Assomption de la Vierge Marie

15. 8. 2023

               Avec la célébration de la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie nous arrivons proprement à un sommet ou peut-être pour mieux dire au sommet des conséquences du dogme de l’incarnation du Verbe de Dieu en notre chair. Si nous voulons entrer en profondeur dans le mystère de cette fête, c’est là que nous devons d’abord regarder. L’incarnation du Verbe, n’est rien d’autre que la rencontre de la divinité et de l’humanité dans la personne du Christ pour former une « divinohumanité ». C’est la raison d’être et également la condition de possibilité de notre propre résurrection et tout d’abord, comme nous le fêtons aujourd’hui, de l’Assomption de Marie, la mère de Dieu.

            C’est dire que ce que nous célébrons aujourd’hui n’est pas anecdotique. Cela ne regarde pas seulement la Vierge Marie, comme s’il s’agissait d’un privilège qui ne la concernerait qu’elle seule. Certes, l’assomption en tant que telle est unique en Marie, dans le sens que Marie est la seule qui à la fin de son existence s’est trouvée enlevée par Dieu dans son corps aussi bien que son âme comme l’avaient été avant elle Enoch et Elie mais d’une manière suréminente par rapport à ces derniers, puisqu’elle est la theotokos, la mère de Dieu, et ce privilège insigne se trouve chez elle en étroite relation avec l’autre dogme marial de l’Immaculée conception et en est son corollaire. Mais la victoire sur la mort et le néant qui se réalise chez elle par l’assomption de sa nature humaine se réalisera aussi pour nous un jour par la résurrection de notre chair et cet article du credo est aussi en étroite relation avec la célébration d’aujourd’hui. La fête de l’Assomption ravit nos cœurs en nous faisant contempler la Nouvelle Eve montant là où le Nouvel Adam, le Fis bien aimé du Père « fut enlevé vers Dieu et vers son trône » comme le dit l’Apocalypse. Mais cette fête ne fait pas que nous ravir, en élevant notre espérance elle ravive aussi notre foi dans le mystère de notre propre résurrection lorsque le Christ sera « tout en tous »

            Regardons si vous le voulez bien ce grand mystère de l’incarnation qui aboutit à la « divinohumanité », c’est-à-dire à la réalisation finale du plan divin : notre humanité, notre chair, épousée par la divinité. Que le Seigneur donc « illumine les yeux de notre coeur, pour que nous sachions quelle est l'espérance qui s'attache à notre appel, quelle est la richesse de la gloire de son héritage qu'il réserve aux saints ». Le développement dogmatique dans l’Eglise trouve son moment initial - qu’on pourrait comparer au moment initial de la création, le « big bang » lorsque de rien le monde fut - dans l’incarnation du Verbe à noël. Tout le reste en découle. Comme lorsqu’après avoir jeté une pierre dans un lac paisible des ondes successives s’agrandissent à partir du centre, les différents dogmes de l’Eglise, regardant le Christ d’abord, puis sa Mère, aboutissent finalement après l’Ascension du Verbe à l’Assomption de la Vierge Marie, conséquence finale de l’incarnation, prélude de la résurrection générale finale. Ce développement organique depuis l’incarnation du Verbe est comparable aussi à la graine de sénevé de la parabole évangélique qui se met à pousser pour devenir finalement un grand arbre où les oiseaux du ciel trouvent leur demeure. De fait, à la suite des dogmes christologiques dont celui de la Rédemption après celui de l’Incarnation occupe la première place, les dogmes concernant Marie, c’est-à-dire d’abord l’Immaculée Conception puis celui l’Assomption, qui vient comme couronner le premier, forment pour ainsi dire comme les derniers fruits de cet arbre que constitue la pleine manifestation de la Révélation donnée une fois pour toute dans l’Evangile.

            « Comme la pluie et la neige descendent des cieux, et n'y retournent pas sans avoir arrosé, fécondé la terre, et fait germer les plantes, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui mange, ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche : elle ne retourne point à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté Et accompli mes desseins »

Le Verbe de Dieu a accompli parfaitement les desseins du Père en sauvant le monde par le mystère pascal, Il est la Parole éternelle du Père, mais Marie est aussi en elle-même comme une parole de Dieu, elle a reçu une mission unique à laquelle elle a répondu par son « oui » et en elle « le Seigneur fit des merveilles ». En réalisant la volonté du Père par son obéissance en participant d’une manière singulière et éminente à l’accomplissement de ses desseins, elle peut désormais retourner à Lui, comme l’écho même de sa Parole qui sort de sa bouche.

Chacun de nous est aussi prédestiné à devenir comme l’écho d’une Parole qui sort de la bouche de Dieu, chacun de nous a reçu une mission unique, comme Marie elle-même qui a reçu une mission unique qu’elle a accueillie lorsqu’elle dit son « oui » au Seigneur pour que le Verbe devienne chair et qui, par son consentement, a réalisé la finalité de la mission du Verbe : « que toute chair voit le salut de Dieu ».

           Nous savons par la foi qu’après notre mort nous rejoindrons nous aussi notre propre chair. S’il est faux de penser, comme saint Bernard a pu le penser, qu’au ciel il manquerait quelque chose au bonheur parfait tant que l’âme n’est pas réunie au corps, il n’en demeure pas moins que la résurrection de la chair est la réalisation parfaite du dessein du Père. Le Verbe de Dieu retourné auprès du Père après sa Mission, attire tout à Lui « Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. » Cette élévation s’est déjà réalisée déjà pleinement avec Marie, elle est le modèle et le prototype de toute l’humanité attirée par le Verbe.

           Que la célébration de la fête de l’Assomption ravive notre espérance. En voyant avec les yeux de la foi Marie s’élever au ciel, puissions-nous voir comme dans un miroir la réalisation de notre destinée. La Parole de Dieu ne peut sortir de la bouche de Dieu, sans réaliser sa mission. Ce que nous voyons si bien en Marie aujourd’hui dans cette fête de son Assomption, puissions-nous aussi, par la foi, le voir en espérance pour toute l’humanité. L’Assomption ne fait pas sortir Marie de l’humanité, bien au contraire, elle en devient la Reine enveloppée du soleil de justice et « couronnée d’étoiles » qui symbolisent la plénitude du Peuple de Dieu. Elle est celle qui a réussi personnellement et de façon incomparable le plan de Dieu voulu pour nous tous dès le commencement, la déification de l’humanité.