26 septembre 2025 -- vendredi, 25ème Semaine du Temps Ordinaire

Ag 1, 15b – 2, 9 ; Lc 9, 18-22

Homélie

Qui est Jésus?

Ceci a sans doute été durant longtemps, pour nous, une question théorique, qui a pris un sens nouveau le jour où nous avons été amenés à nous interroger sur notre propre identité. (Même si nous ne nous sommes peut-être pas posé la question explicitement.).

La réponse à la question « qui est Jésus? » conditionne celle à la question « qui suis‑je? ».

Le Fils de Dieu a accepté toutes les dimensions de l'existence humaine. Les livres pieux des derniers siècles nous ont parlé d'un Jésus qui avait la vision béatifique depuis le début... Mais la Christologie contemporaine nous fait redécouvrir un Jésus plus conforme à ce que nous dit le N.T. : un Jésus qui croît en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes -- un Jésus qui croît dans la découverte de sa mission et de son identité. Un Jésus aussi pleinement humain que pleinement divin, qui comme tout être humain a besoin d'être confirmé par ses amis dans la perception initiale et ensuite grandissante de son identité.

Plus je médite l'Evangile que nous venons de lire, plus je suis convaincu que quand Jésus dit à ses disciples: "pour vous qui suis‑je ?", ce n'est pas là une question théorique. Ce n'est pas non plus un procédé pédagogique. Il a besoin, lui, Jésus, d'entendre la réponse de Pierre: "Tu es le Messie de Dieu", et cette confirmation lui permet d'assumer pleinement ce qu'Il percevait déjà dans son âme humaine: "Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les Anciens... qu'il soit mis à mort et qu'il ressuscite..."

Jésus sait reconnaître les signes des temps dans sa propre existence: il y a pour lui un temps pour prêcher avec courage et un temps pour se cacher, un temps pour vivre et un temps pour mourir. Ses disciples, et Pierre en particulier, l'aident à faire ce discernement...

Il y a un temps pour tout, un temps pour chaque chose sous le soleil. Il ne faut surtout pas lire cela avec notre conception occidentale du temps. Pour nous le temps est un immense vide, une ligne continue avec un point de départ et un point d'arrivée: un vide qu'il faut remplir. (Nous parlons parfois d'occuper le temps, et même de tuer le temps.) La mentalité sémitique ignore cette conception du temps. Ce qui existe, pour le Sémite, ce n'est pas une durée qui sera remplie. Ce qui existe, c'est avant tout un certain nombre de réalités, comme la mort, la joie, la peine, la guerre. Chaque réalité a un temps qui lui est propre. Au cours de notre existence humaine nous rencontrons certaines de ces réalités avec leur temps propre. Et l'important est de reconnaître chacune de ces réalités avec leur temps propre. Il y a des temps que nous ne connaissons personnellement qu'une fois, comme la naissance et la mort, mais il y a d'autres temps que nous visitons souvent, comme la joie et la tristesse, la paix et la guerre, etc. Jésus reproche à ses contemporains de reconnaître le temps météorologique de savoir en regardant les signes du firmament, qu'un temps de pluie ou un temps de soleil approche, mais de ne pas savoir reconnaître les temps du Royaume de Dieu.

En ce qui concerne l'avenir de nos communautés tout comme en ce qui concerne notre existence personnelle, notre responsabilité n'est pas simplement de faire des calculs humains mais de savoir identifier quel temps se présente à nous, et d'y correspondre: est‑ce un temps de croissance et d'expansion ou un temps d'attente, et peut‑être même en certains cas un temps de mort.

Au cours de cette célébration, demandons la grâce de savoir reconnaître le temps que nous avons à vivre.

Armand Veilleux