2e dimanche ordinaire B

(Jn 1,35-42)

Janvier 2024

Frères et sœurs, quand quelqu’un frappe à la porte d’un monastère pour devenir moine, saint Benoît donne un critère essentiel de discernement : on « examinera avec attention si le novice cherche vraiment Dieu » (RB 58,7). Il s’agira donc de s’assurer que cette personne cherche Dieu, et non pas elle-même, une sécurité ou un avantage éventuel. Cette quête fondamentale nous renvoie évidemment à l’évangile que nous venons d’entendre avec la question de Jésus : « Que cherchez-vous ? » (38). Question adressée aux disciples de Jean-Baptiste qui le suivent ; question adressée aux moines ; mais question, bien sûr, adressée à chacun et chacune d’entre nous : « Que cherchez-vous ? », que cherchons-nous vraiment au cœur de notre quotidien ? Question essentielle qu’il nous faut prendre le temps, le silence, pour l’entendre et y répondre. Et si dans les évangiles synoptiques, c’est-à-dire les évangiles de Marc, Matthieu et Luc, la vocation – et je parle ici de la vocation de chacun, sans penser d’abord à une vocation religieuse ou sacerdotale - si donc la vocation dans ces évangiles est un appel – « suis-moi » - avec saint Jean, elle est une question : « Que cherchez-vous ? ». Et je dirais, une bonne question offerte à tous. D’ailleurs, si j’en avais le courage, je pourrais même arrêter cette homélie ici et vous inviter à prendre maintenant quelques minutes pour laisser résonner en vous cette question, vous laisser habiter par elle, la laisser « demeurer » (38) en vous, comme dit l’évangile. Ou encore, comme Samuel dans la première lecture, reprendre cette question et dire au Seigneur : « Parle, ton serviteur écoute » (1 S 3,10), et alors écouter, laisser cette parole, cette question travailler en vous. Comme nous le disons parfois, l’important n’est pas tant la réponse que la question elle-même parce qu’elle ouvre un espace et un chemin en nous. Mais je vais poursuivre quand même l’homélie car je sais qu’aujourd’hui ou demain, cette semaine, plus tard, vous prendrez ces quelques minutes pour écouter en vous cette question : Qu’est-ce que je cherche ?

Cette question résonnera de nouveau dans l’évangile de saint Jean, mais en se centrant encore davantage sur l’essentiel, c’est-à-dire que le « que » se transformera en « qui », faisant de Jésus le cœur, le centre de notre vie. Mais si saint Jean passe du ‘que’ au ‘qui’, c’est bien parce qu’il a lui-même cheminé avec Jésus et qu’il a compris, et qu’il veut nous dire, que ce qu’il faut chercher au plus profond de la vie, du monde et de nous-mêmes ; ce qui en fait le cœur, le but, le sens, c’est Jésus. Et c’est là, bien sûr, la révélation chrétienne, la révolution chrétienne. Le sens du monde et de la vie n’est pas une idée, mais quelqu’un, quelqu’un qui se rend présent au milieu de nous et qui nous interroge, nous appelle, nous attire, si nous voulons l’entendre et le suivre…

Cette question revient donc d’abord à la Passion, lorsque les gardes viennent arrêter Jésus. Par deux fois il leur demande : « qui cherchez-vous ? » (18,4.7) ; et même là, même dans cette heure sombre, c’est lui, Jésus, qu’ils cherchent. Mais surtout, c’est dans le silence du matin de Pâques que cette question résonne jusqu’à nous. Marie-Madeleine pleure devant le tombeau vide et celui qu’elle prend pour le jardinier, et qui n’est autre que le Ressuscité, lui demande : « qui cherches-tu ? » (20,15). Et Marie-Madeleine s’égare dans sa réponse, s’attachant à un corps sans vie qu’elle veut retrouver. Et c’est quand Jésus prononce son nom à elle, son identité profonde, qu’elle le reconnaît. Marie-Madeleine n’a pas d’abord vu le Ressuscité ; elle l’a entendu. Comme les deux disciples de Jean-Baptiste n’ont pas suivi Jésus parce qu’ils l’avaient vu, mais parce qu’ils ont entendu la parole que Jean leur adressait à son sujet. Pour répondre à la question du « Que cherchez-vous ? » ; pour découvrir que cette question est un « Qui cherchez-vous ? », et pour pouvoir y répondre, il faut nous mettre à l’écoute, il faut nous mettre en route à sa suite.

Cette question nous est posée dans l’évangile par celui qui, nous dit saint Jean, s’est retourné vers les deux disciples. C’est lui, le Christ, qui se tourne vers nous, qui se met à notre écoute. Et en grec, ce mot à la sens d’une conversion, d’un retournement. Pour que l’homme se convertisse à Dieu, il fallait que Dieu se convertisse à l’homme, c’est-à-dire que Dieu vienne jusqu’à lui, jusqu’à nous, pour nous dire combien nous avons de l’importance pour lui. Jésus se convertit aux deux disciples, comme plus tard, Marie-Madeleine se convertira, se retournera vers lui pour le reconnaître. C’est Dieu qui nous cherche et qui met en nous le désir de le chercher à notre tour.

Que cette eucharistie nous donne la force, la grâce et la joie de nous laisser interpeler par cette question et de découvrir la vie qu’elle nous offre, qu’il nous offre.