Assomption 2021

(Lc 1,39-56)

Frères et Sœurs, en 1950, Pie XII a « affirm[é], déclar[é] et défin[i] comme un dogme divinement révélé que : l’immaculée mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. » Quand le pape a promulgué ce dogme de l’Assomption, il s’est appuyé sur une longue tradition et notamment sur la foi du peuple chrétien, cette foi et cette piété de celles et ceux qui, aujourd’hui encore, cherche soutien et refuge à l’abri de la maternelle miséricorde de Marie. Notre Dame, parce qu’elle est « celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (45), ne pouvait être que la première des sauvés par le salut auquel elle avait donné chair. Et ce salut devait se manifester jusque dans sa propre chair qui, comme l’a encore écrit Pie XII, « a été préservée de la corruption du tombeau ». Alors en ce dimanche, jour de la

surrection, attardons-nous sur cette victoire sur la mort que nous célébrons aussi dans cette fête mariale.

Dans la deuxième lecture, saint Paul dit aux Corinthiens, que « Le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort » (1 Co 15, 26). La mort est là, elle est toujours là, mais c’est Dieu, la vie, et non pas la mort, qui règne réellement, profondément sur nous et sur le monde ; et nous devons le croire. Toute la vie de Marie est tendue vers ce règne, est offerte à cette victoire. Elle a choisi la vie en Dieu, avec Dieu ; elle a choisi de vivre selon la volonté de Dieu, sous sa volonté. A sa manière, elle a mené le même combat que son Fils qui - s’il est un combat contre la mort, contre les forces de mort - n’est pas un combat entre deux titans, mais un combat de tous les jours entre espérance et désespoir ou scepticisme ; entre confiance et peur, méfiance, rejet ; entre charité et enfermement mortel et illusoire sur soi-même. Oui, la victoire de la vie de Dieu en Marie, en son corps, ne se limite pas à son Assomption dans le ciel, à son dernier jour, mais à tous les jours de sa vie, à toutes ces fois où, dans son quotidien, elle a vécu simplement sous le regard de Dieu, consentant à se laisser former, transformer par son amour pour elle et pour les hommes. Ainsi, Marie nous redit ce que nous devons vivre : une vie avec Dieu, une vie pas sans Dieu, une vie où nous laissons Dieu être acteur dans notre propre vie et ainsi dans celle des autres.

Et dans l’évangile que nous venons d’entendre, le règne de la vie, cette victoire qui nous est promise, est déjà présente. Quand « Marie se met en route » (39) pour se rendre chez Elisabeth - littéralement quand elle « se met debout », comme le fera Pierre à l’annonce des femmes au matin de Pâques, ou encore comme le feront les disciples d’Emmaüs après avoir reconnu Jésus - c’est déjà la Résurrection qui est en marche, c’est déjà la victoire sur « la corruption du tombeau ». Et quand elle chante le Magnificat et qu’elle nous dit qu’ « exulte [s]on esprit en Dieu, [s]on Sauveur », nous pouvons percevoir la vie qui l’anime. Est-ce que nous exultons en Dieu ? Est-ce que notre esprit, notre personne, le dynamisme de vie qui nous habite exulte en Dieu ? Eh bien, en Marie, oui ! Comme si son énergie vitale, ce qui l’anime était totalement en accord avec l’énergie que Dieu veut nous donner, était totalement purifié de tout ce qui vient l’encombrer, de toute les forces de mort qui viennent la rabaisser, l’éteindre, la perdre. Marie exalte et exulte ; elle est habitée ; elle est vivante. Elle n’a pas donné une part de sa vie à Dieu, une partie d’elle-même ou des plages horaires dans son agenda, mais elle a tout donné et ne s’est rien réservé, rien gardé, si ce n’est la parole qu’elle n’a cessé de méditer en son cœur. Marie a tout donné, parfois peut-être simplement en étant là, dans son corps, exposé à la prière et aujourd’hui enlevé dans la gloire. En Marie, tout était déjà à Dieu, en Dieu, et c’est peut-être ainsi, qu’au moment de sa mort, tout s’est accompli, révélé.

Alors, par cette Assomption, Dieu, une nouvelle fois, nous fait une promesse, toujours la même, celle que j’aime résumer avec les mots du philosophe Gabriel Marcel : « Aimer un être, c'est lui dire : “toi, tu ne mourras pas.” » Dieu nous dit qu’il veut réellement, charnellement, cheminer avec nous, et que plus nous lui en laisserons les moyens, plus nous serons vivants, éternellement vivants.

Quant à Marie, nous le savons, elle est elle aussi présente auprès de nous depuis notre plus tendre enfance. Nous pourrions même reprendre à notre compte les paroles d’Elisabeth : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (43). Oui, Marie vient jusqu’à nous avec cette puissance de vie qui l’habite. Alors, en ces jours où l’avenir de notre monde semble s’assombrir, où espérance, foi et charité sont à la peine, accueillons cette fête de l’Assomption comme un message, une parole, une promesse de vie et de bonheur possible, pour tous, croyants ou non-croyants.