11 octobre 2020 -- 28ème dimanche ordinaire « A »

Isaïe, 25, 6-10a ; Phil. 4, 12-14. 19-20 ; Matt. 22, 1-14

H O M É L I E

           Le prophète Isaïe utilise l’image du banquet pour décrire le salut des temps messianiques offert à tous les peuples.  De la même manière Jésus utilise souvent l’image du banquet de noces dans l’Évangile, lorsqu’il veut révéler le mystère de l’histoire du salut.

 

           Réfléchissons un peu sur le sens de cette image.  Et tout d’abord demandons-nous ce qui distingue un banquet d’un repas de tous les jours.

           La première différence est dans l’invitation.  En effet, on ne se présente pas à un banquet sans y être invité.  Il s’agit d’un repas festif auquel une personne invite librement ceux et celles qu’elle veut.  Les invités sont libres d’accepter, mais ils sont en quelque sorte forcés par cette invitation à révéler s’ils sont, oui ou non, de vrais amis.

           Et puis, un banquet regroupe plusieurs personnes.  Pour un hôte ou une hôtesse, c’est un art que de savoir bien choisir ses invités.  Il faut d’une part éviter de réunir à la même table des personnes qui ne peuvent se rencontrer.  D’autre part un banquet peut aussi être une occasion de réconciliation offerte à des personnes qui ont quelque chose à se pardonner mutuellement.  Ce peut aussi être l’occasion de nouer de nouvelles amitiés.

           Le troisième élément qui caractérise un banquet c’est que ce n’est pas une chose que l’on fait tous les jours.  Il faut avoir quelque chose ou quelqu’un à célébrer : ce qu’on célèbre peut être une arrivée, un départ, une rencontre après une longue séparation, une élection, ou bien une noce, comme dans l’évangile d’aujourd’hui, etc.  C’est toujours l’occasion de faire mémoire de quelque chose qui a une importance spéciale pour tous les participants.

           Une telle célébration implique un certain engagement de la part de tous.  En effet, on ne peut plus se permettre d’être ennemis après avoir participé ensemble à un banquet, même si on l’était avant.

           Un banquet exige aussi une nourriture spéciale : quelque chose de vraiment bon et préparé avec amour, qui soit un régal pour les yeux et l’odorat aussi bien que pour le goût.  Ce qu’on mange à un banquet n’a pas simplement pour but de calmer la faim.

           Eh bien ! Je crois qu’il est assez facile d’appliquer tout cela au banquet eucharistique. 

           Nous sommes les invités du Seigneur Jésus, qui nous a recommandé de nous réunir ainsi autour de la table en mémoire de lui.  Il s’agit de quelque chose de beaucoup plus important et plus riche que d’être simplement fidèles à une obligation ou à l’observance d’une règle. C’est pour nous l’occasion de montrer notre amour pour la personne qui nous invite, sachant au surplus, que nous sommes toujours invités.

           Celui qui nous a invités, nous a appelés de toutes les parties du monde pour nous transformer en une communauté, une Église.  Nous, ici réunis, c’est cet appel -- et notre célébration quotidienne -- qui, au delà de toutes nos différences d’idées, d’opinions et de préoccupations, fait de nous une communauté, une Église.

           Nous sommes réunis ici ce matin pour célébrer ensemble quelque chose, ou plutôt quelqu’un.  Nous célébrons le mystère pascal de notre rédemption dans le Christ.  Nous voulons conserver vivant le souvenir de Celui qui nous a invités, et écouter de nouveau son message.

           Nous avons une nourriture spéciale, qui est le corps et le sang du Christ, sacrement de l’amour de Jésus pour nous et de l’amour que nous voulons avoir les uns pour les autres.

           Tout cela requiert un engagement de notre part : l’engagement à vivre le message reçu, et à manifester dans notre vie d’aujourd’hui les liens rétablis ou raffermis ; l’engagement à transmettre à tous l’invitation ;  et finalement l’engagement à rendre possible à tous la participation à ce banquet.

           Mais il y a un dernier élément d’un banquet qu’il importe de souligner : un habit de fête s’impose.  Une personne bien éduquée ne va pas à un banquet en « jeans ». Dans les invitations venant de personnes qui se considèrent de la haute société, on trouve souvent la mention : « tenue de soirée exigée », ou quelque chose de semblable.  Mais je ne crois pas que ce soit de cela qu’il s’agit dans notre parabole.  En effet, tous ceux qui ont été ramassés sur la place publique pour emplir la salle du banquet n’avaient certainement pas une tenue de noce.  Je crois que pour comprendre le sens de cet élément de notre parabole, il faut se reporter à celle de l’enfant prodigue où, lorsque le fils demeuré fidèle à son père revient des champs et entends le fruit de la fête, il ne veut pas entrer.  La leçon de notre parabole d’aujourd’hui est qu’on ne peut participer au banquet offert par Dieu à tous ses fils et ses filles, si l’on n’a pas le cœur en fête, si l’on n’est pas disposé à se réjouir du fait qu’il accueille à ce banquet tous les pécheurs et tous les pauvres gueux comme nous.

Armand Veilleux