B ASCENSION MARC 16,15-20 (11) Scourmont :13.05.2021

Frères et sœurs, en ce jour de l’Ascension, nous célébrons le Christ ressuscité qui apparaît une dernière fois à ses disciples. Le texte des Actes des Apôtres (1,1-11) nous annonce qu’il leur confie une mission : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui viendra sur vous. Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,9). Puis il disparaît à leur regard. C’est ainsi que l’Ascension ouvre le temps de l’absence. Jésus n’est plus visible. Mais pour les apôtres, c’est aussi le commencement de la mission : ils doivent vérifier la solidité de leurs sandales pour arpenter les longs chemins de Galilée, de Judée et d’au-delà des mers. « Proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16,15), leur prescrit Jésus dans un ultime testament, tout juste avant son ascension. « Proclamez à demi-mot ou à tue-tête votre bonheur d’être aimé par Dieu le Père ».

 

Supposons que les disciples soient restés à regarder avec nostalgie vers le ciel, qu’effrayés par la perspective de parcourir le monde, ils soient bien sagement rentrés chez eux, que ce serait-il passé ? Rien ! par contre l’Ascension est la plus grande manifestation de confiance donnée aux hommes par le Christ : « C’est à vous, maintenant, d’annoncer la Bonne Nouvelle ! » Pour donner ce témoignage, les apôtres auront besoin de la force de l’Esprit Saint.

C’est important pour nous aujourd’hui de le savoir. Car l’Ascension nous renvoie à notre mission de chrétiens. En tant que baptisés et confirmés, en tant que soldats du Christ, disait-on, nous avons à témoigner de notre foi en Jésus ressuscité. Certains le font au péril de leur vie. Il ne se passe pas un jour sans qu’un chrétien ne soit persécuté quelque part dans le monde. On veut les obliger à renier leur foi. Mais ils préfèrent mourir plutôt que de trahir le Christ. Leur témoignage nous interpelle : où en sommes-nous de notre attachement au Seigneur Jésus ? N’oublions jamais qu’en entrant le premier dans le monde de Dieu, le Christ nous ouvre un passage. Il est le premier de cordée. Mais rien ne se passera si nous ne le suivons pas. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile » (1 Co 16,9), écrira saint Paul !

La lettre aux Ephésiens (4,1-13) insiste sur ce point. Paul nous fait comprendre que toute la création est « soulevée vers Dieu ». Les croyants sont saisis par ce courant d’amour qui est en Jésus. Ils sont tendus vers l’avenir. L’apôtre prie Dieu d’illuminer l’intelligence des chrétiens afin de leur faire comprendre à quelle espérance ils sont appelés. C’est l’espérance de rejoindre le Christ dans les cieux et d’avoir part à l’héritage éternel parmi les saints. Les humains que nous sommes attendons beaucoup de Dieu, mais peut-être pas le Royaume pour tout de suite.

Par-dessus tout, écrit saint Paul, il faut faire grandir le corps ecclésial, croissance qui est à la fois celle du nombre et celle de la plénitude de la foi et de la connaissance. Tous les chrétiens en sont responsables, mais, pour les y aider, le Seigneur glorifié appelle des hommes et des femmes à assumer les tâches du ministère au service de tous, c’est-à-dire de l’Eglise.

L’Evangile de saint Marc ne disserte pas trop sur l’Ascension. Mais en y regardant de près, nous constatons que son message rejoint celui des Actes des Apôtres. L’événement se passe en Galilée. Cette région était un lieu de passage où s’affrontaient toutes les croyances et même l’incroyance. C’est à partir de là que Jésus a commencé son ministère. Et c’est aussi de là que les apôtres vont partir pour annoncer la Bonne Nouvelle. Jésus ressuscité n’envoie pas seulement ses disciples proclamer l’Évangile dans le monde entier, il leur garantit de travailler avec eux.

Nous nous posons peut-être la question : comment annoncer cette Bonne Nouvelle ? Je me sens si pauvre. Je ne suis pas assez formé. Notre seul appui se trouve dans ces mots : « Il est avec nous ». « Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient » (Mc 16,20). Pour que la Bonne Nouvelle atteigne les hommes partout et toujours, Jésus a besoin de se multiplier : les apôtres seront ses prolongements visibles. Ils annonceront l’Évangile dans toutes les langues et ils feront sauter les barrières du mal parce que le Christ travaillera avec eux. Loin d’être au ciel un retraité, le Christ ressuscité étend son influence sur l’humanité entière.

C’est une manière de dire que cette Bonne Nouvelle est pour tous, pas seulement pour les plus proches, les plus réceptifs, les plus accueillants. Allez, portez le Christ en tout milieu, jusqu’aux périphéries existentielles, comme nous y invite le pape François. Témoigner de la présence de Jésus en chacun de nous et ce, même à celui qui ne croit pas en Dieu ou qui prétend ne pas avoir besoin de croire en Dieu pour être heureux, pour avancer dans sa vie. Ne laissez pas de côté celui qui semble le plus loin et le plus indifférent. Le Seigneur est à la recherche de tous. Il veut que tous ressentent la chaleur de sa miséricorde et de son amour. Son grand projet, c’est de rassembler toute l’humanité dans son Royaume, y compris ceux qui sont très loin et très bas. Et si nous voulons nous rassurer, Jésus n’a pas dit « va » mais « allez » (Mc 16,15). Nous sommes envoyés ensemble. Quand nous affrontons les défis ensemble, nous sommes forts. Nous découvrons des ressources que nous ne pensions pas avoir. Jésus n’a pas appelé les apôtres pour qu’ils vivent isolés. Il les a appelés pour qu’ils forment un groupe, une communauté fraternelle et accueillante.

Porter l’Evangile c’est donc porter la force de Dieu pour arracher et démolir le mal et la violence, c’est mettre l’amour là où il n’y a que haine, égoïsme et intolérance. A travers nous, c’est le Seigneur lui-même qui agit dans le cœur des hommes. En venant à l’église, nous nous imprégnons de cet amour qui est en Dieu. C’est important car le monde doit pouvoir découvrir en nous quelque chose de son amour passionné pour tous les hommes. Notre cœur doit être de plus en plus accordé à son infinie tendresse pour l’humanité. C’est à chaque instant que nous avons à rayonner de cette lumière qui vient de lui.

Cette fête vient donc nous rappeler le but de notre vie. Nous avons pris l’habitude de parler du « pont de l’Ascension ». Quatre jours de congé, c’est très apprécié. Mais en parlant de pont, on ne croyait pas si bien dire. Avec Jésus, l’Ascension est un pont qui nous permet de passer d’une rive à l’autre ; nous sommes en marche vers ce monde nouveau qu’il appelle le Royaume des cieux ; c’est là qu’il veut rassembler tous les hommes. C’est cette bonne nouvelle que nous avons à annoncer aux hommes et aux femmes de notre temps. Rien ne doit l’arrêter. Les violences, les guerres, les persécutions, les catastrophes n’auront pas le dernier mot. « Je préfère mille fois une Eglise accidentée à une Eglise malade (d’inertie) », ajoute le Pape François.

Nous sommes à dix jours de la Pentecôte. Les apôtres en ont profité pour faire une retraite. Avec eux, nous supplions le Seigneur : « Envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre » (Ps 103,30).