A AVENT 04 MATTHIEU 01, 18-24 (18)

Scourmont : 21.12.2025

Avent4Frères et sœurs, en ce 4e dimanche de l’Avent, la liturgie nous propose deux récits de l’Annonciation ; nous avons tout d’abord celui de la première lecture qui est tirée d’Isaïe (Is 7,10-16) : nous sommes au ive siècle avant Jésus Christ ; la situation du peuple d’Israël est vraiment dramatique : il est menacé de partout par les armées  étrangères. Face à ce danger, Achaz, le jeune roi d’Israël, doit faire quelque chose, mais ne fait pas le bon choix. Il abandonne le vrai Dieu pour se tourner vers les dieux païens et s’attirer leurs faveurs.

La situation est grave, voire désespérée, puisque la survie de la ville de Jérusalem est menacée par l’invasion étrangère. La proposition du roi semble raisonnable, puisqu’à la sollicitation du prophète (« demande un signe ») il déclare ne pas vouloir tenter Dieu. Il semble qu’il reste ainsi dans la norme définie en Israël où l’on respecte Dieu en ne le soumettant pas à l’épreuve. Mais Isaïe n’est pas dupe et il accable le roi et les siens de ses reproches : « Maison de David ! Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes que vous lassiez la patience de Dieu… » (Is 7,13).

Que s’est-il passé ? Quelle a été la faute du roi Achaz ? La réponse n’est pas donnée dans le livre d’Isaïe. Elle se trouve dans la lecture des livres historiques. On apprend en lisant le livre des Rois qu’Achaz fit une chose abominable : « Il fit passer son fils par le feu » (2 R 16,3). Il a donc fait un sacrifice humain selon la tradition des peuples cananéens. Or le récit de la Genèse (Gn 22), qui rapporte le refus de la mise à mort d’Isaac, montre que la tentation était grande de poursuivre ces rituels qui s’avèrent barbares aux esprits formés par la tradition chrétienne.

Dans le récit de la Genèse, il est bien écrit qu’Abraham entend un ordre qui lui vient de Dieu et que c’est Lui qui intervient pour l’empêcher d’immoler son enfant. Pendant longtemps il y eut à Jérusalem, dans la vallée de la Géhenne, des sacrifices où, selon l’expression consacrée, on faisait passer « les fils par le feu ». Le reproche d’Isaïe se rapporte à cet acte abominable. Dans la panique devant l’invasion imminente, le roi a cru bon de renouer avec les pratiques cananéennes ; il a sacrifié son fils. Ce faisant, il s’est déshonoré comme père et il a perdu tout droit dans la transmission de la promesse faite à son père David. Face à cette rupture, Isaïe annonce que Dieu va agir et il prononce cette parole bien connue : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel, car Dieu est avec nous » (Is 7,14). 

Le mouvement du texte est clair : puisque le roi a rompu le fil de l’Alliance, Dieu va le renouer. Cet acte sera entièrement de sa part et non du fait du roi. Un enfant a été conçu ; il recevra le nom d’Emmanuel. La signification du terme est que l’Alliance sera maintenue par la présence de Dieu continuée malgré le péché. Mais cet enfant ne sera pas nommé par le roi, ni par un autre homme, car c’est la mère qui nommera son fils – ce qui va à l’encontre du droit habituel en Israël selon lequel l’enfant reçoit le nom du père.

Précisément, le prophète Isaïe invite le roi Acaz et chacun de nous à nous tourner vers le seul vrai Dieu. C’est sur lui qu’il nous faut compter. En ce temps de l’Avent, nous sommes invités à retrouver le vrai sens de Noël. Il ne s’agit pas de courir après toujours plus de consommation mais d’accueillir Celui qui vient nous sauver.

