Immaculée Conception (2015)
Ce matin nous avons la joie de réentendre ce beau texte de l’Annonce faite à Marie, de l’annonce du commencement de l’incarnation. Incarnation rendue possible par le oui sans réserve de la Vierge : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Ce oui, comme vous le savez, est réponse à une parole attendue et entendue ; à une parole dont Marie a reconnu la puissance, l’importance, la vérité ; à une parole, en conséquence, à laquelle elle s’est soumise, qu’elle a faite sienne, qu’elle a incarnée dans sa vie, dans son quotidien. Et c’est parce que Marie est cette véritable « servante du Seigneur », capable de dire un tel oui, et surtout de vivre ce oui sans jamais s’en détourner ;
capable d’accueillir en elle le Verbe de Dieu, que l’Eglise a affirmé qu’elle est l’Immaculée Conception, c’est-à-dire celle qui fut « préservée intacte de toute souillure du péché originel ».
Nous n’entrerons pas ici dans le débat sur le péché originel, sur ce qu’il est vraiment, puisque de notre côté nous pouvons reconnaitre sans peine que nous ne sommes pas, ou difficilement, au quotidien, des hommes et des femmes d’un oui sans réserve. En effet, nous voulons nous disposer à la volonté de Dieu, et nous sommes, clopin-clopant, ses servantes et serviteurs, mais nous savons aussi qu’il y a encore bien du chemin à parcourir pour être ce oui, celui qui se donne sans rien garder. Ce chemin nous est ouvert, mais nous ne pourrons jamais le parcourir seul, puisque c’est Dieu lui-même qui nous fera parvenir au but. Notre communion plénière avec lui sera alors le fruit de notre rédemption, fruit de cette incarnation qui a mené Jésus, et nous avec lui, à la Résurrection.
Et c’est ce dont a bénéficié Marie de façon anticipée, « première des rachetés ». Elle est en quelque sorte libérée du péché, ou mieux, libre du péché. Ainsi, la fête de l’Immaculée Conception, à laquelle il nous est parfois difficile d’adhérer, peut être lue tout simplement comme une promesse qui nous est faite, comme une lumière qui nous est donnée, comme un phare pour notre foi et notre vie. Car les dons qui sont faits à Marie n’ont pas pour seule finalité son propre accomplissement, ce qui la séparerait de nous. Non, toutes les grâces individuelles, et a fortiori celles qu’elle a reçues, sont appelées à rejaillir sur l’ensemble de la communauté. Elles mettent en route celui qui les reçoit faisant de lui un appelé, un envoyé. Marie, « Comblée-de-grâce », a donc compris combien le privilège qui lui était fait ne pouvait s’accomplir, se réaliser, que dans son oui de « servante du Seigneur », et donc de servante de l’humanité.
L’ange Gabriel lui fut envoyé. Pour notre part, nous ne sommes pas à priori
visités par un ange tous les jours, et pourtant nous pourrions bien nous décider à en accueillir un, voire même plusieurs, chaque jour ; et aussi à être nous-mêmes pour les autres cet ange annonciateur du salut de Dieu, de la réalisation de la promesse. Et cela pourrait se faire, et se fait déjà bien sûr, en découvrant, en accueillant et en offrant la Miséricorde du Seigneur.
Vous le savez, c’est aujourd’hui que s’ouvre l’année sainte de la miséricorde, et vous savez aussi que le plus bel envoyé de Dieu, ce qui peut nous retourner, nous convertir, susciter notre oui, réaliser en nous la promesse de notre humanité originelle, notre divinisation, c’est justement la découverte de la miséricorde. Si nous n’avions pas rencontré cette miséricorde, nous ne serions pas là aujourd’hui. Notre communauté, notre assemblée, sont des fruits de la miséricorde, au même titre que l’immaculée Conception de Marie qui en est son expression où, comme le dit le pape François, « face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du pardon ».
Oui, Frères et sœurs, à l’image de Marie qui fut prédisposée dès sa conception à accueillir le Verbe de Dieu, nous sommes invités à notre tour à nous préparer à le recevoir, dans sa miséricorde, pour pouvoir nous aussi l’offrir au monde. Un regard sur notre histoire sainte, individuelle et communautaire, nous permettra de discerner cette miséricorde à l’œuvre, et de reconnaitre aussi combien nous en avons parfois abusée mais sans jamais réussir à l’épuiser. Car cette miséricorde c’est l’expression de la fidélité de Dieu là-même où nous pouvons lui être infidèle. Un Dieu qui ne cesse de nous répéter que ce n’est pas parce que nous sommes parfois loin de lui, absents, que lui est loin de nous, absent.
Lorsque le pape François a introduit cette année de la miséricorde, il nous a appelés à œuvrer concrètement dans nos vies, dans notre monde. Alors, par l’intercession de la Vierge Immaculée, que le Dieu de miséricorde nous donne d’être, et peut-être d’abord d’avoir le réel désir d’être, les serviteurs fidèles de ceux qui nous sont confiés, et de percevoir, à notre tour, leur fidélité miséricordieuse.