C ASCENSION LUC 24, 46-53 (11)

Chimay : 26.05.2022

Frères et sœurs, Au matin de Pâques deux hommes apparaissent aux femmes et leur disent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (Lc 24,5). Quarante jours plus tard, ils s’adressent aux disciples, alors que Jésus disparaît dans une nuée : « Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? » (Ac 1,11). Saint Luc relie les deux événements. Jésus n’est pas à chercher parmi les morts, il est vivant. Ressuscité, il entre dans la gloire du Père.

En ce jour de l’Ascension, nous célébrons le Christ ressuscité qui entre dans la gloire du Père. C’est sa dernière apparition à ses disciples. Désormais, il n’est plus visible sur la terre, mais il reste présent « tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Les apôtres sont pleins de joie car ils sont habités par la présence du Christ. De retour à Jérusalem, ils sont tous les jours au temple à bénir Dieu. Le soir de Pâques, Jésus leur avait donné le souffle de l’Esprit Saint. Au jour de la Pentecôte, ce souffle les transfigurera en témoins inlassables du Christ ressuscité. Avec eux, c’est le temps de l’Église qui commence. Et ils sont remplis de joie, la joie de se savoir aimés de Dieu.

La bonne nouvelle c’est aussi la confiance que Dieu nous fait. Le Christ ressuscité est présent partout. Il est tous les jours avec nous. Mais il n’est pas l’inquisiteur dont il faudrait se méfier. Il n’est pas là pour nous surveiller ni pour brimer notre liberté. Nous sommes créés libres et responsables. Son amour n’est pas écrasant. Il est libérant ; il fait confiance. Il ne cesse de nous dire : « N’ayez pas peur, c’est moi » (Jn 6,20). Au moment où il se retire, Jésus lève les mains et bénit ses disciples. Il est comme un père qui écarte les bras pour laisser son enfant marcher seul pour la première fois. Son amour nous rend libres. Il fait de nous des hommes et des femmes responsables, adultes dans la foi.

Cette confiance de Jésus à notre égard n’a d’égal que celle qu’il a pour son Père. Pour Jésus ce fut d’aller jusqu’à la croix. Un tel amour est à la fois source de joie et de souffrance. La confiance est source d’émerveillement. Mais elle est aussi un risque. C’est une aventure qui nous apprend sans cesse à dépasser nos propres limites. La confiance donnée et reçue nous grandit et nous rend humbles.

En ressuscitant Jésus et en l’élevant jusqu’à lui, Dieu confirme que ce chemin est celui de la vraie vie. Accepter le risque de la foi et mettre sa confiance en l’amour de Dieu nous fait passer, avec le Christ, de la mort à la vie. Notre Dieu est un Père plein d’amour qui croit en nous. Il fait de nous des hommes et des femmes libres, capables d’avancer sur le chemin qui conduit à lui. C’est par Jésus et avec lui que nous pourrons avancer sur ce chemin. En d’autres termes, on peut dire que l’Ascension du Christ nous prépare à notre ascension ; cette montée a commencé au jour de notre baptême et elle doit se continuer tout au long de notre vie.

Le Christ est le grand prêtre qui nous introduit dans l’intimité de Dieu, nous faisant franchir non plus le rideau du sanctuaire qui cachait autrefois la demeure de Dieu aux yeux des juifs, mais tout ce qui continue à voiler aujourd’hui le visage du Père : l’athéisme ambiant, notre incroyance et nos doutes, nos manques d’espérance. À la suite du Christ « par lui, avec lui et en lui », nous nous tenons avec pleine assurance devant la face de Dieu.

Cette fête de l’Ascension est une bonne nouvelle pour notre monde qui en a bien besoin. Nous le voyons trop souvent plongé dans la méfiance et le doute. Pour beaucoup, l’avenir semble fermé. « Si on veut gagner la confiance, il faut la mériter », dit-on. Elle se gagne en gouttes et se perd en litres. Quand la rentabilité et l’efficacité deviennent les maître-mots, cela devient angoissant. Ils sont nombreux ceux et celles qui ne peuvent plus supporter cette situation paralysante où le mot d’ordre n’est pas : « Nous t’aimons ; nous te faisons confiance » ; mais : « Sois performant ! »

Devant tant de souffrances, nous entendons régulièrement cette question : « Où est-il ce Dieu dont vous nous parlez ? » Il est bien là, présent au cœur de nos vies. Mais le problème c’est que nous sommes ailleurs. C’est la réflexion de Madeleine Delbrêl : « Seigneur, si tu es partout, comment se fait-il que je sois si souvent absente ? »

Les apôtres ont été envoyés dans toutes les nations. Leur mission a été de proclamer l’amour vainqueur. Aucune mort ne pourra arrêter sa course. C’est de cela que nous avons à témoigner dans notre vie de tous les jours. Le Christ ressuscité n’est plus visible à notre regard, mais le monde doit pouvoir contempler son visage à travers nous, entendre son message à travers nos paroles et toute notre vie. Et surtout, les gens doivent y découvrir quelque chose de l’amour passionné de Dieu pour tous les hommes. C’est cela la confiance que Jésus nous fait. Alors, ne perdons pas une minute. C’est à chaque instant que nous avons à rayonner cette lumière qui vient de Dieu.

L’Ascension de Jésus fait naître en nous une grande espérance. C’est une joie très forte que nous ne pouvons pas garder pour nous. Le Christ vainqueur de la mort et du péché veut nous associer tous à sa victoire. Après 40 jours d’apparitions et d’enseignements, le Christ n’abandonne aucun de ses disciples. Il nous donne chaque jour son Esprit Saint qui fait de nous des témoins et des messagers de son amour. C’est avec joie que nous nous engageons activement à l’épopée de l’évangélisation. Il n’est pas question de conquérir mais de servir et d’aimer au nom du Seigneur qui nous envoie. Nous sommes tous appelés à vivre en ce monde en témoignant de cette Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu.

En ce jour, prions le Seigneur en communion les uns avec les autres. Rappelons-nous que c’est auprès de lui que nous trouvons la source de toute vie et de tout amour. Qu’il nous garde toujours unis à lui pour que nous soyons toujours fidèles à la mission qu’il nous confie. Les apôtres, eux, « retournèrent à Jérusalem, remplis de joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu » (Lc 24,52-53). Et nous ?