11 septembre 2025 – Jeudi de la 23e semaine du Temps ordinaire

Lc 6, 27-38

Homélie

En lisant ces recommandations de Jésus, on aurait presque envie de lui dire : « Mais tu n'es pas sérieux ! Tu veux vraiment que nous agissions avec autant de naïveté ? Que nous nous laissions écraser sans nous défendre et que nous allions jusqu'à aimer ceux qui nous haïssent ? Est-ce possible ? »

Mais Jésus, ici, dans ce qui était chez Matthieu le Sermon sur la montagne, mais qui, chez Luc, ressemble davantage au Sermon dans la vallée, ne parle pas en images. Il ne raconte pas de paraboles qu'il faudrait décoder. Il énonce très clairement des exigences qui n'ont pas besoin d'être décodées, même si nous savons qu'il n'est pas facile de les respecter.

Tout ce que Jésus nous recommande de faire dans cet Évangile : aimer nos ennemis, faire du bien à ceux qui nous haïssent, souhaiter du bien à ceux qui nous maudissent, tendre l'autre joue à ceux qui nous frappent, ne pas exiger de remboursement de ceux qui nous volent, etc. n'a en réalité rien d'extraordinaire... puisque c'est ce que Dieu fait à notre égard chaque jour. Soyons donc miséricordieux, comme notre Père céleste est miséricordieux.

Revenons un instant à l'histoire de David. Après sa victoire étonnante sur le géant Goliath, il fut incorporé dans l'armée d'Israël, sous l'autorité du roi Saül, et, de bataille en bataille, il brilla de plus en plus par ses exploits, au point de susciter la jalousie féroce de Saül, qui décida de l'éliminer et qui partit en guerre contre lui avec trois mille hommes choisis dans tout Israël. David, traqué, avec très peu de gens pour le défendre, a une occasion inespérée de tuer Saül. Il ne le fait pas. Pourquoi ? Parce qu'il a compris que Saül est plus grand que ses actions. Ses actions, même les plus basses et les plus viles, ne le définissent pas. Non seulement, en tant qu'être humain qui commet ces actions, il est plus grand que celles-ci, mais surtout, il est l'oint du Seigneur.

La seule façon pour nous de mettre en pratique les recommandations de Jésus dans cet Évangile est d'être pleinement conscients que chaque personne que nous rencontrons, quelle que soit son attitude envers nous ou envers la société, reste une personne créée à l'image de Dieu, à qui Dieu offre toujours sa miséricorde – comme il le fait pour nous – et une personne qu'il a choisie pour poursuivre son œuvre dans ce monde d'une manière ou d'une autre.

Il ne s'agit pas d'être naïf et de ne pas reconnaître comme un crime ce qui est un crime, comme de la lâcheté ce qui est de la lâcheté ou comme de la faiblesse ce qui est de la faiblesse. Ce n'est pas ce que Jésus veut dire lorsqu'il nous demande de ne pas juger. David, par exemple, n'excuse pas l'attitude de Saül, mais laisse le jugement à Yahwé.

Si nous avons le droit de reconnaître le mal comme tel, et même le devoir de dénoncer l'injustice et d'utiliser tous les moyens pour faire triompher la vérité là où règne le mensonge, il n'en reste pas moins que nous ne savons pas ce qu'il y a dans le cœur des autres et que Dieu seul en est le juge. Le respect de chaque personne, créée à l'image de Dieu et objet de son amour miséricordieux, exige que nous ayons à son égard la même attitude que Dieu.

C'est très simple ! --- même si ce n'est jamais facile.

Armand VEILLEUX