A 33 MATTHIEU 25, 14-30 (10) Chimay & Scourmont : 19.11.2023

Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous dit que nous avons tous une mission à remplir. Cette mission nous a été confiée par le Seigneur. C’est donc que chacun de nous a été voulu par Dieu, et choisi pour une mission qui nous est propre. Un jour, il reviendra et nous aurons à lui rendre des comptes sur ce que nous aurons fait et vécu. C’est chaque jour que nous avons à nous préparer à cette grande rencontre qui arrivera certainement. Saint Paul (1 Th 5,1-6) nous parle de l’attente de la venue de Jésus, qui peut venir « comme un voleur dans la nuit » (1Th 5,4). Le Seigneur est d’ailleurs au cœur de notre vie et nous répète chaque jour : « Demeurez en moi, comme moi en vous. Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruit » (Jn 15,4-5).

Dans sa lettre aux Thessaloniciens, saint Paul nous recommande de rester éveillés dans l’espérance du Royaume de Dieu. Il s’adresse à des chrétiens qui spéculent beaucoup sur la date du retour du Christ ; il refuse d’entrer dans ce jeu : ce qui importe c’est de vivre continuellement en présence de Dieu, c’est d’être prêt à le recevoir à tout instant. Le chrétien doit être par excellence une personne éveillée et disponible. Au jour de notre baptême, nous sommes devenus des fils et des filles de lumière. Il faut que cela se voie dans notre vie.

La parabole des talents de l’évangile nous montre un chemin semblable à illustrer. Mais on ne peut accueillir la parabole de cet évangile sans avoir le goût du risque. Possible que la prudence en ce domaine mène à l’imprudence. Cette parabole nous raconte l’histoire d’un homme qui se prépare à partir en voyage. Il appelle ses serviteurs et leur confie tous ses biens. En son absence, ils doivent les faire fructifier « chacun selon ses capacités ». Les deux premiers serviteurs doublent le capital de départ. Tous deux reçoivent les louanges de leur maître. Quant au troisième, il se contente de restituer l’argent reçu ; il est réprimandé pour son manque de courage et d’initiative.

La signification de cette parabole un peu rude est claire : l’homme qui part en voyage, c’est Jésus ; les serviteurs, c’est chacun de nous. Les talents, c’est le patrimoine que le Seigneur nous confie : c’est sa Parole, les sacrements ; c’est la foi en Dieu notre Père, c’est son pardon ; c’est encore des frères et des sœurs à aimer. C’est ainsi que le Seigneur nous confie ses biens les plus précieux. Il ne nous demande pas de les conserver précieusement dans un coffre-fort mais de les faire fructifier. Il veut que nous les utilisions pour notre bien et pour le bien des autres.

Tous ces biens que nous avons reçus ne sont pas à garder secrètement, si précieux soient-il : ils sont entre nos mains pour servir à nous et aux autres. C’est ainsi qu’ils fructifient. Si le Seigneur nous donne sa miséricorde, sa tendresse, son pardon, c’est pour que nous en fassions un bon usage. Le pape François nous dit que c’est comme une contamination qui doit se propager partout dans le monde.

Pour nous aider à voir clair sur le succès de notre vie, chacun peut se poser ces questions : Combien de personnes avons-nous encouragées par notre espérance ? Combien d’amour avons-nous partagé avec notre prochain ? Le témoignage que le Seigneur attend de nous doit être ouvert à tous, même à ceux et celles qui sont loin de lui.

Cette parabole des talents nous pousse donc à ne pas cacher notre foi, notre appartenance au Christ. Nous ne pouvons pas enterrer la Parole de l’Évangile. La Parole de Dieu doit circuler dans notre vie, dans nos relations, dans les situations concrètes. C’est comme une force qui interpelle, qui purifie et qui renouvelle. Le sacrement du pardon que nous avons reçu doit déployer sa force. Il doit faire tomber les murs que notre égoïsme a édifiés. Il doit nous amener à faire le premier pas là où il n’y a plus de communication.

Des chrétiens s’organisent pour faire reculer tout ce qui déshumanise. Malheureusement, les pauvres sont trop souvent victimes de préjugés. Nous vivons dans un monde dur et violent. Un jour, la question nous sera posée : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » N’oublions pas que ce qui donne de la valeur à notre vie, c’est notre amour de tous les jours pour ceux et celles qui nous entourent. Saint Jean de la Croix disait bien : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour que nous aurons prodigué ».

En cette fin de l’année liturgique, au lieu d’emboucher les trompettes solennelles du jugement dernier si impressionnantes, la liturgie nous donne à entendre et à voir des personnages de la vie de tous les jours, pour nous indiquer quelle attitude spirituelle est la plus juste : celle de cette femme bonne dont la grâce réside dans sa générosité et dans sa patience laborieuse (Pr 31,10-31) ; celle de cet homme avisé qui, partant en voyage, confie son bien à ceux dont il pense qu’ils seront plus à même de le faire fructifier ; celle de cette personne éveillée et disponible à la grâce de Dieu. Dans la parabole des talents, le mauvais serviteur fonctionne admirablement comme contre-exemple, préférant la sécurité au risque. Il montre à l’évidence que pour réussir sa vie, il faut la risquer, que pour gagner, il faut investir, et que tout ce qui n’est pas donné est perdu.

Un point commun réunit les trois serviteurs : tous ont des talents, même si leur nombre est inégal. Voici la véritable égalité, même pour celui qui a un seul talent (ce qui était déjà considérable comme somme d’argent) : tous sont appelés à la même tâche, celle de faire fructifier ce qu’il a reçu en doublant la mise, et qu’importe son montant, autrement dit en collaborant à même proportion. Ils peuvent alors entrer dans la joie du Seigneur, quel que soit le montant obtenu, comme pour les deux premiers serviteurs. Quant au troisième serviteur, il n’a rien fait fructifier. Contribution nulle. La raison est claire : il était tétanisé par la fausse image qu’il s’est faite du maître. Déception et colère de la part du maître, qui annonce que, si l’on ne fait pas fructifier son talent, ce que l’on a reçu dépérit et se perd.

Et nous, l’image que nous avons de Dieu nous motive-t-elle ou nous empêche-t-elle ? Quels sont nos talents, nos charismes, nos capacités ? Ne cherchons pas à nous comparer, mais mettons-nous au travail pour partager nos talents avec les autres. Sinon, nous risquons bien de les perdre et de le regretter. Chacun reçoit gratuitement et exactement ce dont il a besoin, sans aucun rapport avec ses mérites. Alors, soyons en confiance et allons-y ! Chacun de nous est choisi pour une mission particulière et il nous importe de la réaliser au maximum.