4e dimanche de Pâques C

(Jn 10,27-30)

Mai 2022

Frères et sœurs, dimanche dernier nous avons entendu par trois fois Jésus demander à Simon Pierre : « M’aimes-tu ? » (Jn 21,15). Et parce que Pierre lui répondait par l’affirmative, Jésus ajoutait : « Sois le pasteur de mes brebis » (16). Eh bien ce matin, Jésus nous dit qui sont ces brebis qu’il confie à Pierre. Il nous dit quels liens il existe entre elles et Lui, entre elles et son Père, et finalement entre Lui et son Père.

Ses « brebis écoutent [sa] voix » (27). Pour être des brebis du Seigneur, il faut écouter sa voix. La voix, avant même d’être une parole, une formulation, un appel ou un commandement, la voix est un son. Et dans cette relation entre Jésus et ses brebis, elle est un son familier, doux et rassurant. La voix, le son de la voix, dit quelque chose de cette intimité entre nous et le Seigneur, lui qui nous « connaît » (27) dans le sens biblique de ce verbe, c’est-à-dire dans une profonde intimité, dans celle qui dit l’union de l’amour. La voix rassure et dit déjà que « jamais [les brebis] ne périront, et [que] personne ne les arrachera de [la] main » du Seigneur (28). Chaque jour, si nous sommes de ses brebis, nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de cette voix qui, par son simple son, nous dit que nous sommes aimés, et que nous le serons encore demain, quoi qu’il arrive. Et quand Jésus confie son troupeau à Simon Pierre, quand il confie chacune de ses brebis à toutes les autres brebis – car finalement, c’est cela l’Eglise - il les invite à écouter sa voix, à se laisser guider et transformer par elle, pour être, à leur tour, signe de cette voix, promesse d’une présence éternelle. Ainsi, avant même que nous percevions la parole, nous sommes touchés par une voix qui nous dit que Quelqu’un est à nos côtés et qu’il a quelque chose à nous dire, quelque chose qui ouvre à la vie. Croire, c’est vivre de cette écoute et ne plus pouvoir, vouloir, vivre sans cette écoute. C’est se donner, par l’écoute, le moyen, le chemin, de suivre le Christ. « Mes brebis [...] me suivent », dit Jésus (27). Pour le suivre, il ne s’agit pas tant d’adhérer à ce qu’il nous dit, d’être d’accord avec lui, avec une pensée, une idée, mais bien de nous laisser transformer par une voix, une parole, qui nous met en présence et en route, qui nous indique – au cœur de notre quotidien, au cœur de notre cœur – la vie qui sommeille en nous, la vie éternelle qui nous est donnée. Le Ressuscité nous éveille à la vie, et chaque pasteur, chaque brebis, doit non seulement vivre de cette vie, mais pouvoir à son tour éveiller les autres à cette vie de Dieu, à la vie qui éveille.

C’est ce même don de la vie qui ne cesse de se déployer entre le Père et le Fils, et c’est ainsi qu’ils sont « UN » (30). Le Christ nous donne sa vie et ne la garde pas jalousement, parce que le don de la vie qu’il reçoit du Père est si fort, si puissant, qu’il ne peut, à son tour, que déposer ce don, sa vie, devant le Père et devant les hommes. C’est la grandeur du don, l’inouïe de la gratuité, qui fait que la réponse, et du Christ, et de nous-mêmes, ne peuvent être que don gratuit en retour. Et là est la vie éternelle, celle que nul ne peut faire périr ou arracher, parce que sa dynamique, sa puissance, son élan, dépasse tout ce que nous pourrions lui opposer.

Nous sommes dans la main de Dieu, et en ce monde qui change, en cette époque qui n’est décidemment pas meilleure que les autres, il nous faut continuer à le croire, à nous y accrocher, comme une espérance pour nous, mais aussi pour nos contemporains, pour celles et ceux qui meurent aujourd’hui, et pour celles et ceux qui naissent aujourd’hui. Nous sommes dans la main de Dieu, dès maintenant dans la vie éternelle de Dieu, mais nous ne pouvons en vivre réellement aujourd’hui que si nous sommes à son écoute. C’est l’écoute qui donne à la vie un élan possible quand celle-ci ne semble conduire qu’à la mort. L’écoute, c’est la vie. C’est ce que nous avons entendu avec la première lecture, tirée des Actes des Apôtres (13,43-52). Il y a ceux qui écoutent la Parole de Dieu à travers Paul et Barnabé. Ils se rassemblent, nous dit saint Luc ; ils sont dans la joie, rendent gloire, deviennent croyants et sont « destinés à la vie éternelle » (48). Et puis il y a les autres, qui s’enflamment de jalousie, qui contredisent, injurient, nous dit encore Luc ; ils rejettent la Parole de Dieu, expulsent et se ferment à la vie éternelle. Il n’y a là rien de très conscient, pas de volonté première d’être malveillant, mais simplement une fermeture à la parole qui rétrécit la vie sur soi, ses certitudes, et qui, par peur d’un horizon, d’un chemin, préfère s’enfermer, s’emprisonner en ersatz de confort.

Nous sommes dans la main de Dieu et la vie éternelle nous est promise. Mais si nous voulons la vivre dès maintenant, il nous faut nous plonger dans cette écoute. Et quand la vie se fait plus dure, quand le monde nous inquiète, quand la parole tarde elle-même à livrer son sens et sa vie, son élan, puissions-nous nous raccrocher au simple son de cette voix.