A 21 MATTHIEU 16, 13-20 (14)

Scourmont : 27.08.2023

Frères et sœurs, en lisant l’évangile de ce dimanche, nous avons pu constater que les gens se trompent beaucoup sur l’identité de Jésus : « Pour les uns, il s’agit de Jean le Baptiste ; pour d’autres, d’Élie ; pour d’autres encore, de Jérémie ou de l’un des prophètes au choix » (Mt 16,14). Face à toutes ces réponses, Jésus veut s’assurer que ses disciples, eux, le connaissent vraiment et il leur pose directement la question : « Pour vous, qui suis-je ? » Inspiré par Dieu, Pierre a compris qui est Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16).

En réponse à cette belle profession de foi, Pierre se voir confier une mission : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » (Mt 16,18). Pierre affirme sa foi : Jésus est le Fils de Dieu. Et c’est justement le fondement sur lequel se construira la communauté des croyants, c’est-à-dire l’Église. Mais Pierre ne peut pas accepter que la fidélité de Jésus à son Père le conduise à la souffrance et à la mort. Comme Satan, le tentateur, il essaiera de détourner Jésus de sa mission, car reconnaître Jésus comme le Messie, c’est aussi accepter la nécessité de sa mission, c’est-à-dire sa mort sur la croix à cause de nos péchés et sa résurrection pour notre vie.

Remarquons bien que Jésus dit « mon Église ». Quelquefois, nous entendons des gens qui disent : « J’ai mal à mon Église » ; non, ce n’est pas « notre Église » mais celle de Jésus Christ. Et Jésus affirme même que « la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16,18). C’est donc un appel pour nous à vivre dans la confiance. Le Christ vainqueur de la mort et du péché est toujours présent et agissant dans son Église, car Il est vivant !

Le même Seigneur fait aussi appel à notre foi : c’est-à-dire que la question nous est aussi posée à tous : qui est Jésus pour moi ? pour nous ? Est-il vraiment au centre de tout ce qui est important pour nous ? Est-il « notre chemin, notre vérité et notre vie » (Jn 14,6) ? Pour un nouveau converti, quand on l’a rencontré, on prend conscience de son amour sans mesure et on a envie de le faire connaître. Pour beaucoup, c’est un changement radical dans leur vie. Autrefois, ils étaient très loin de la foi. Puis ils ont découvert un amour qui dépasse tout ce qu’ils pouvaient imaginer. Aussi veulent-ils être proches de Dieu. Ils veulent annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile à tous.

C’est aussi cet amour du Seigneur que nous sommes invités à accueillir dans notre vie pour le rayonner autour de nous. Le Seigneur nous engage à participer à la construction de son Église. Quand on visite un chantier, on ne juge pas sur le désordre qu’on y trouve. Notre regard se porte vers l’avenir. On sait que le désordre est provisoire. De même dans l’Église, les divisions, les violences et les scandales n’auront pas le dernier mot. C’est dans cette espérance que nous nous engageons comme Pierre et ses compagnons à la suite de notre Sauveur.

Cet appel du Seigneur, nous le trouvons déjà dans la première lecture (Is 22,19-23). Le livre du prophète Isaïe nous parle d’Éliakim qui est appelé par Dieu pour prendre soin de son peuple. Il reçoit l’investiture pour remplacer un serviteur royal devenu trop ambitieux. Nous ne savons rien d’Éliakim. Son nom signifie « Dieu l’a suscité ». Il fait désormais partie de ceux que Dieu a choisis pour conduire son peuple. C’est Dieu qui choisit et qui appelle.

L’apôtre Paul a lui aussi été suscité par Dieu. Au départ, c’était un pharisien qui persécutait les chrétiens ; en agissant ainsi, il croyait sauver l’honneur de Dieu. Mais un jour, il a rencontré Jésus sur le chemin de Damas. Cette rencontre a été pour lui le point de départ d’un véritable bouleversement. Le persécuteur acharné a été appelé à devenir un grand témoin de la foi au Christ dans le monde païen. Dans le texte de l’épître aux Romains (Rm 11,33-36), nous le voyons proclamer avec enthousiasme les gestes de Dieu tout au long des siècles. Tous les hommes, juifs et païens sont appelés « fils de Dieu ». Si Dieu a suscité le peuple d’Israël, c’est pour partager avec l’humanité entière ce bonheur d’être aimé par Dieu.

Nous aussi, nous sommes suscités par le Seigneur pour travailler à son chantier. Il nous engage à témoigner de l’espérance qui nous anime. Il nous envoie vers les autres, vers tous ceux qui souffrent à cause du chômage, de l’exclusion, de la violence, tous ceux pour qui la vie n’a plus aucun sens parce qu’ils se sentent inutiles. C’est dans ce monde-là que nous avons à témoigner de la foi qui nous anime. Mais au bout du compte, nous découvrons qu’il nous précède dans le cœur de ceux qu’il met sur notre route. Nous ne bâtissons pas sans lui. Nous ne sommes pas à notre compte. Le Seigneur est présent avec nous, tous les jours et jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20). Si nous croyons vraiment en lui, nous ne nous laisserons pas aller au découragement. Nous croirons à l’avenir de son Église et à l’avenir de l’homme aimé de Dieu.

Nul ne se décrète soi-même responsable d’une communauté. « Je vais te chasser de ton poste », dit Dieu à Shebna qui a failli (Is 22,19). Il s’en faudra de peu que Simon Pierre subisse le même sort, lorsqu'il prétendra savoir mieux que Jésus ce que Jésus doit faire. « Passe derrière moi, Satan ! » (Mt 16,23). Avant de confier à Simon les clés du Royaume, Jésus a déjà tenu à changer son nom : Simon le friable, généreux et inconstant, deviendra Pierre le solide, un roc d’humilité et de fidélité, colonne de l’Église, non à cause de ses talents ni même de sa sainteté, mais parce qu’il s’appuie sur Jésus : « Tu es le Christ ! ».

Aujourd’hui, Jésus fait le point. Au dire des gens, qui est-il ? Les rumeurs les plus farfelues circulent. Chacun fouille sa mémoire pour trouver une comparaison digne du héros qu’ils exaltent : Jean-Baptiste-de-retour ; un avatar d’Élie, ou de Jérémie en mieux... Jésus ne critique pas ce recours au passé pour l’identifier. « Qui a connu la pensée du Seigneur ? » (1Co 2,16). Mais il est bouleversé lorsque, spontanément, Pierre reconnaît en lui l’absolue, l’inimaginable nouveauté de Dieu. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » (Mt 16,16). Jésus pousse un cri d’émerveillement, car il voit son Père agir en direct. « Nul ne vient à moi si le Père ne l’attire » (Jn 6,44). C’est décidé, le Fils confie les clés de son Église à qui vit par la foi, et, à la suite de Pierre, à tous ceux qui se laisseront guider par son Père.

C’est pour mieux répondre à cet appel du Seigneur que nous nous réunissons le dimanche pour célébrer l’Eucharistie. C’est là que nous nous nourrissons de la Parole et du Corps du Christ. Puis, à la fin de la messe, c’est l’envoi vers tous ceux et celles qu’il mettra sur notre route. Prions-le par l’intercession de la Vierge Marie pour qu’il nous aide à être de vrais témoins de son amour. Et souvenons-nous que l’amour que nous portons aux autres trouve sa source en Dieu.