C AVENT 04 LUC 01, 39-45 (13)
Chimay : 19.12.2021
Frères et sœurs, à l’approche de Noël, partout, on se prépare à faire la fête. A certains endroits, c’est même déjà commencé. Des associations s’organisent pour que cette joie soit partagée avec les plus pauvres. Noël sera également fêté dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les prisons. Chaque année, des hommes et des femmes de bonne volonté s’organisent pour que cette joie de Noël soit offerte à tous.
Le problème, c’est que chaque année, on oublie de plus en plus le vrai sens de Noël. On ne pense plus à Celui qui devrait être au centre de cette fête. Les textes de la Parole de Dieu de ce dimanche sont là pour nous ramener vers Lui. Ils nous rappellent que Dieu ne cherche pas le grandiose ; bien au contraire, il passe par d’humbles chemins. C’est ce que nous découvrons avec le prophète Michée (5,1-4a) : « Toi Bethléem, tu es le plus petit, mais tu portes le plus grand » (Mi 5,1). Ce choix de Bethléem montre la préférence de Dieu pour ce qui est petit et humble. C’est là qu’il nous transmet les messages les plus importants. Et pour que nous n’ayons pas peur de lui, Dieu se fait petit enfant.
Voilà ce cadeau que nous sommes invités à accueillir. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a envoyé son Fils unique » (Jn 3,16). Par rapport à ce cadeau extraordinaire, tout le reste c’est de la pacotille. Noël, c’est Jésus qui est né dans des conditions misérables ; il continue à venir dans notre vie. Il frappe à notre porte (Ap 3,20). Vivre un vrai Noël c’est l’accueillir chaque jour et lui donner la première place. Il a été envoyé pour « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 9,10). C’est une bonne nouvelle pour ceux et celles qui vivent sans espérance.
La lettre aux Hébreux (10,5-10) nous apporte quelques précisions sur ce Messie dont nous allons célébrer la naissance. Il est l’envoyé de Dieu. Il s’offre, lui-même pour accomplir la volonté de Dieu : « Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté » (He 10,7). Dans cette phrase se résume toute la vie de Jésus. En s’incarnant, il accepte par amour pour nous une condition humble et faible. Il n’est pas né comme un roi de ce monde, mais comme un SDF, dans une étable. Nous sommes loin de toute cette agitation commerciale qui imprègne nos festivités de Noël. Nous devons comprendre que Noël c’est d’abord une bonne nouvelle pour les petits, les pauvres, les exclus.
L’Évangile nous apporte un autre éclairage important sur le sens de cette fête. Marie vient de dire oui au projet de Dieu que l’ange Gabriel lui a transmis. Quand elle apprend que sa cousine Élisabeth est enceinte, elle se met en route. Elle parcourt 150 kilomètres à pieds pour aller à sa rencontre. Elle y va sans hésiter, sans se préoccuper de sa propre fatigue. Elle comprend qu’Élisabeth a besoin d’elle sur le plan matériel et psychologique. Alors, elle se rend disponible. Mais le plus important c’est l’émerveillement d’Élisabeth : « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ! » (Lc 1,43).
Cet émerveillement d’Élisabeth devrait être aussi le nôtre. Marie nous sait dans des situations souvent compliquées. Nous pouvons toujours faire appel à elle car elle est notre mère. C’est Jésus qui l’a voulu quand elle était au pied de la croix le vendredi saint (Jn 19,26-27). Si nous l’appelons, elle accourt vers nous. Et Jésus est avec elle. A l’approche de Noël, elle ne cesse de nous montrer notre Sauveur. Elle nous invite à l’accueillir vraiment dans notre vie et à lui donner la première place. Vivre Noël c’est accueillir Jésus qui vient à nous, c’est accueillir son message d’amour et de paix. Il vient « nous rendre espoir et nous sauver » chante le Venez divin Messie. Il veut habiter le cœur des hommes avec Marie. C’est pour cette bonne nouvelle que nous sommes dans la joie et l’allégresse.
