C CROIX GLORIEUSE JEAN 03, 13-17 (1)
Chimay : 14.09.2025
Frères et sœurs, dans le livre des Nombres (Nb 21,4-9), entendu en première lecture, Dieu demande à Moïse de fabriquer un serpent d’airain et de le placer sur un mât, pour guérir les Israélites mordus par les serpents. Quiconque le regardait le serpent de bronze était guéri de ses blessures et restait en vie. C’était une image du salut qui nous viendrait du Christ crucifié sur la croix. Que la croix, un instrument de supplice et de mort, soit qualifiée de glorieuse et, plus encore, de croix précieuse et vivifiante a de quoi nous donner à méditer. La croix dans sa nudité peut nous effrayer ! Mais bien mieux que le serpent de bronze, le Christ en croix s’offre à nos regards pour nous guérir de toutes nos fautes. Et qui d’entre nous n’en commet pas ?
Comme ces Israélites, nous sommes marqués par la morsure du péché qui nous fait perdre courage. Notre salut consiste à nous tourner vers le Fils de Dieu, à nous tourner vers la cause de notre salut : le Christ qui meurt sur la croix. Remarquons que c’est son amour jusqu’à la mort qui est vainqueur du péché et non sa souffrance. C’est pourquoi tous les êtres sont appelés à tomber à genoux devant le Christ en croix et à le proclamer « Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,11).
Lorsque nous sentons de façon plus vive cette morsure en nous, nous ne devons pas oublier que notre salut réside dans l’accueil des grâces que Dieu nous donne par son Fils Jésus Christ. Ce sont toutes ces grâces que nous recevons en abondance dans les sacrements. Si je veux avoir la vie éternelle et guérir des blessures de mes péchés, je dois m’approcher du sacrifice du Christ. Folie pour les païens mais sagesse au regard de Dieu (1 Co 1,18).
La vie éternelle, ce n’est rien d’autre que la vie d’union avec Dieu, qui commence dès ici-bas, et qui arrive à sa plénitude au ciel. Quelquefois il nous arrive de trouver la vie chrétienne pesante, difficile, trop exigeante… On voit Dieu plus comme un juge que comme un père. Mais l’évangile d’aujourd’hui nous dit : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,17). Si nous fêtons la Croix glorieuse, c’est parce que la Croix (Passion et mort de Jésus suivies de la Résurrection) est le lieu du salut des hommes ; la Croix dit la victoire de l’amour.
Dieu ne vient pas nous compliquer la vie. Il veut juste nous sauver. « Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau et moi je vous soulagerai, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,28-30). Il ne faut pas avoir peur de Dieu, bien au contraire ; son plus grand désir est de nous sauver. La parabole de l’enfant prodigue (Lc 15,11-32) nous montre bien que Dieu ne nous attend pas pour nous juger et nous punir mais, quoi qu’on ait fait, il nous attend impatiemment pour nous accueillir encore une fois dans sa maison et nous revêtir du manteau de sa grâce.
Jésus, s’adressant à Nicodème, notable parmi les juifs et très instruit dans les Écritures, indique qu’en se faisant homme, il est vraiment descendu du ciel, et il annonce ce qu’est venu faire le Fils de l’homme. Cette façon de se nommer signifie sa mission sur la terre au milieu des hommes. Il l’accomplit devant les foules en toute occasion, par exemple lors de la guérison du paralytique, face aux scribes qui l’accusent de blasphémer (Mt 9,1-8). Pour montrer qu’il a bien le pouvoir correspondant à cette fonction, il ordonne d’ailleurs au paralytique de se lever et de rentrer chez lui (Mt 9,6). Ainsi leur démontre-t-il que « le Fils de l’homme » a bel et bien ce pouvoir. Devant ce fait, les foules sont dans la crainte respectueuse du divin et « glorifient Dieu d’avoir donné un tel pouvoir aux hommes » (Mt 9,8).
Aujourd’hui, Jésus fait référence au serpent de bronze que Dieu avait demandé à Moïse d’élever dans le désert, pour que ceux qui avaient été mordus par un serpent « brûlant » soient guéris : la victime, en effet, conservait la vie en regardant le serpent de bronze. Jésus se compare à ce serpent et annonce qu’il donnera la vie à ceux qui se regarderont vers lui, lorsqu’il aura lui-même été élevé de terre, « afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle » (Jn 3,16). Ici, le verbe « regarder » signifie adorer. En se comparant au serpent guérisseur, Jésus promet de donner la vie éternelle à celui qui le regarderait, qui l’adorerait, quand il aurait été crucifié.
Dans sa Lettre aux Galates, saint Paul évoque cette bonté et ces insondables largesses divines : « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale… » (Ga 4,4-5).
Avec la ive prière eucharistique, l’Église entière loue et remercie ce Dieu très bon, qui n’a pas abandonné ses enfants au pouvoir de la mort mais a envoyé son Fils unique qui s’est dépouillé de tout, y compris de sa dignité humaine. « Tu as tellement aimé les hommes… que tu nous as envoyé ton propre Fils pour qu’il soit notre Sauveur. Conçu de l’Esprit Saint, né de la Vierge Marie, il a vécu notre condition d’homme en toute chose excepté le péché. Pour accomplir le dessein de ton amour, il s’est livré lui-même à la mort et, par sa résurrection, il a détruit la mort et renouvelé la vie » (Prière eucharistique IV).
Après sa résurrection, ce Fils unique a envoyé l’Esprit Saint pour guider l’Église et « faire sa demeure » en chaque croyant. Cet Esprit « nous rappelle tout ce que le Seigneur Jésus nous a dit » (Jn 14,26). Et, la Sainte Trinité étant indissociable, cet Esprit Saint ne vient pas seul, le Fils et le Père sont aussi présents : la Trinité Sainte établit sa demeure au cœur du baptisé, qui est invité à la « regarder », à la bénir, à la louer et à lui parler, à chaque instant de son existence. Ainsi, nous découvrons un Dieu Père, rempli d’amour et de miséricorde, qui nous attend les bras ouverts, comme il attendait le fils prodigue.
Nous savons qu’« au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » (Saint Jean de la Croix). Notre façon de vivre la charité sera la mesure dont on se servira pour nous. Saint Paul dit dans son épître aux Corinthiens : « Nous ont été données la foi, l’espérance et la charité, mais la plus grande des trois, c’est la charité : elle est longanime, elle est serviable, elle ne cherche pas son intérêt… elle ne jalouse pas, ne fait rien d’inconvenant, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal… elle met sa joie dans la vérité… Elle ne passera jamais ! » (1Co 13). Si nous écoutons les enseignements du Christ et les pratiquons, « notre maison sera bâtie sur le roc : la pluie tombera, les torrents viendront, les vents souffleront… notre maison ne s’écroulera pas… » (Mt 7, 24-25).
Si nous pouvions mesurer l’amour avec un thermomètre, l’amour infini de Dieu envers nous le ferait éclater. Son amour est illimité. Que nous refuserait-il, puisqu’il a déjà donné son Fils pour nous sauver ? En contemplant l’immensité de l’amour de Dieu pour moi, je me demande : est-ce que je cultive des sentiments de gratitude, de louange et d’amour profond envers lui et envers mes frères et soeurs ?