2e dimanche de l’Avent
(Mt 3,1-12)
Décembre 2022
Frères et sœurs, quand on pense à l’Avent, c’est plutôt une image de douceur qui nous vient. Non pas la douceur des températures extérieures, mais celle de ces quelques semaines qui nous préparent à la joie de Noël, aux rencontres familiales, à ce que nous pourrions appeler, dans un monde souvent trop dur, la ‘trêve’ de Noël. Pourtant, dimanche dernier, l’évangile était loin de la douceur, puisque cette venue du Seigneur était comparée au temps du « déluge qui les a tous engloutis » (Mt 24,39) ou encore à un voleur qui perce un mur. La semaine prochaine, ce sera l’image d’un Jean-Baptiste dans sa prison qui s’interroge (11,2). La semaine suivante, ce sera celle d’un époux, Joseph, qui envisage « de renvoyer » Marie, sa fiancée (1,19). Et aujourd’hui, nous venons de l’entendre, c’est « la colère qui vient » (7), « la cognée [qui] se trouve à la racine des arbres » (10), « la paille, [qui] brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » (12). Pas de douceur en tout cela, pas de trêve ; finalement, à l’image de ce que vit notre monde, où la guerre se poursuit et, où les plus pauvres, les plus faibles, les plus seuls semblent l’être chaque jour davantage.
Pourtant, c’est bien dans ce monde et dans ce temps, au milieu de ces malheurs, que la venue du Messie nous est annoncée : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (2). Oui, il nous faut nous convertir pour nous ouvrir à cette réalité qui vient à nous, parce que, après tout, nous ne sommes pas étrangers à ce qui frappe notre monde. La haine et la guerre qui s’abat à l’est de l’Europe ou du Congo habitent aussi parfois dans quelques recoins de nos cœurs. L’exclusion dont souffrent tant de nos contemporains habite elle aussi parfois notre manière de choisir nos propres relations, nos propres frères et sœurs, celles et ceux qui le sont, et celles et ceux qui ne le seraient pas.
L’Avent, à l’instar du prophète Jean-Baptiste, veut nous réveiller, nous pousser à regarder nos propres failles, nous débarrasser de nos carapaces de bonne conscience ou de confort, pour produire, sous l’action de Dieu, les fruits, la naissance, qu’il attend de nous. Oui, nous pouvons entendre ces mots comme nous étant aussi adressés : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. » (7-8). C’est rude, mais, nous l’avons dit, notre monde est rude pour tant et tant de personnes. Ces paroles de l’Avent nous appellent à nous faire violence, mais pour – enfin – nous ouvrir à la vie, naître et faire naître à la vie de Dieu.
Jean-Baptiste invite à cette violence, comme l’ont fait tant de ses prédécesseurs. Mais si le prophète parle ainsi, ce n’est pas pour nous faire mal, nous rabaisser, mais bien parce que, d’une part, il a confiance en Dieu, en cette force de l’esprit de vie et d’amour qu’il veut faire grandir en nous. Et aussi, d’autre part, parce qu’il sait l’homme capable de ce Dieu d’amour, capable de l’amour de Dieu. Il ne veut pas qu’en ces jours qui nous préparent à Noël, nous nous arrêtions à mi-chemin, nous berçant de la douceur des illusions, de la magie. Il ne veut pas qu’en préparant Noël, nous préparions le Vendredi Saint, c’est-à-dire cette écoute et cette suite superficielles de Jésus qui, à l’instar des foules, le conduira ensuite à l’abandon et à la mort dans la violence.
Dans ce désert de Judée, au bord du Jourdain, Jean-Baptiste veut que nous vivions un nouvel Exode nous qui sommes en Exil. Il veut, qu’à la suite de Jésus, nous entrions dans cette Terre promise, ce « royaume […] tout proche » (2), cette nouveauté de Dieu pour aujourd’hui, pour chacun-chacune d’entre nous, et pour nous tous, ensemble. Et ce royaume n’est ni géographique, ni dynastique – « car […] des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham » (9). Non, ce royaume, c’est un style de vie, une conversion. Notre foi n’est pas une sécurité, comme la Loi l’était faussement pour les pharisiens. Non, notre foi nous place et nous replace sans cesse, chaque jour, chaque Avent, face à notre Dieu et face à nos frères. Elle est recherche et désir, interrogation, mise en pratique et remise en cause toujours à reprendre. Le piège de notre appel, de notre baptême, de notre élection, serait de nous installer et alors, de nous fourvoyer.
Frères et sœurs, n’ayons pas peur d’entendre la rudesse du message de Jean-Baptiste. Il n’est justement pas là pour nous faire peur, mais bien pour dire le sérieux et la dignité de notre vocation de chrétien. Il dit, en cet Avent, l’attente de notre monde. Il dit l’amour de notre Dieu qui vit et souffre avec chacun-chacune d’entre nous, qui vit le tragique de notre monde, auquel il promet la proximité du royaume, proximité dont nous devons être, par notre conversion, les signes et les témoins, les fruits et la naissance.