Alors que l’ange vient juste de la quitter, lui ayant annoncé qu’elle serait bientôt la mère d’un enfant différent des autres, l’évangile de Luc ne mentionne pas de discussion entre Marie et Joseph au sujet de cette incroyable nouvelle. En revanche, il raconte comment Marie se rend en hâte chez sa cousine Élisabeth : « Marie se mit en route et se rendit avec empressement » (Lc 1,39). Marie se dépêche car elle a besoin de parler à quelqu’un de ce qui lui arrive, d’essayer de mettre des mots pour le raconter et, peut-être aussi, pour s’en convaincre elle-même. Mais en arrivant chez sa cousine, elle n’a rien besoin de dire. Élisabeth a déjà perçu l’essentiel. Ses propres entrailles reconnaissent spontanément ce dont Marie est porteuse. Marie peut être rassurée : elle n’est pas folle. Le regard porté avec bienveillance par Élisabeth lui permet d’accueillir avec joie et sérénité la révélation qui se déploie en elle et de la faire sienne.
Le mouvement de Marie qui s’empresse chez sa cousine Élisabeth pour comprendre ce qui lui arrive témoigne de la révélation biblique. Quand Dieu se révèle à Marie, il le fait par le dialogue comme en affirme l’ange venant discuter avec Marie. Avec la rencontre entre Marie et Élisabeth, ce mouvement de dialogue se poursuit. À travers ces histoires, la Bible enseigne ainsi comment la révélation de Dieu dans la vie des hommes a besoin de dialogue pour être reçue et intégrée. La révélation de Dieu ne coupe pas de la relation à l’autre. Au contraire. C’est l’échange, le dialogue, la rencontre, la relecture avec d’autres sur ce qui se passe dans nos vies, qui permet d’attester de la révélation reçue. Marie et Élisabeth se rencontrent. Chacune reconnaît et atteste comment l’action de Dieu agit chez l’autre. Noël c’est l’histoire d’une parole de Dieu qui devient chair et se révèle par le dialogue et la rencontre.
Voilà cet évangile de la Visitation : Marie vient à Élisabeth avec Jésus en elle. La même Marie vient également à nous avec Jésus. Mais n’oublions jamais que la visitation c’est quand nous-mêmes nous allons vers les autres avec Jésus et Marie ; c’est quand nous rendons visite à un malade, un prisonnier, une personne seule. Avec Marie, nous allons leur porter Jésus. C’est aussi ce que font les catéchistes : leur mission c’est de porter le Christ aux enfants. Il est pour tous source de joie, de paix et d’amour. Noël c’est le commencement du don de Dieu ; c’est la manifestation d’un amour qui ne fera que grandir jusqu’à la victoire complète du Christ sur la mort et le péché.
« Que ta grâce Seigneur se répande en nos cœurs, dit l’oraison du missel. Tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien aimé. Conduis-nous, par sa passion et sa croix, jusqu’à la gloire de la résurrection ». Comment Jésus peut-il habiter nos tourbillons, apaiser nos angoisses, dépasser notre vision horizontale du monde ? Deux futures mamans attestent en saint Luc que rien n’est jamais réduit à nos tourments. Le don de la vie est consentement à tout recevoir de plus grand que soi. L’allégresse est suscitée au dedans de celle qu’on appelait la stérile. Visitée par l’Amour, elle qui incarnait, avec Zacharie, le monde ancien, « est remplie de l’Esprit Saint ! » (Lc 1,41). Dieu fait toutes choses nouvelles.
Le cardinal Danneels aimait l’Avent comme « temps de préparation à recevoir l’Esprit de la Nativité ». Marie n’est plus seulement cousine attentionnée envers Élisabeth. Elle est « mère de son Seigneur ». L’artiste Jean-François Millet n’avait pas, dit-on, de pratique religieuse très suivie. Mais sa grand-mère « insistait, quand les cloches sonnaient » pour que la terre se laisse visiter par le ciel. Il est le peintre célèbre des glaneuses et de l’Angélus. Eh bien, quand les cloches sonnent pour nous, à certains moments de notre histoire, laissons-nous visiter par le ciel.
En ce dimanche, nous nous tournons vers toi Dieu notre Père. Tu nous fais ce bonheur de nous visiter en ton Fils reçu dans cette Eucharistie. Rempli-nous de l’Esprit Saint pour qu’avec la Vierge Marie et sa cousine Élisabeth, nous puissions te rendre grâce par nos paroles et toute notre vie. Amen.