24 octobre 2023 – Dédicace de l’église de Scourmont

1Roi 8, 22-23.27-30 ; Actes 7,44-50 ; Luc 19, 1-10

H O M É L I E

          David, après s’être construit un palais superbe, avait décidé -- dans ce qu’il concevait sans doute comme un moment de grande magnanimité -- de construire aussi une résidence à Dieu (« Voici que je vis dans un palais de cèdre et que Dieu vit sous la tente !) Et Dieu lui avait répondu : « Ce n’est pas toi qui me construira une maison ; c’est moi qui t’en ferai une. »

          Il y a quelque chose de semblable dans l’Évangile d’aujourd’hui. Zachée veut voir Jésus. Zachée n’était pas précisément un pieux enfant de chœur. C’était un collecteur d’impôts, et même le chef des collecteurs d’impôts de Jéricho. Il était connu dans la ville comme un pécheur. Il avait cependant un coeur d’enfant. Il savait que Jésus allait passer par sa ville et il voulait tellement le voir, qu’il oublia pour un instant son importance et se mit à courir comme un enfant et grimpa dans un arbre pour le voir.

          Que se passa-t-il alors ? – Les rôles furent renversés. Alors que Zachée voulait voir Jésus, c’est Jésus qui vit Zachée et le regarda avec des yeux pleins d’amour qui le transformèrent. Jésus leva les yeux vers Zachée dans son sycomore et lui dit : « Zachée, descends vite: aujourd'hui il faut que j'aille demeurer chez toi ». Jésus veut entrer chez Zachée – non seulement dans sa maison, mais dans son coeur et dans sa vie, qui s’en trouve transformée.

          Nous pouvons alors comprendre pourquoi les églises chrétiennes ne sont pas d’abord des maisons de Dieu, mais des maisons du peuple de Dieu, comme saint Bernard nous le rappelait dans le texte que nous avons lu au deuxième nocturne des Vigiles, cette nuit. C’est que Dieu ne veut pas habiter dans des maisons faites de mains d’hommes, mais dans le coeur de chacun d’entre nous. « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » nous dit saint Paul.

          C’est parce que le Christ habite en nos coeurs que chaque fois que deux ou trois d’entre nous se réunissent au nom du Seigneur, il est là au milieu d’eux. Et chaque fois que nous nous réunissons dans l’église de notre monastère pour exprimer dans la prière commune cette communion dans la foi, l’amour et l’espérance, nous sommes Église, nous sommes Peuple de Dieu et Jésus est là, présent au milieu de nous. C’est d’ailleurs là la première forme de présence réelle du Christ dans l’Église. Et chaque fois que nous faisons ensemble mémoire de Lui dans la célébration eucharistique, il est là présent dans toute la plénitude de sa présence : deuxième forme de présence réelle.

          Zachée n’est-il pas un peu chacun de nous ? Ou, plutôt, ne sommes-nous pas, chacun d’entre nous, un peu Zachée ? Saint Benoît, au début de sa Règle, dit qu’il a écrit celle-ci pour ceux qui, éloignés de Dieu par la désobéissance (ou le péché), veulent revenir à Dieu par la voie de l’obéissance. Si nous sommes venus au monastère c’est que nous étions des publicains, que nous n’avions pas la pauvreté du coeur prêchée par Jésus, et que nous cherchions une voie de conversion. Ce chemin de conversion nous l’avons trouvé dans la Règle de Benoît. Nous étions trop petits pour voir Dieu, et nous sommes montés dans notre sycomore, nous lançant sans doute avec une ardeur de novices dans l’observance de tout ce qui pouvait nous rapprocher de Dieu. Et puis, heureusement, un jour Jésus nous a dit : « Descends de ton sycomore. Ce n’est pas du haut de ton ascèse et de ta vertu que tu peux voir Dieu. C’est moi qui veux habiter chez toi, dans ton coeur. »   Si nous avons entendu cette parole, si nous l’avons laissée pénétrer en nos coeurs, elle y a créé chaque fois une attitude de componction, et surtout de partage. Si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus.

          Chaque fois que nous sommes fidèles à cet idéal de recherche de Dieu et de conversion, s’applique à nous la parole de Jésus qui termine l’Évangile que nous venons d’entendre : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

Armand VEILLEUX