C 14 LUC 10, 01-12.17-20 (13)

Scourmont : 03.07.2022

Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous annonce une nouvelle qui peut surprendre. Le prophète Isaïe (Is 66,10-14) nous invite à la joie, une joie donnée par Dieu lui-même. Il nous parle d’allégresse après les larmes, de consolation. Il annonce une paix « qui déborde comme un torrent » (Is 66,12). Les Ukrainiens seraient heureux de l’entendre ! Cette paix, ce n’est pas seulement une absence de guerre, c’est d’abord la plénitude de la présence de Dieu, la joie des nations converties au Seigneur.

La paix est le message que les disciples ont à transmettre. C’est la première parole à dire en entrant dans une maison : « “Paix à cette maison”. S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon elle reviendra vers vous » (Lc 10,5-6). Cette paix, c’est l’expérience de quiconque a laissé la grâce de Dieu visiter ses blessures, et qui vit dans la conscience de la proximité du Royaume.

Voilà ce message d’espérance que le prophète adresse à Jérusalem. À son époque, il pensait à la ville qui avait été dévastée par l’occupation étrangère. En Isaïe, la paix se décline sur le mode d’une promesse faite au peuple d’Israël d’être enfin consolé des malheurs de l’histoire, nourri et rassasié par la présence de Dieu : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » (Is 66,12). Nous, chrétiens du xxie siècle, nous comprenons que ce message est aussi pour l’Église d’aujourd’hui. Nous la voyons dévastée par les persécutions, mais aussi par les scandales dont elle est victime. Il nous faut réentendre cet appel à la joie et à l’espérance que nous adresse le prophète. Le mal n’aura pas le dernier mot. Le Seigneur est là pour nous combler de sa paix et de son amour. Notre cœur « sera dans l’allégresse » et nos « os revivront comme l’herbe reverdit » (Is 66,14c).

L’amour fort et puissant de Dieu sait prendre pour nous les accents de la tendresse maternelle pour parler de la tendresse de Dieu pour son peuple. La Bible a utilisé toutes les images de l’amour. C’est assez dire qu’aucune expression de l’amour humain ne peut suffire à exprimer l’amour que Dieu nous porte : amour aux multiples visages, selon que notre cœur a besoin de consolation dans l’épreuve, d’exigences paternelles ou d’amitié partagée. Cette « joie de l’Évangile », tant souhaitée par le pape François, doit être annoncée à tous. C’est ce que nous fait comprendre l’Évangile de saint Luc : le Seigneur désigna 72 disciples pour les envoyer deux par deux, « en avant de lui, dans toutes les villes et localités où lui-même devait se rendre » (Lc 10,1). Ce chiffre 72 symbolise l’ensemble des nations connues à l’époque de Jésus. C’est une manière de nous rappeler que la Bonne Nouvelle de l’Évangile doit être proclamée dans le monde entier. Elle n’est pas seulement pour ceux qui vont à l’église. Elle est aussi pour ceux qui n’y vont plus, pour les incroyants, pour les adolescents en pleine crise, pour tous ceux qui tournent en dérision la foi des chrétiens. Tous doivent pouvoir entendre et accueillir cette Bonne Nouvelle.

Nous comprenons bien que cette vaste mission dépasse toutes nos possibilités humaines. Mais saint Luc précise que Jésus envoie les 72 « en avant de lui, dans toutes les villes et localités où lui-même devait se rendre » (Lc 10,1). Le Christ compte sur nous pour être ses messagers auprès de ceux et celles qui passent sur notre route. Comme disait si bien la petite Bernadette de Lourdes, nous ne sommes pas chargés de faire croire mais de dire. Le Seigneur sera là pour agir dans le cœur de ceux et celles qui entendent la Parole. En dehors de lui, rien n’est possible. Mais pour être entendue, la Parole doit être annoncée par ceux qui la connaissent.

Dans son envoi en mission, Jésus donne des consignes bien précises.  « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : « Paix à cette maison » (Lc 10,5). Les envoyés de Jésus ne doivent pas user de la violence comme ceux qui prétendent conquérir le monde. Quand Jésus s’adresse aux hommes, il fait appel à leur liberté. Il leur dit son amour passionné, un amour que chacun est libre d’accueillir ou de refuser. Car cette paix que le Seigneur veut nous donner, ce n’est pas seulement l’absence de conflit. C’est le pardon, c’est la miséricorde pour tous. C’est la chance offerte à tous de se relever et de retrouver une vie nouvelle remplie de la présence et de l’amour du Christ, de l’amour des frères et des sœurs.

Cette annonce de l’Évangile est actuellement un défi extraordinaire. Tous les ans, des chrétiens sont assassinés dans le monde, simplement parce qu’ils annoncent l’Évangile aux hommes. Mais rien ne pourra arrêter la Parole de Dieu ni l’empêcher de produire du fruit. C’est précisément en voyant le courage extraordinaire des chrétiens persécutés que des hommes et des femmes se convertissent à Jésus Christ.

L’apôtre Paul avoue avoir rencontré des ennuis et des oppositions (Ga 6,14-18). Il « porte dans son corps les marques des souffrances de Jésus » (Ga 6,17). Mais il a eu le courage d’aller à contre-courant de la mentalité de son milieu. Il s’est tourné vers les païens, pour leur annoncer Jésus Christ. Il ne cesse de dire que la croix du Christ reste sa seule fierté (Ga 6,14). Elle a ouvert aux hommes le monde nouveau de Dieu. Dans l’épître aux Galates, Paul nous parle de la grâce et de la paix qui sont offertes à tous. La grâce, c’est l’amour de Dieu qui nous est donné par Jésus. Il nous communique aussi la paix avec Dieu, en nous et avec tous les hommes. La mission de l’Église est une mission de paix. Elle est le fruit de la rédemption que le Christ nous a obtenue à grand prix. Nous avons été choisis « pour servir en sa présence » (PE 2). Si nous marchons avec le Christ, rien ne pourra briser notre élan. Si nous rencontrons la méchanceté, nous triompherons du mal par le bien.

Le disciple du Christ sait que la paix de l’Évangile doit trouver par elle-même le chemin des cœurs. Aussi doit-il renoncer à vouloir comptabiliser échecs ou succès : il lui suffit de savoir que Dieu le connaît et l’a appelé par son nom à œuvrer pour son règne. Enfin, « que dans nos cœurs, règne la paix du Christ : que sa Parole habite en nous dans toute sa richesse » (Col 3,15-16).