Vendredi, le 3 juillet 2020 – Fête de saint Thomas

Ep 2, 19-22 ; Jn 20, 24-29

Homélie

          Chacun des Évangélistes nous a rapporté à sa façon les événements qui ont suivi la Résurrection du Christ.  Il ne faut surtout pas essayer de réconcilier leur chronologie des événements.  En réalité ils ne sont pas intéressés par la chronologie et n'essayent pas de nous donner une description exacte des faits.  Ils veulent plutôt nous transmettre une vision théologique.  Luc, qui organise son Évangile autour de Jérusalem et du Temple, répartit les événements d'après la résurrection sur une période de cinquante jours, correspondant à la liturgie juive.  Jean, le théologien mystique au regard perçant, ramasse presque tous ces événements en un seul jour, le jour même de la résurrection.

 

          Le soir du jour de la résurrection, alors que les disciples, tremblant de peur, avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, par peur des Juifs, Jésus s’était soudain trouvé au milieu deux.  Mais Thomas n’était pas là.

          J'ai une grande sympathie et une grande admiration pour Thomas.  Il semble qu'il ait été le seul du groupe des disciples à ne pas avoir peur. Au moins, il était plus courageux que les autres.  S’il n’était pas là lorsque Jésus se manifesta aux disciples le soir de Pâques, c’est probablement parce qu'il était allé chercher quelque chose à manger pour les autres, qui avaient trop peur pour sortir.   Lorsqu'il revient et qu'on lui dit : "Nous avons vu le seigneur", sa réaction est normale:  "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets la main dans son côté, non je n'y croirai pas".  Il sait à quel point les autres ont peur et comment, lorsqu'on a peur, on est prêt à croire à tout pour se rassurer.

          Lorsque Jésus apparaît de nouveau, huit jours plus tard et qu’il dit à Thomas : "Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta main, et mets-la dans mon côté", Thomas fait ce très bel acte de foi que personne n'a encore fait:  "Mon Seigneur et mon Dieu".  C'est là un véritable acte de foi; non la confiance facile d'un homme qui a peur, mais la foi profonde et éclairée d'un homme courageux, qui a reconnu son Seigneur et son Dieu.  Thomas est, dans l'Évangile, le premier qui s'adresse directement à Jésus en utilisant le nom de "Seigneur".  Jean nous le présente donc comme la figure même du croyant (et non pas celle de l'incrédule).

          Jean, dans son Évangile, nous présente deux personnes qui, après la résurrection, n’ont pas peur, et qui peuvent donc proclamer leur foi en Jésus.  La première est Marie Madeleine.  Le matin de Pâques les femmes vont au sépulcre et le trouvent vide.  Elles ont alors peur et s'enfuient.  Marie Madeleine est la seule qui n'a pas peur.  Elle reste là, près du sépulcre. Lorsque les anges lui demandent ce qu'elle cherche elle répond : "Ils ont emporté mon Seigneur (Kurios)."  Cette parole est très importante.  Pour Marie Madeleine, Jésus n'est pas seulement un grand prophète, ni même seulement le Messie, selon les aspirations générales.  Il est le Seigneur, le Kurios, le Fils de Dieu. Parce que Marie a déjà reconnu Jésus comme Seigneur, elle n'a pas peur et parce qu'elle n'a pas peur Jésus peut se manifester à elle.  Et pourtant lorsqu'elle s'adresse à Jésus elle ne l'appelle pas directement "Seigneur", mais « mon maître » -- rabbouni.

 Armand Veilleux