nous ressourçant chaque jour à la Parole de Dieu. Cette Parole est « lumière pour nos pas » (Ps 118,105). Chaque dimanche, le Seigneur nous donne rendez-vous pour l’Eucharistie « source et sommet de toute vie chrétienne »[2], car elle est à la fois le commencement de la vie chrétienne et son accomplissement. En tant que source, elle est la nourriture qui donne la vie, fortifie la foi, et permet au croyant de s’unir plus profondément au Christ et à la communauté. En tant que sommet, elle culmine l’ensemble de la vie chrétienne en rendant présente la mort et la résurrection du Christ, offrant aux fidèles la possibilité de participer à ces événements et de témoigner de l’amour de Dieu. Puis le Seigneur nous envoie pour agir comme lui et avec lui au service des autres. C’est avec lui que nous pouvons rester en éveil pour témoigner de l’espérance qui nous anime.

Quel programme ! Le Christ ne mâche pas ses mots et, dans cet Évangile, le message est très clair : le disciple du Christ doit être préparé à souffrir de façon injuste. Jésus nous promet des persécutions et des tremblements de terre, bref tout ce que l’on n’aime pas entendre ! Pourtant, en tant que chrétiens, nous ne pouvons pas simplement mettre de côté un passage de l’Évangile parce qu’il ne nous plaît pas et que nous ne voulons pas vraiment entendre ce qu’il a à nous dire.

L’histoire de l’Église et des saints nous montre que ces paroles du Christ sont une réalité et qu’il n’existe pas de vie chrétienne sans croix ni souffrance. Le joli rêve de la vie facile et des jours paisibles est proposé par de nombreuses personnes et institutions aujourd’hui mais ce n’est pas le message du Christ, ni la vérité de l’Évangile.

Maintenant, il ne s’agit pas de tomber dans un fatalisme et un esprit négatif qui verraient toute la vie de façon tragique. Il est important de ne pas être naïf et de regarder la vie et ses épreuves en face. Mais il est aussi nécessaire de réaliser que ces moments difficiles ont une vraie valeur surnaturelle, nous font nous oublier nous-mêmes un peu plus et nous rapprochent souvent des autres et surtout de Dieu.

[1] John Smith de Jamestown, baptisé le 6 janvier 1580 (sa date de naissance n’est pas connue) en Angleterre et mort le 21 juin 1631, est un navigateur anglais qui fut le capitaine des colons de Jamestown, en Virginie.

[2] Vatican II, Constitution sur l’Eglise n° 11.