B - SAINTE TRINITÉ MATTHIEU 28,16-20

         Frères et sœurs, nous célébrons aujourd’hui la fête de la Sainte Trinité, Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit. Des théologiens ont cherché à en donner des définitions très respectables, mais si en les écoutant on ne comprend pas davantage, c’est très décevant. Le plus important, ce n’est pas de comprendre ce mystère mais d’y entrer. La Trinité n’est pas affaire de définitions mais d’expérience. Devenus fils et filles de Dieu avec le Christ, nous prions le Père grâce à l’Esprit qui habite en nos cœurs. Ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est de découvrir que notre Dieu c’est quelqu’un qui se révèle en intervenant dans la vie des hommes, même si certains croient qu’il n’intervient pas, qu’il est silencieux, voire indifférent. La révélation de Dieu trinitaire s’est faite très progressivement tout au long de l’histoire. Dieu est le même tout au long de l’histoire, mais c’est nous les hommes qui progressons dans une meilleure connaissance de son être, de façon personnelle, de façon communautaire et enfin, de façon ecclésiale.

 

Dans le texte du Deutéronome (Dt 4,32-34.39-40), c’est Dieu lui-même qui se révèle au peuple élu. Ce peuple était esclave en terre étrangère. Dieu a choisi Moïse pour le libérer et le conduire à la liberté à travers le désert. Au moment où ce message leur est adressé, les Hébreux se préparent à entrer dans la Terre promise. Ils sont invités à mesurer toute la générosité de Dieu à leur égard, qui se révèle en faisant alliance avec eux, sachant que son amour et son pardon viendront à bout des têtes dures qu’ils étaient et que nous sommes. Ce Dieu qui se fait proche d’Israël dans nuée lumineuse de nuit ou obscure de jour, c’est déjà la Trinité.

Cette Bonne Nouvelle vaut aussi pour chacun de nous : aujourd’hui comme autrefois, Dieu voit la misère de son peuple (Ex 3,7). Il voit tous ces pays qui se font la guerre ; il voit la souffrance de ceux et celles qui ont tout perdu et qui sont jetés à la rue. Et bien sûr, il n’oublie pas les malades, les prisonniers, les exclus… Il continue à nous dire son désir de libérer son peuple et il compte sur nous pour participer à cette mission. Nous sommes envoyés pour communiquer au monde l’amour qui est en Dieu. À travers nous, c’est Dieu qui est là pour lui annoncer la Bonne Nouvelle du salut offerte à tous. Car ce n’est pas notre accord qui rend Dieu présent, c’est la Trinité qui suscite une communauté d’amour à son image à travers nous.

Dieu se révèle à nous en nous manifestant son amour. Dans sa lettre aux Romains (Rm 8,14-17), saint Paul nous dit que cet amour « a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint » (Rm 5,5). Le Père qui nous a tous créés et adoptés veut que chacun de ses enfants soit sauvé. Rappelons-nous l’histoire du fils prodigue (Lc 15,11-32) qui revient vers son père. Ce jeune garçon qui était tombé très bas est accueilli de nouveau comme un enfant du père. Il retrouve sa place de fils dans sa famille. C’est ainsi que Dieu nous aime. Nous sommes ses enfants bien-aimés, des frères du Christ. Cela se réalise grâce à l’action de l’Esprit Saint. « Nul ne peut dire : Jésus est le Seigneur ! si ce n’est par le Saint-Esprit » (1 Co 12,3).

L’Évangile nous dit encore que le Christ est venu dans le monde pour aider les apôtres à progresser dans la connaissance du vrai Dieu. Maintenant, ils sont envoyés dans le monde entier pour l’annoncer à tous les hommes. À sa demande, ils suivent Jésus sur la montagne. Dans le monde de la Bible, la montagne est le lieu de la présence et de la rencontre de Dieu : le Sinaï, le mont Horeb (Ex 3,1), le mont des Béatitudes (Mt 5), le Thabor (Mt 17,1-8 ; Mc 9,2-4 ; Lc 9,28-33), le Calvaire. C’est là que le Seigneur se révèle aux hommes. Avec les apôtres, nous y sommes tous invités pour nous prosterner et adorer. L’adoration véritable consiste à reconnaître Dieu trinitaire dans ce qu’il est.

Ce dimanche est, par excellence, le dimanche du signe trinitaire, le signe de croix, par lequel commence toute prière chrétienne, et que nous refaisons au terme de la messe quand le prêtre nous donne la bénédiction. Il marque sur notre corps l’empreinte trinitaire et nous fait mieux comprendre la confession de Paul : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4,6). Au début de la messe, en disant « Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit », nous nous mettons en présence de Dieu. Dans la Bible, évoquer le nom de quelqu’un, c’est se mettre en sa présence. Faire le signe de croix, c’est faire mémoire du baptême et des paroles du prêtre qui, en versant l’eau sur notre front, a dit : « Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Ce jour-là, l’Église nous a demandé de nous rappeler toujours que nous ne sommes pas seuls à conduire notre vie, mais que, devenant enfants de lumière, nous agissons désormais au nom de Dieu, en sa présence constante.

Le signe de croix est comme une marque qui nous rappelle que tout notre être doit être ouvert à l’amour du Christ qui, le vendredi, a fait corps avec la croix et qui, après Pâques, nous a envoyés dans le monde où, chaque jour, il nous lance son appel : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19). Il est hors de question de rester plantés là, avec d’éternelles questions sur le tombeau vide (Jn 20,1-10). Il est urgent de comprendre que Pâques n’est pas une fin mais un commencement. Tout ce que Jésus a pu faire ou dire au cours de sa vie terrestre était une préparation à cette nouvelle aventure des hommes. Avec la première alliance, Dieu ne s’adressait qu’au petit peuple d’Israël ; la nouvelle alliance est annoncée et offerte à tous les peuples du monde entier.

Ce qui nous est demandé, ce n’est pas de faire des adeptes mais des disciples du Christ. Nous ne devons pas nous comporter comme des propriétaires de la Parole révélée mais comme des serviteurs. Il n’est pas question d’enrôler mais d’annoncer la Bonne Nouvelle et de baptiser. Le baptême que nous avons reçu nous a plongés dans cet océan d’amour qui est en Dieu Père, Fils et Saint Esprit. L’Évangile est une histoire d’amour qui n’est jamais achevée, une histoire d’amour toujours nouvelle et toujours ouverte.

Il nous appartient d’être les témoins passionnés de cette histoire d’amour. Pour cette mission, nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur nous a promis d’être avec nous tous les jours et jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20). Il nous nourrit de sa Parole lue, priée, partagée avec d’autres. Il nous nourrit aussi de son Corps. Il est toujours là pour nous donner force et courage en vue de la mission. Et Marie, notre maman du ciel ne cesse de nous redire : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Nous pouvons peiner sur des sentiers obstrués par les ronces des soucis, traîner sur des routes futiles, et parfois trébucher ou nous blesser. Ne demeurons pas rivés à nos lenteurs ou nos errances. L’essentiel est d’avancer, même clopin-clopant : « Mieux vaut un boiteux sur la route qu’un coureur hors de la route » (saint Augustin).

En célébrant cette Eucharistie, nous faisons monter vers Dieu une fervente action de grâce. Nous avons beaucoup reçu de lui. Nous avons été comblés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Avec Marie, nous pouvons chanter : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, saint est son nom » (Lc 1,49).