Cette annonce de la venue du Sauveur, nous la retrouvons aussi dans l’Évangile de ce dimanche : c’est l’annonce à Joseph qui est invité à prendre chez lui Marie son épouse : « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20). Ces paroles nous disent la mission que Dieu confie à Joseph : il est appelé à être le gardien de Marie et de Jésus ; le pape François ajoute que cette garde concerne aussi toute l’Église. Saint Joseph est désormais le protecteur mystique de toute l’Église. « Il est la lumière qui répand ses rayons bienfaisants dans la maison de Dieu qui est l’Église » (Paul vi, 19.03.1966).

Cette garde, Joseph l’exerce avec discrétion et humilité, dans le silence. Les Évangiles ne nous rapportent aucune parole de lui. Seulement des gestes, mais qui témoignent de sa présence constante et de sa fidélité totale, même quand il ne comprend pas. Il accompagne chaque moment de la mère et du fils avec prévenance et amour. Il est auprès d’eux dans les moments sereins et dans les moments difficiles.

Joseph est donc le gardien de Marie, de Jésus et de toute l’Église. Tout cela n’est devenu possible que grâce à sa constante attention à Dieu : Joseph est ouvert à ses signes et disponible à son projet. Il est le gardien parce qu’il sait écouter Dieu, il se laisse guider par sa volonté, il est attentif à ce qui l’entoure ; il sait prendre de sages décisions. Comme lui, nous sommes tous appelés à garder le Christ dans notre vie et à suivre ses invitations. C’est lui qui nous procure la joie d’entrer dans le mystère de Noël.

Toutefois nous ne pourrons vivre un vrai Noël que si nous prenons aussi chez nous Marie, notre Mère. Avec elle, nous accueillons Jésus qui « est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10). C’est dans la prière et le recueillement que nous pourrons, nous aussi, nous ajuster à la volonté de Dieu et participer à son projet. Comme Marie et Joseph, nous apprenons à devenir les acteurs d’un projet qui nous dépasse. Comme eux, le Seigneur nous conduit sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Mais les paroles qu’il nous adresse sont celles « de la vie éternelle » (Jn 6,68).

Dans l’épître aux Romains (Rm 1,1-7), saint Paul nous annonce précisément l’accomplissement de ce salut en Jésus. Il nous décrit toute la richesse du mystère déployé depuis sa naissance jusqu’à sa mort et sa résurrection. Lui-même a été choisi par le Christ pour être apôtre : sa mission a été d’annoncer le salut en Jésus Christ au milieu des nations païennes. Comme le prophète Isaïe, il a été affronté à l’incrédulité et à la persécution. Mais rien ni personne ne peut empêcher Dieu de vouloir sauver le monde. La fête de Noël nous rappelle que nous attendons la venue de celui qui unifiera en lui Dieu et l’homme. Le pape Jean-Paul ii, en une phrase restée célèbre, disait que « le Christ donne l’homme à Dieu et Dieu à l’homme » (Redemptor Hominis). Cette citation de Jean-Paul ii exprime la vision chrétienne de la Rédemption : le Christ, en donnant l’homme à Dieu, le rétablit dans sa dignité et sa relation originelle avec le Créateur. Parallèlement, en donnant Dieu à l’homme, il réalise le don de soi du Christ à Dieu et la communion des hommes avec Dieu. 

Beaucoup ne connaissent pas et ne veulent pas entendre parler du vrai sens de Noël, de Jésus, de Marie, de la crèche. Mais le message de l’Évangile doit être annoncé partout dans le monde. Notre mission n’est pas de faire croire mais de dire et de témoigner. Le Seigneur nous assure que l’Esprit Saint agit dans le cœur de ceux et celles qu’il met sur notre route. Le cardinal Eyt, ancien archevêque de Bordeaux, disait que « nous ne sommes pas deux mille ans après Jésus Christ mais deux mille ans avec lui ». Aujourd’hui comme autrefois, nous pouvons toujours compter sur lui. Il est “Emmanuel”, Dieu avec nous. Il est Celui qui nous fait entrer dans l’alliance définitive entre Dieu et l’homme.