B CARÊME 03 JEAN 02, 13-25 (16)

Chimay : 03.03.2024

Frères et sœurs, en ce temps du Carême, nous continuons notre montée vers la grande fête de Pâques. Les textes de la Parole de Dieu de ce jour nous révèlent un Dieu libérateur qui se fait proche de nous. Il nous rejoint dans la situation qui est la nôtre pour nous relever et aller de l’avant sur le chemin qu’il nous montre, un chemin vers Pâques.

Le texte du livre de l’Exode (20,1-17) nous raconte comment Dieu a fait appel à Moïse pour libérer son peuple de l’esclavage d’Égypte. Aujourd’hui, il lui donne sa loi pour lui apprendre à bien vivre les uns avec les autres. Dieu les aime tous de la même manière ; il veut le salut de tous. Les commandements qu’il laisse commencent cependant par des interdits : « Tu n’auras pas… Tu ne feras pas… » Ces paroles disent ce qu’il faut éviter pour ne pas retomber dans l’esclavage, mais les dix commandements sont avant tout une réponse à l’amour de Dieu, et non une condition pour en bénéficier. Cet amour culmine en Jésus mort et ressuscité. Mais cet amour est inconditionnel et doit être reçu comme tel : il ne peut faire l’objet de tractations ou de trafic.

Pour nous, il s’agit de renoncer aux idoles, ces faux dieux qui revendiquent d’être l’absolu de l’homme. Ces faux dieux sont toujours d’actualité : pensons à la course à l’argent et aux richesses matérielles, à tout type de compétitions : tout cela ne fait que nous enfermer dans notre égoïsme. Nous devons également éviter toutes les paroles méchantes et négatives qui ne font qu’ajouter un peu plus de poison à la société dans laquelle nous vivons. Les paroles que le Seigneur nous laisse aujourd’hui sont une étape importante dans la vie de son peuple. Elles sont aussi des points de repère pour nous. Plus tard, l’apôtre Pierre reconnaîtra que les paroles de Jésus sont celles de la Vie éternelle (Jn 6,68). Tout au long de ce Carême, nous sommes invités à les lire et à les relire. Elles contiennent des graines de l’amour qui est en Dieu.

L’apôtre Paul (1 Co 1,22-25), nous invite à nous tourner vers la croix du Christ qui nous rappelle son amour inimaginable : « Nous proclamons un Messie crucifié » dit-il. Si nous voulons comprendre quelque chose à l’amour de Dieu, c’est vers la croix que nous devons regarder. Le vrai Dieu se révèle là où les hommes ne voient que la honte et l’échec. Saint Paul nous rappelle que, malgré les apparences, l’amour fou de Dieu révélé sur la croix est plus puissant que nos forces humaines et dépasse ce que nous pensons connaître de lui. Le signe de la croix se présente comme la seule attestation d’un Dieu dont le nom est « miséricorde ».

L’Évangile nous montre la réponse que Dieu attend de nous et surtout ce qu’il ne veut pas. Cela se passe dans la cour du Temple de Jérusalem. Un « centre commercial » à but liturgique y avait été installé. On y rencontrait des vendeurs d’animaux et de produits pour les sacrifices ; les changeurs de monnaie y faisaient également leurs affaires. Chacun y trouvait son compte. Mais le Christ n’est pas d’accord. À la manière des prophètes, il pose un acte fort pour contester ce qui lui paraît indigne de ce haut lieu de prière.

Le Christ rappelle que le Temple est le lieu de la prière, de l’adoration du Père. Jésus, le Fils incarné, est en lui-même prière et adoration du Père. Il est le Temple véritable, qui sera profané par le péché des hommes mais relevé par la puissance de l’Esprit d’amour du Père. Ses disciples se rappelèrent un propos que l’évangile nous fait entendre par deux fois : dans la première occurrence, le souvenir porte sur un verset psalmique – « L’amour de ta maison fera mon tourment » (Ps 68,10) ; dans la seconde, il porte sur la parole de Jésus – « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jn 2,19) – parole qui nous transporte dans le temps qui suivra sa résurrection. Ainsi sommes-nous incités à méditer sur le rôle de la Parole de Dieu pour lire et interpréter les événements.

De fait, les disciples ont pu comprendre que le geste de Jésus dans le Temple relevait de ces actions symboliques posées par les prophètes, et en discerner le motif : non un accès de violence, mais l’amour pour la maison de Dieu. Un amour qui ne supporte pas le mésusage qui en est fait. Cette maison est bien sûr le lieu du culte, mais aussi le Temple intérieur ou le Temple que forme la communauté croyante.

Enfin, quand « il ressuscita d’entre les morts », les disciples purent comprendre que Jésus n’avait pas simplement subi la violence des hommes, liée à une conjoncture défavorable tant sur le plan politique que religieux, mais avait choisi de « donner sa vie » en toute conscience.

C’est pourquoi Jésus a voulu purifier le culte qui se pratiquait dans le Temple. Aujourd’hui, il nous rejoint pour purifier notre prière. L’Évangile nous apprend que Jésus ressuscité est désormais le seul chemin vers Dieu, le seul Temple où l’on peut rencontrer Dieu. Ce nouveau Temple est universel. Personne n’est propriétaire de Jésus ni de son message, ni de son action dans le monde. Son œuvre de salut est pour tous. C’est pour nous et pour la multitude qu’il a livré son Corps et versé son Sang.

Il nous faut aller plus loin dans la compréhension de cet Évangile : dans sa lettre aux Corinthiens, saint Paul écrit : « Vous êtes le temple du Christ, vous êtes le temple de Dieu » (1 Co 3,16). Il nous faut donc chasser de ce Temple tout ce qui rend impur. Les vendeurs que Jésus dénonce, c’est chacun de nous quand nous sommes encombrés par des préoccupations égoïstes ou mesquines. Ce n’est qu’en faisant le ménage en nous que nous pourrons retrouver Dieu. C’est absolument nécessaire si nous voulons accueillir dignement le Christ ressuscité.

Chaque dimanche, l’Évangile devient ce « fouet à cordes » que Jésus utilise pour changer notre cœur et notre vie. Le Seigneur est là pour chasser de nos cœurs l’attachement à nous-mêmes. Il renverse la ténacité que nous avons dans la poursuite de nos affaires à n’importe quel prix. Pour lui, il n’y a pas de bonheur contre les autres ni sans les autres. Et s’il n’y a pas de place pour Dieu dans notre vie, il n’y en aura pas pour nos frères non plus. L’Évangile nous est donné pour qu’il change nos cœurs. Ayons le courage de faire le « ménage du Carême » pour accueillir dignement le Christ de Pâques.

Si Jésus demeure en nous et nous en lui, alors nous sommes son corps, nous sommes son Temple. Dieu habite alors en nous, et tous ceux qui le veulent peuvent porter cette présence de Dieu partout dans le monde. Dieu, qui demeure en nous comme en sa propre maison, peut accomplir en nous et par nous des merveilles, si seulement nous le laissons faire. Si nous le croyons vraiment, Dieu fera de nous des apôtres qui, sans quitter leur modeste lieu de travail, iront par toute la terre porter cette présence de Dieu si nécessaire pour la paix dans le monde et le salut de l’humanité. Soyons alors fermes dans notre choix pour Dieu et mettons-le courageusement à la première place en nos vies.