C 27 LUC 17, 05-10 (18)
Homélie
Chimay : 05.10.2025
Frères et sœurs, les lectures bibliques de ce dimanche sont un appel à la foi et à la confiance dans notre vie ou notre existence. C’est notre simple existence qui est, par la foi, rendue capable de changer le cours des choses. Mais le prophète Habacuc (1,2-3 ; 2,2-4) lance vers le Seigneur comme un cri de révolte : « Combien de temps vais-je t’appeler au secours sans que tu entendes ? Crier vers toi : « Violence et que tu ne répondes pas ? » (Ha 1,2). La violence qu’il dénonce, c’est celle de l’ennemi du moment, c’est celle des chaldéens, c’est l’Ukraine et la Russie d’aujourd’hui, c’est celle de tous les pays en guerre. Depuis que le monde est monde, les mêmes horreurs se répètent. Alors Habacuc demande des comptes à Dieu : Pourquoi permet-il le triomphe de la force injuste ? A quoi bon appeler au secours face à tous les crimes et toutes les violences qui nous accablent si Dieu ne répond pas ?
Cependant Habacuc ne perd pas confiance. Il se met en attitude de guetteur “de ce que dira le Seigneur”. Il est assuré que l’aube viendra. En même temps, il comprend que son intervention est un peu audacieuse : ayant demandé des comptes à Dieu, il s’attend à être rappelé à l’ordre. Mais Habacuc ne se fait pas rappeler à l’ordre. Dieu ne lui fait aucun reproche. Il l’invite (et il nous invite) à la patience et à la confiance. Les heures de victoire de l’ennemi ne dureront pas toujours. Le mal n’aura pas le dernier mot. Le juste sortira vainqueur s’il se cramponne fidèlement au Seigneur. « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité » (Ha 2,4).
Ce cri d’Habacuc est celui de millions de chrétiens qui sont persécutés à cause de leur foi. Les violences, les pillages, les vexations en tous genres sont toujours d’actualité. Dans certains pays, par exemple en Corée du Nord, mais aussi ailleurs, il est interdit d’être chrétien. Si on en trouve, ils sont exécutés ou envoyés en captivité. Mais cela ne les empêche pas de faire preuve d’une foi et d’un courage extraordinaire.
C’est précisément ce qui se passe pour l’apôtre Paul ; quand il écrit sa lettre au jeune Timothée (2 Tm 1,6-8.13-14), il est en prison à Rome. C’est peu de temps avant son exécution. Il sait très bien qu’il n’en a plus pour très longtemps. Il dit lui-même qu’il est enchaîné comme un malfaiteur. Et il demande à Timothée de ne pas rougir de lui comme d’autres l’ont fait. Timothée va devoir prendre la relève et Paul lui fait des recommandations : « Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, dit-il, mais un esprit de force, d’amour et de pondération » (2 Tm 1,7). Timothée doit « réveiller en lui le don de Dieu » (2 Tm 1,6). Cela nous rappelle que des dons peuvent dormir en nous. C’est chaque jour que nous devons trouver la force d’en raviver et ranimer la flamme.
Cette force dont nous avons besoin se trouve en Dieu. C’est auprès de Dieu que nous la puisons. Cette force qu’il met en chacun de ses disciples permet de tenir ferme en période de persécution. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons penser à tous ceux et celles qui sont persécutés à cause de leur foi au Christ. Ils ont compris qu’ils ne doivent pas avoir honte de rendre témoignage au Seigneur. La honte affecte ceux dont la foi est faible. Ceux qui sont solidement enracinés en elle sont remplis de courage pour rendre témoignage au Seigneur Jésus. Ces martyrs comptent sur nous pour sortir de notre passivité. La foi doit se réveiller et pénétrer toute notre vie. « Garde la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous » (2 Tm 1,14).
L’Évangile nous rapporte la demande des apôtres à Jésus : « Augmente en nous la foi ! » (Lc 17,5). Cette prière est aussi la nôtre quand nous prenons conscience de notre faiblesse et de notre impuissance. Nous croyons parfois que si nous étions plus riches en foi, nous serions plus efficaces. Mais Jésus nous fait comprendre qu’il ne s’agit pas d’évaluer notre foi. Le plus important c’est de compter sur la puissance de Dieu. C’est lui qui agit, ce n’est pas notre foi, petite ou grande. L’image de la petite graine de moutarde est très parlante. Il n’est pas besoin d’avoir une grande foi. Rien qu’une toute petite graine suffit pour réaliser des choses apparemment impossibles. Car il faut bien comprendre que « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37). Nous ne devons jamais oublier « qu’impossible n’est pas chrétien ».
L’expression « impossible n’est pas chrétien » est une formule qui exprime la conviction que la foi chrétienne permet de surmonter les obstacles et les difficultés, et que rien n’est impossible pour ceux qui croient en Dieu. Elle souligne la puissance de la foi et la capacité de Dieu à intervenir dans la vie des croyants pour accomplir des choses extraordinaires.
Cette expression, souvent attribuée à Napoléon, bien que sans fondement historique, reflète l’idée que la foi chrétienne offre une perspective optimiste et encourageante face aux défis de la vie. Elle suggère que la confiance en Dieu et la prière peuvent transformer des situations apparemment impossibles en réalités possibles. « En résumé, l’expression « impossible n’est pas chrétien » est une affirmation de la puissance de la foi et de la croyance en la capacité de Dieu à surmonter les obstacles, même les plus grands.
De plus, Jésus nous rappelle une chose importante : il nous dit que nous ne sommes « que de simples serviteurs ». Cela signifie que nous sommes au service d’une mission qui nous dépasse ; nous ne sommes que des subalternes. C’est heureux, car nous n’avons pas les reins assez solides pour porter la responsabilité du Royaume de Dieu ; cette responsabilité ne repose pas sur nous mais sur l’Esprit Saint qui nous précède dans le cœur de ceux qu’il met sur notre route.
Se considérer comme des serviteurs inutiles n’est pas très valorisant ! Comment Jésus peut-il penser attirer des disciples avec ce genre de propos ? Mais la provocation ne fait-elle pas partie de son message, qui cherche à sortir les auditeurs de leur routine ou de leur autosatisfaction ? Cette dernière, qui consiste à se glorifier de ses propres réalisations, méconnaît la gratuité du salut offert en Jésus Christ. La non reconnaissance des dons de Dieu est, de fait, évoquée de façon récurrente dans l’Écriture. Ainsi le psalmiste rappelle-t-il que « si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 126,2).
Saint Paul, de son côté, n’est pas en reste : « As-tu quelque chose que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4,7). Ou encore, parlant aux Corinthiens de lui-même et des autres évangélisateurs, il en vient à préciser que c’est Dieu qui rend fructueux l’apostolat et permet aux communautés de grandir, car « celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu... » (1 Co 3,7). À nous d’apprendre à nous situer avec justesse, sachant aussi que nous sommes les collaborateurs de Dieu et qu’il nous associe à son dessein d’amour sur l’humanité. De quoi nous réjouir que le règne de Dieu advienne à travers notre pauvreté, malgré et grâce à notre foi semblable à une graine de sénevé !