10.3.1. L’élaboration de la ratio institutionis de 1990(par dom Armand Veilleux)

Les constitutions de notre ordre, élaborées entre 1967 et 1987, puis approuvées par le saint siège en 1990, furent complétées par un important document appelé Ratio institutionis ou « document sur la formation ». ce document, rédigé dans l’esprit même des constitutions, fut, comme celles-ci, le fruit d’un long travail où s’impliquèrent toutes les communautés et toutes les Régions de l’ordre, avant d’être étudié, discuté, amendé et voté à la Réunion Générale mixte de 1990. Pour comprendre ses lignes de forces et le sens que l’ordre a voulu lui donner, il peut être utile de jeter d’abord un coup d’œil non seulement sur son histoire, mais aussi sur sa préhistoire.

I. Préhistoire : La «Ratio » de 958Jusqu’en 955 dans les monastères d’hommes, à de rares exceptions près, tous les moines choristes devenaient prêtres. La formation des novices se donnait en deux noviciats parallèles, l’un pour les choristes et l’autre pour les convers. Pour les convers, une fois le noviciat terminé, il n’y avait plus généralement aucune forma-tion systématique. ils assistaient aux chapitres de l’abbé les dimanches, aux ser-mons les jours de fêtes de sermon, et aux répétitions que leur donnait leur père maître. en plusieurs monastères ces répétitions n’étaient que de pieuses réflexions de nature à réchauffer la ferveur (fervorino !) ; ailleurs c’était un enseignement un peu plus solide, genre catéchisme. Quant aux choristes, dès la fin du noviciat, ils commençaient les études en vue du sacerdoce. La formation du noviciat compor-tait des cours sur la Règle et les vœux, ainsi que l’apprentissage des observances : tout ce qu’il fallait savoir pour faire profession en connaissance de cause !dans l’ensemble, les études théologiques dans notre ordre étaient plutôt fai-bles, même si certains monastères avaient une excellente tradition de formation spirituelle et doctrinale. on utilisait en général les mêmes manuels qui étaient utilisés dans les Grands séminaires ; mais la formation, dans la plupart des cas, était loin d’avoir la même valeur académique, quoique, par ailleurs, la formation 37 dom armand veilleux est abbé de scourmont depuis 999, après avoir été abbé de mistassini (canada) de 969 à 976, de conyers (USA) de 984 à 990, Procureur de l’ordre de 990 à 998.
249Chapitre X : lignes de force de l’évolution au cours du xxe spirituelle pouvait être supérieure. après le noviciat et les études théologiques, il y avait peu de formation organisée. on tenait simplement des « conférences théo-logiques » pour les prêtres.vint alors, en 956, un document du saint-siège, Sedes Sapientiae, concernant la formation et plus spécifiquement les études dans les communautés religieuses. des exigences nouvelles étaient posées à toutes les communautés. en particulier, on demandait que, dans les monastères où se faisaient les études (ce qui était la tradition de notre ordre), il fallait des professeurs qualifiés, possédant des diplô-mes reconnus.Sedes Sapientiae exigeait aussi que chaque institut religieux se donne une Ratio Studiorum. La nôtre fut publiée en 958. elle portait pour titre: «Ratio Institutionis, praesertim studiorum». L’accent était mis nettement sur les études. et cela fut heu-reux, car les études étaient vraiment négligées dans l’ordre jusqu’alors.il ne faut pas oublier que c’était l’époque où, sous l’influence des Pères de Lubac, Rahner, congar, chenu, et de bien d’autres, la théologie s’orientait vers une redécouverte de ses bases scripturaires et patristiques. cela conduisit donc à une redécouverte et une compréhension nouvelle de notre tradition monastique, y compris celle de la Lectio divina.dom Gabriel sortais prit très au sérieux ces exigences, et cela aboutit à la construction de monte cistello, qui compta jusqu’à près de 90 étudiants, l’année de l’ouverture du concile.1965 : Conséquences du Décret d’UnificationLe décret d’unification, supprimant non pas les frères convers, mais la distinction entre deux classes dans nos communautés, instaurant ainsi une seule catégorie de moines, posa d’une façon nouvelle la question de la formation. a cette époque, dans plusieurs monastères d’hommes, un courant vers ce qu’on appelait un «mo-nachisme laïc» se faisait sentir. de plus en plus on éprouvait le besoin de former des «moines» avant de former de «futurs prêtres».c’est alors aussi que des efforts de collaboration se dessinèrent entre moines et moniales. tous en profitèrent. du côté des moniales la formation n’avait pas toujours été très solide doctrinalement, mais elle a toujours été orientée vers la vie monastique et non vers le sacerdoce !1968 : Document sur la Formationon sentit le besoin en 968 de revoir notre Ratio, à cause précisément de toute cette évolution. une commission fut constituée de représentants de la plupart des